Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... H... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement la commune de Lège-Cap Ferret et la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) à lui verser une indemnité d'un montant total de 66 264,10 euros en réparation des préjudices en lien avec la chute dont elle a été victime au stade municipal le 12 décembre 2014.
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde est intervenue dans l'instance et a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement la commune de Lège-Cap Ferret et la SMACL à lui verser la somme de 16 523,25 euros en remboursement de ses débours.
Par un jugement avant-dire droit n° 1604417 du 19 juin 2018, le tribunal a retenu la responsabilité de la commune de Lège-Cap Ferret, ordonné une expertise médicale afin d'évaluer les préjudices de Mme H..., et condamné solidairement la commune et la SMACL à verser les sommes provisionnelles de 8 000 euros à Mme H... et de 16 523,25 euros à la CPAM de la Gironde.
Par un jugement n° 1604417 du 18 juin 2019, le tribunal a condamné solidairement la commune et la SMACL à verser une indemnité de 23 459,17 euros à Mme H..., y compris la provision déjà accordée, et la somme de 16 523,25 euros à la CPAM de la Gironde, correspondant à la provision déjà accordée, et a mis à la charge de la commune et de la SMACL les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 768 euros.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 3 août 2018 sous le n° 18BX03060 et des mémoires enregistrés les 20 juin et 19 juillet 2019, la commune de Lège-Cap Ferret et la SMACL, représentées par le cabinet Lexia, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement avant-dire droit du 19 juin 2018 ;
2°) de rejeter les demandes de Mme H..., ou à titre subsidiaire de limiter la responsabilité de la commune à un quart des conséquences dommageables de l'accident ;
3°) de rejeter les demandes de la CPAM de la Gironde ;
4°) de mettre à la charge de Mme H... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dont 2 000 euros à verser à la commune et 2 000 euros à la SMACL.
Elles soutiennent que :
- le jugement est entaché d'une omission à statuer sur leur moyen relatif à la faute de la victime, qui connaissait les lieux, a manqué de vigilance en ne regardant pas où elle marchait alors que l'éclairage était suffisant, et a commis une imprudence dès lors qu'elle était chargée de bouteilles vides et de son sac ;
- les attestations produites par Mme H... ne sont pas probantes, le rapport d'intervention du SDIS ne permet pas d'établir les circonstances de la chute, et le reportage photographique n'est pas daté ; la matérialité des faits n'étant pas établie, c'est à tort que le tribunal a jugé que la trappe du compteur d'eau situé à proximité du local à poubelles était à l'origine de l'accident ;
- en l'absence de lien de causalité entre la chute et l'ouvrage public, la preuve de l'entretien normal de ce dernier n'a pas à être apportée par la commune ; au demeurant, la gestion du stade est confiée à l'Union sportive Lège-Cap Ferret, laquelle n'a pas alerté la commune de ce que le couvercle de la niche du compteur d'eau aurait été enlevé ; enfin, le tribunal a renversé la charge de la preuve en se fondant sur les affirmations de Mme H... pour retenir que la commune, qui avait pourtant produit une photographie le démontrant, n'établissait pas que l'endroit était éclairé ;
- à titre subsidiaire, Mme H... connaissait les lieux et a manqué de vigilance, d'autant qu'elle était chargée d'emballages de bouteilles et de son sac et que l'éclairage était suffisant ; la trappe du compteur d'eau ne constituait pas un obstacle imprévisible ; ainsi, c'est à tort que le tribunal n'a pas retenu de faute de la victime ;
- dès lors que le tribunal, statuant au fond, a évalué ses préjudices à 23 459,17 euros, Mme H... n'est pas fondée à demander une provision de 30 000 euros ;
- à titre infiniment subsidiaire, l'unique pièce produite par la CPAM de la Gironde ne suffisait pas à apporter la preuve du bien-fondé de sa créance.
Par des mémoires en défense enregistrés les 20 septembre 2018 et 17 juillet 2019, Mme H..., représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête, et demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de porter à 23 000 euros le montant de la provision qui lui a été allouée par le tribunal ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Lège-Cap Ferret une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- c'est à bon droit que le tribunal a jugé qu'elle devait être regardée comme établissant la matérialité des faits et le lien de causalité entre les blessures dont elle a été victime et la présence d'une trappe profonde, non refermée, jouxtant les bacs poubelles, et que la commune n'apportait pas la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage en cause ;
- aucune faute de la victime ne peut être retenue ;
- dès lors que, par un jugement du 18 juin 2019, le tribunal a condamné la commune de Lège-Cap Ferret à indemniser ses préjudices à hauteur de 23 459,17 euros, il y a lieu de porter la provision allouée par le jugement avant-dire droit à 23 000 euros.
