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11/01/2021 | FRANCE | N°19BX04008

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 11 janvier 2021, 19BX04008


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a décidé de lui refuser la délivrance d'un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée d'office à défaut de satisfaire à cette obligation.

Par un jugement n° 1900211 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa deman

de.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 octobr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a décidé de lui refuser la délivrance d'un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée d'office à défaut de satisfaire à cette obligation.

Par un jugement n° 1900211 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 octobre 2019 et le 19 novembre 2019, Mme A..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 23 mai 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a décidé de lui refuser la délivrance d'un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée d'office à défaut de satisfaire à cette obligation ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un certificat de résidence, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'une somme de 13 euros au titre du droit de plaidoirie.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision n'est pas motivée en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ; elle reprend l'intégralité des arguments de fait et de droit soulevés pour contester la légalité de la décision de refus de séjour ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée des mêmes vices de légalité interne que le refus de séjour ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée des mêmes vices de légalité externe et interne que la décision d'obligation de quitter le territoire français ;

- en cas d'éloignement vers l'Algérie, elle serait totalement isolée.

Par un mémoire enregistré le 24 novembre 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2019.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... E..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., de nationalité algérienne, est entrée régulièrement en France le 14 juin 2015 sous couvert d'un visa Schengen de court séjour à entrées multiples valable du 17 mai 2015 au 12 novembre 2015. S'étant maintenue sur le territoire français à l'expiration de ce visa, elle a formé le 28 mars 2018 une demande auprès du préfet de la Haute-Vienne en vue de la délivrance d'un certificat de résidence en raison de ses liens privés et familiaux en France. Par un arrêté du 20 novembre 2018, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2018. Elle relève appel du jugement du 23 mai 2019 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un certificat de résidence d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " peut être délivré " au ressortissant algérien, qui n'entre dans aucune des catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Selon l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est régulièrement entrée en France en 2015, que l'ensemble de sa famille y réside également et que son père, titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans, subvient à ses besoins. En outre, elle fait valoir qu'elle a fait des efforts pour s'intégrer dans la société française, qu'elle a ainsi passé et obtenu le diplôme d'études en langue française de niveau B1, qu'elle a pour projet de se former en tant que préparatrice en pharmacie ou aide-soignante et qu'elle est investie dans la vie associative locale. Dans ces conditions, eu égard à la présence en France de la plupart des membres de sa famille, à l'intensité des liens qu'elle entretient avec eux ainsi qu'à son investissement pour s'intégrer à la société française, Mme A... est fondée, dans les circonstances de l'espèce, à soutenir que l'arrêté contesté a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2018 lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence algérien.

4. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, de délivrer un titre de séjour à Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que le conseil de Mme A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, le versement d'une somme de 1 200 euros à Me F... au titre des frais exposés devant la cour et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 23 mai 2019 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 20 novembre 2018 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Vienne de délivrer un certificat de résidence algérien à Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Il est mis à la charge de l'Etat le versement à Me F... de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me D... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera délivrée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme C... E..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2021.

Le président,

Didier ARTUS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04008


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04008
Date de la décision : 11/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SELARL PREGUIMBEAU GREZE AEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-01-11;19bx04008 ?
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