Par des mémoires en défense enregistrés les 16 novembre 2018, 15 avril 2019 et 22 juillet 2019, la CPAM de la Gironde, représentée par la SELARL Bardet et Associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de porter à 19 871,51 euros, correspondant à ses débours définitifs, la somme que la commune de Lège-Cap Ferret et la SMACL ont été condamnées à lui verser ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Lège-Cap Ferret et de la SMACL les sommes de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- c'est à bon droit que le tribunal a retenu la responsabilité solidaire de la commune et de son assureur ;
- l'attestation d'imputabilité établie par son médecin conseil et les relevés des débours suffisent à établir la preuve des débours exposés, définitivement arrêtés à la somme de 19 871,51 euros, dont 8 727,44 euros au titre des dépenses de santé et 11 144,07 euros au titre des pertes de revenus.
Vu les autres pièces du dossier.
II. Par une requête enregistrée le 13 août 2019 sous le n° 19BX03370, Mme H..., représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 18 juin 2019 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande indemnitaire ;
2°) de condamner solidairement la commune de Lège-Cap Ferret et la SMACL à lui verser une indemnité d'un montant total de 66 264,10 euros ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Lège-Cap Ferret une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis 9,10 euros de frais de location d'un fauteuil roulant ainsi que 20,40 euros de frais de transport en ambulance ; elle a droit à 301,67 euros au titre des dépenses de santé restées à sa charge ;
- le tribunal s'est mépris sur sa demande de frais de transport pour 88 séances de kinésithérapie qui n'ont pas été réalisées à son domicile en février 2016, mais au cabinet du praticien à compter du 26 mars 2015 ; elle a droit à 1 822,13 euros à ce titre ;
- il y a lieu de retenir un tarif horaire de 18 euros pour l'assistance d'une tierce personne, soit au total 5 423,40 euros pour les 301,3 heures retenues par l'expert ;
- c'est à tort que le tribunal n'a pas retenu d'incidence professionnelle dès lors que la gêne douloureuse à la station debout a une répercussion sur l'exercice de son activité de vendeuse dans une boulangerie ; elle sollicite à ce titre la somme de 25 000 euros ;
- elle maintient sa demande d'indemnisation des périodes de déficit fonctionnel temporaire à hauteur d'un montant total de 3 450,90 euros sur la base de 30 euros par jour de déficit fonctionnel total ;
- l'indemnisation des souffrances endurées de 3,5 sur 7 doit être fixée à 10 000 euros, et celle du préjudice esthétique temporaire de 2 sur 7 à 3 000 euros ;
- elle sollicite les sommes de 5 080 euros au titre du déficit fonctionnel permanent de 4 % et de 2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;
- elle justifie qu'elle pratiquait la danse et la gymnastique avant l'accident, et qu'elle participait aux cours donnés aux enfants, et sollicite 6 000 euros au titre du préjudice d'agrément.
Par un mémoire enregistré le 2 avril 2020, la CPAM de la Gironde, représentée par la SELARL Bardet et Associés, demande à la cour :
1°) de porter à 19 871,51 euros la somme que la commune de Lège-Cap Ferret et la SMACL ont été condamnées à lui verser ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Lège-Cap Ferret et de la SMACL les sommes de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'attestation d'imputabilité établie par son médecin conseil, dont la probité ne peut être mise en cause, établit qu'elle a exposé 19 871,51 euros en lien avec l'accident de Mme H..., soit 8 727,44 euros de dépenses de santé et 11 144,07 euros au titre des pertes de revenus.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 septembre 2020, la commune de Lège-Cap Ferret et la SMACL, représentées par le cabinet Lexia, concluent au rejet de la requête et des demandes de la CPAM de la Gironde et demandent à la cour de mettre à la charge de Mme H... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dont 2 000 euros à verser à la commune et 2 000 euros à la SMACL.
Elles font valoir que :
- dès lors que c'est à tort que le tribunal a retenu la responsabilité de la commune par le jugement avant-dire droit du 18 juin 2018, les demandes de Mme H... et de la CPAM de la Gironde ne peuvent qu'être rejetées ;
A titre subsidiaire :
- Mme H... n'a produit aucun élément justifiant des dépenses de santé retenues comme restées à sa charge à hauteur de 212,17 euros ; il n'est pas établi que la note d'honoraires de médecin conseil de 375 euros serait en lien avec la chute ; c'est à tort que le tribunal a alloué une somme de 2 707 euros au titre des pertes de revenus, dont le caractère certain n'était pas établi ; les sommes allouées au titre du préjudice esthétique temporaire et du déficit fonctionnel permanent sont surévaluées ; pour le surplus, les sommes allouées par le tribunal sont suffisantes, et c'est à bon droit que la demande présentée au titre de l'incidence professionnelle a été rejetée ;
- le décompte produit par la CPAM de la Gironde ne suffit pas à justifier des débours effectivement exposés.
Vu les autres pièces du dossier.
III. Par une requête enregistrée le 20 août 2019 sous le n° 19BX03409, la commune de Lège-Cap Ferret et la SMACL, représentées par le cabinet Lexia, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 juin 2019 ;
2°) de mettre à la charge de Mme H... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dont 2 000 euros à verser à la commune et 2 000 euros à la SMACL.
Leurs écritures sont identiques à celles présentées dans l'instance n° 19BX03370.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 avril 2020, la CPAM de la Gironde, représentée par la SELARL Bardet et Associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :
1°) de porter à 19 871,51 euros la somme que la commune de Lège-Cap Ferret et la SMACL ont été condamnées à lui verser ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Lège-Cap Ferret et de la SMACL les sommes de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ses écritures sont identiques à celles présentées dans l'instance n° 19BX03370.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Ladoire, rapporteur public,
- et les observations de Me J..., représentant la commune de Lège-Cap Ferret et la SMACL.
Considérant ce qui suit :
1. Par la requête n° 18BX03060, la commune de Lège-Cap Ferret et la SMACL relèvent appel du jugement avant-dire droit du 19 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a retenu la responsabilité de la commune dans la chute dont Mme H..., dirigeante du club de l'Union sportive de Lège-Cap Ferret (USLCF), a été victime le 12 décembre 2014 vers 22 heures dans l'enceinte du stade municipal Sesostris, a ordonné une expertise pour évaluer les préjudices de Mme H..., et les a condamnées solidairement à verser à cette dernière une provision de 8 000 euros, et à la CPAM de la Gironde une somme de 16 523,25 euros en remboursement de ses débours provisoires. Par la requête n° 19BX03370, Mme H..., qui avait sollicité une indemnité d'un montant total de 66 264,10 euros, relève appel du jugement du 18 juin 2019 par lequel le tribunal, après le dépôt du rapport d'expertise, a condamné solidairement la commune et la SMACL à lui verser la somme de 23 459,17 euros, y compris la provision déjà accordée, et rejeté le surplus de sa demande. Par la requête n° 19BX03409, la commune de Lège-Cap Ferret et la SMACL demandent l'annulation du jugement du 18 juin 2019, et à titre subsidiaire la réduction des sommes mises à leur charge. Dans les trois instances, la CPAM de la Gironde, qui a obtenu le remboursement de ses débours à hauteur de 16 523,25 euros correspondant à la provision, sollicite la somme de 19 871,51 euros. Ces requêtes étant relatives au même litige devant le tribunal administratif de Bordeaux, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement avant-dire droit :
2. La commune de Lège-Cap Ferret et la SMACL ont fait valoir en première instance que la faute de la victime était de nature à exonérer totalement la commune de sa responsabilité. Les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen en défense, ce qui entache d'irrégularité le jugement avant-dire droit. Par suite, ce jugement doit être annulé, et il y a lieu pour la cour de statuer par la voie de l'évocation sur la responsabilité de la commune.
Sur la responsabilité de la commune de Lège-Cap Ferret :
3. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit de l'absence de défaut d'entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.
4. Mme H..., usagère de l'ouvrage public constitué par le stade municipal et ses dépendances, a décrit les circonstances de son accident dans une déclaration de sinistre adressée au maire de la commune de Lège-Cap Ferret par lettre du 31 décembre 2014. Elle a exposé que le 12 décembre vers 22 heures, après un cours de danse au stade, elle s'est rendue au foyer municipal Graffouillère afin de préparer le goûter d'après-match du lendemain pour l'USLCF, en est sortie par l'arrière pour jeter des emballages de bouteilles dans les poubelles situées près du portail donnant sur la rue des Goélands, est tombée les deux pieds " dans la niche du compteur d'eau dont le couvercle avait été enlevé, sans qu'aucune signalisation ne permette d'identifier le danger ", s'est dirigée tant bien que mal vers l'extérieur de l'enceinte du stade pour trouver du secours, et après environ un quart d'heure, a été secourue par un passant qui a appelé les pompiers. Mme H... a produit le compte-rendu d'intervention des pompiers qui l'ont transportée au service des urgences du centre médico chirurgical d'Arès, ainsi que, notamment, les attestations du passant qui l'a secourue et d'un joggeur ayant répondu à un appel à témoins, toutes deux assorties, contrairement à ce soutiennent la commune de Lège-Cap Ferret et la SMACL, des pièces d'identité de leurs auteurs. Si le passant n'a pas assisté à la chute, il a précisé être allé récupérer le sac de Mme H... au niveau de l'endroit où elle était tombée, avoir constaté que la trappe du compteur était ouverte, et l'avoir refermée. Le joggeur a indiqué qu'alors qu'il était arrêté pour faire des étirements, il avait vu à une trentaine de mètres qu'une dame était sortie du foyer en se dirigeant vers les poubelles et était tombée, qu'il ne l'avait pas entendue parce qu'il écoutait de la musique, et que l'ayant vue " sortir du trou " puis disparaître de son champ de vision, il ne s'était pas inquiété, et avait ensuite répondu à l'appel à témoins. Ces éléments circonstanciés sont illustrés par les photographies des lieux faisant apparaître la proximité entre, d'une part, le foyer municipal, les poubelles et le compteur d'eau situés dans l'enceinte du stade, et d'autre part l'endroit, à la sortie de cette dernière, où Mme H... a été retrouvée après s'être déplacée au plus de quelques mètres avec une double fracture ouverte de la jambe gauche. La commune et la SMACL ne démontrent, par les photographies qu'elles produisent, ni que la configuration des lieux présentée par Mme H... serait inexacte, ni que le joggeur n'aurait pu voir la chute en raison de la présence d'arbres, lesquels ne pouvaient masquer la vue en décembre, alors que leurs feuilles étaient tombées. Ainsi, la matérialité des faits et le lien de causalité entre la chute et la " trappe " ouverte du regard du compteur d'eau doivent être regardés comme établis.
5. La commune de Lège-Cap Ferret étant le maître de l'ouvrage public constitué par le stade municipal et ses dépendances, elle supporte la charge de la preuve de son entretien normal, et notamment d'un éclairage suffisant pour voir la trappe ouverte, ce qu'elle n'établit pas en produisant une photographie prise de jour, faisant apparaître un éclairage public donnant sur la rue, à l'opposé et un peu à l'écart du lieu de l'accident. La commune de Lège-Cap Ferret et la SMACL, qui ne présentent pas de conclusions à fin d'appel en garantie, ne peuvent utilement invoquer la responsabilité de l'USLCF, à laquelle la gestion du stade aurait été confiée.
6. Ni le fait que Mme H... était chargée de son sac à main et des emballages qu'elle allait jeter à la poubelle, ni la circonstance qu'elle connaissait les lieux et l'existence du compteur d'eau, ne sont de nature à démontrer qu'elle aurait manqué de vigilance, alors qu'elle ne pouvait raisonnablement s'attendre à la disparition du couvercle, laissant ouverte la trappe à l'origine de sa chute. Par suite, aucune faute de la victime n'est de nature à atténuer la responsabilité de la commune.
Sur les préjudices de Mme H... :
7. En l'absence de partage de responsabilité, et le second jugement n'étant pas entaché d'irrégularité, il y a lieu de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les préjudices invoqués.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
8. En premier lieu, Mme H... justifie avoir versé à son médecin conseil 375 euros pour la consultation initiale du 17 décembre 2018 et 1 104 euros pour l'assistance à l'expertise. Contrairement à ce que soutiennent la commune et la SMACL, la consultation initiale ne fait pas double emploi avec l'analyse médico-légale préalable du dossier. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont mis à leur charge la somme de 1 479 euros.
9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la chute a provoqué une fracture ouverte des deux os de la jambe gauche et une fracture déplacée de la base du deuxième métatarsien du pied droit, ce qui a nécessité une longue rééducation. Mme H..., qui justifie de 88 séances de kinésithérapie à 20,6 kilomètres de son domicile entre le 26 mars et le 18 décembre 2015, auxquelles elle s'est rendue avec son véhicule de 4 chevaux fiscaux, est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal lui a refusé l'indemnisation de ces frais de déplacement. Par application du tarif alors applicable de 0,493 euros par kilomètre, cette indemnisation doit être fixée à 1 787 euros.
10. En troisième lieu, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les demandes de Mme H... relatives à des frais de kinésithérapie restés à sa charge ne sont pas justifiées eu égard à l'ambiguïté des pièces du dossier quant à un éventuel remboursement par une mutuelle. La demande relative à la location d'un fauteuil roulant pour 9,40 euros dont Mme H... invoque l'omission n'est pas assortie d'un justificatif, et la nécessité des frais d'ostéopathie exposés à hauteur de 50 euros n'est pas établie. Les relevés détaillés des débours de la CPAM de la Gironde font apparaître que Mme H... a conservé à sa charge, le 22 décembre 2014, des frais de transport en ambulance de 27,79 euros et 20,40 euros ainsi que des frais infirmiers de 8,16 euros, le 7 juillet 2015 des frais pharmaceutiques de 10,62 euros, et enfin des franchises d'un montant total de 109,50 euros. Par suite, la somme de 272,17 euros allouée par le tribunal au titre des dépenses de santé doit être ramenée à 176,47 euros.
11. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que l'état de Mme H... en lien avec l'accident du 12 décembre 2014 a nécessité l'assistance d'une tierce personne durant 3 heures par jour du 16 décembre 2014 au 15 février 2015, puis 1 heure 30 par jour du 16 février au 25 mars 2015, et enfin 4 heures par semaine du 26 mars au 5 juillet 2015. Contrairement à ce qu'affirme Mme H..., cette assistance, qui lui a été apportée par sa fille, ne présentait pas un caractère spécialisé, de sorte qu'il n'y a pas lieu de retenir le tarif pratiqué par une association de services aux personnes, mais le salaire minimum interprofessionnel de croissance brut augmenté des charges sociales, soit 13,45 euros par heure, sur une base annuelle de 412 jours afin de tenir compte des congés payés. Par suite, l'indemnisation de ce préjudice doit être ramenée de 4 575 euros à 4 379 euros.
12. En cinquième lieu, Mme H... justifie, par la production de ses contrats de travail et de ses avis d'imposition, que ses activités salariées de retoucheuse sous couvert de trois contrats à durée indéterminée et à temps partiel, et de serveuse dans le cadre de contrats saisonniers à temps partiel renouvelés chaque année, lui procuraient, avant et après l'accident, des revenus professionnels stables de 17 368 euros en 2013, 16 835 euros en 2014, 16 317 euros en 2016 et 16 307 euros en 2017, qu'il y a lieu d'évaluer à un montant annuel moyen de 16 707 euros. Il résulte de l'instruction que l'accident a empêché toute activité professionnelle du 16 décembre 2014 au 5 juillet 2015, ainsi que la conclusion du contrat saisonnier de serveuse en 2015, année au cours de laquelle Mme H... a perçu 14 128 euros, indemnités journalières incluses. Ses pertes de gains professionnels doivent ainsi être ramenées de 2 707 euros à 2 579 euros.
13. En sixième lieu, il résulte de l'instruction que les séquelles de l'accident du 12 décembre 2014 sont à l'origine d'une gêne à la station debout prolongée, ce qui, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, rend nécessairement plus pénible l'exercice non seulement de l'activité de serveuse, mais aussi de celle de vendeuse dans une boulangerie que Mme H... a commencée en 2019. Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'incidence professionnelle en fixant son indemnisation à la somme de 3 000 euros.
En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :
14. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les fractures de la jambe gauche et du pied droit ont été à l'origine de 4 jours d'hospitalisation avec un déficit fonctionnel temporaire total, et de déficits fonctionnels de 75 % durant 61 jours du 16 décembre 2014 au 15 février 2015, de 50 % durant 37 jours du 16 février au 25 mars 2015, de 25 % durant 175 jours du 26 mars au 31 août et du 13 au 30 septembre 2015, et de 10 % durant 87 jours du 1er au 10 septembre et du 1er octobre au 18 décembre 2015. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de ce préjudice en allouant au titre de l'ensemble de ces périodes une indemnité d'un montant total de 2 078 euros, sur la base de 500 euros par mois de déficit total.
15. En deuxième lieu, l'expert a évalué à 3,5 sur 7 les souffrances physiques et morales résultant de la double fracture de la jambe gauche, des deux interventions chirurgicales et des dix mois de rééducation. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de ce préjudice en fixant son indemnisation à 5 000 euros.
16. En troisième lieu, Mme H..., qui a dû se déplacer en fauteuil roulant du 15 décembre 2014 au 25 mars 2015, puis marcher avec des cannes anglaises jusqu'à la mi-avril 2015, a subi un préjudice esthétique temporaire dont le tribunal n'a pas fait une insuffisante appréciation en allouant une somme de 1 800 euros.
17. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que le 18 décembre 2015, date de consolidation de son état de santé, Mme H... était âgée de 57 ans et conservait un déficit fonctionnel permanent de 4 %. La somme de 4 348 euros allouée à ce titre par les premiers juges n'apparaît pas sous-évaluée.
18. En cinquième lieu, le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice esthétique permanent, caractérisé par une cicatrice de 11 cm sur la face antéro-externe de la jambe gauche et évalué à 1,5 sur 7 par l'expert, en fixant son indemnisation à 1 200 euros.
19. En sixième lieu, eu égard aux justificatifs produits, il y a lieu d'allouer à Mme H... une somme de 1 000 euros au titre du préjudice d'agrément caractérisé par une limitation de ses activités de gymnastique et de danse.
20. Il résulte de ce qui précède que la somme que la commune de Lège-Cap Ferret et la SMACL ont été solidairement condamnées à verser à Mme H... doit être portée de 23 459,17 euros à 28 826,47 euros.
Sur les demandes de la CPAM de la Gironde :
21. La CPAM de la Gironde justifie, par l'état de frais et l'attestation d'imputabilité qu'elle produit, avoir exposé, en lien avec la chute de Mme H... le 12 décembre 2014, 4 374,76 euros de frais d'hospitalisation, 2 714,26 euros de frais médicaux incluant notamment les frais de kinésithérapie, 705,10 euros de frais pharmaceutiques, 334,52 euros de frais d'appareillage et 708,30 euros de frais de transport, dont il convient de déduire 109,50 euros de franchises, ainsi que 11 144,07 euros d'indemnités journalières. Par suite, la somme que la commune de Lège-Cap Ferret et la SMACL ont été solidairement condamnées à lui verser doit être portée de 16 523,25 euros à 19 871,51 euros.
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :
22. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) / En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. (...). " Eu égard au rehaussement du remboursement obtenu en appel par la CPAM de la Gironde, l'indemnité forfaitaire de gestion doit être portée au montant maximum fixé à 1 091 euros par arrêté du 27 décembre 2019.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
23. C'est à bon droit que les premiers juges ont mis les frais d'expertise de 788 euros à la charge solidaire de la commune de Lège-Cap Ferret et de la SMACL, qui sont la partie perdante et ne sont dès lors pas fondées à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à leur charge les sommes de 1 500 euros à Mme H... et de 800 euros à la CPAM de la Gironde au titre des frais exposés à l'occasion du présent litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1604417 du 19 juin 2018 est annulé. La commune de Lège- Cap-Ferret est déclarée entièrement responsable du préjudice lié à la chute de Mme H....
Article 2 : La somme que la commune de Lège-Cap Ferret et la SMACL ont été solidairement condamnées à verser à Mme H... est portée de 23 459,17 euros à 28 826,47 euros.
Article 3 : La somme que la commune de Lège-Cap Ferret et la SMACL ont été solidairement condamnées à verser à la CPAM de la Gironde est portée de 16 523,25 euros à 19 871,51 euros.
Article 4 : L'indemnité forfaitaire de gestion mise à la charge solidaire de la commune de Lège-Cap Ferret et de la SMACL est portée de 1 080 euros à 1 091 euros.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1604417 du 18 juin 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : La commune de Lège-Cap Ferret et la SMACL verseront solidairement une somme de 1 500 euros à Mme H... et une somme de 800 euros à la CPAM de la Gironde au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lège-Cap Ferret, à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales, à Mme F... H... et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme I... E..., présidente,
Mme A... C..., présidente-assesseure,
Mme B... D..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 décembre 2020.
La rapporteure,
Anne C...
La présidente,
Catherine E...La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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Nos 18BX03060, 19BX03370, 19BX03409