Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 9 août 2019 par lequel la préfète de la Charente lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 1902193 du 6 novembre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et des pièces, enregistrées le 2 décembre 2019 et le 30 juillet 2020, sous le n° 19BX04709, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 6 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 août 2019 par lequel la préfète de la Charente lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Charente de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi
du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la préfète n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation et s'est estimée liée par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnait l'article L. 313-13 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour en France sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et de méconnaissance de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale car porte atteinte à son droit à la vie garanti par l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui interdisant le retour en France n'est pas motivée et méconnait l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il invoque des circonstances humanitaires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2020, la préfète de la Charente, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. E... n'est fondé.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juillet 2020.
II. Par une requête, enregistrée le 13 mai 2020, sous le n° 20BX01608, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour de prononcer le sursis à l'exécution du jugement attaqué du 6 novembre 2019 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que l'exécution du jugement du tribunal administratif de Poitiers
du 6 novembre 2019 entrainerait des conséquences difficilement réparables pour lui et l'expose à un risque de mort.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2020, la préfète de la Charente, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. E... n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... G..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant géorgien né le 1er juillet 1973, est entré en France le 28 août 2018. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par une décision du 30 novembre 2018 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 11 avril 2019. M. E... a alors sollicité, le 7 mai 2019, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 août 2019, la préfète de la Charente a refusé de lui délivrer le titre sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par une requête enregistrée sous le n° 19BX04709, M. E... relève appel du jugement du 6 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi, ainsi que lui interdisant tout retour sur le territoire pour une durée d'un an, contenues dans l'arrêté du 9 août 2019. Par une requête enregistrée sous le n° 20BX01608, M. E... demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce même jugement. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le refus de séjour :
2. En premier lieu, il ne ressort des pièces du dossier ni que la préfète de la Charente aurait omis de procéder à un examen particulier de la situation de M. E... ni qu'elle se serait crue liée par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...). ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...). ".
4. Il ressort des pièces du dossier et, en particulier de l'avis émis le 6 août 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que si l'état de santé de M. E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existe une offre de soins dans son pays d'origine pour sa prise en charge médicale. Pour contester cet avis, M. E... soutient qu'il est atteint d'une insuffisance rénale chronique de stade V, correspondant au stade terminal, qui nécessitera à moyen terme une transplantation rénale, qu'il souffre également d'hypertension artérielle, qu'il ne pourra pas bénéficier d'un traitement adapté en Géorgie. Il produit, à ce titre, trois certificats médicaux, datés respectivement du 29 juillet 2019, du 16 août 2019 et du 5 septembre 2019, rédigés par le docteur Jamet, praticien hospitalier en néphrologie au centre hospitalier universitaire d'Angoulême, lesquels confirment que le requérant souffre d'une insuffisance rénale en phase V qui nécessite à ce stade un suivi néphrologique et la réalisation régulière de bilans biologiques, compte tenu d'un rein unique en position atypique. Ces certificats médicaux, qui excluent l'indication d'une prise en charge par hémodialyse à court terme, ne se prononcent toutefois pas sur l'indisponibilité pour le requérant de recevoir en Géorgie des soins adaptés à son état de santé. Au surplus, le certificat daté du 16 août 2019 mentionne la création d'une fistule artérioveineuse le 22 février 2019, jugée parfaitement utilisable en cas de recours à l'hémodialyse. La circonstance que le certificat rédigé le 21 mai 2019 par le docteur Lecomte, praticien hospitalier en néphrologie, et adressé au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, comporte par erreur l'indication d'un rein surnuméraire et non pas d'un rein unique en concluant néanmoins à l'absence d'argument clinique ou biologique justifiant de débuter un traitement d'épuration extra-rénale ne saurait suffire, par lui-même, à infirmer l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, lequel n'a pu se méprendre sur la portée de ces indications thérapeutiques sur l'état de santé du requérant et ne saurait établir que l'intéressé ne pourrait poursuivre un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine sous sa forme actuelle ou sous une forme alternative. Si M. E... a également produit un certificat daté du 11 septembre 2019 émanant de l'union de dialyse néphrologie et transplantation de rein en Géorgie dont il ressort que, dans ce pays, les transplantations rénales sont effectuées exclusivement à partir de donneurs vivants membres de la famille du malade et qu'il serait impossible de trouver un donneur pour le requérant compte tenu de ces critères, ce document n'est toutefois pas de nature à établir l'impossibilité pour M. E... de bénéficier d'une greffe de rein en Géorgie, pays où il a vécu l'essentiel de sa vie et où il n'établit ni même n'allègue être dépourvu de toute attache familiale. Enfin, si M. E... soutient que le coût du traitement approprié à son état de santé constitue un obstacle à sa prise en charge en Géorgie, il n'apporte aucune précision à l'appui de cette affirmation et ne démontre pas qu'il serait sans ressources dans son pays d'origine, ni qu'il ne serait pas apte à y travailler. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, M. E... soutient qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il réside habituellement en France depuis son entrée sur le territoire français le 28 août 2018 et que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, alors qu'il n'existe pas d'offre de soins dans son pays d'origine pour sa prise en charge médicale. Toutefois, l'intéressé, qui est entré récemment en France, est célibataire et sans charge de famille. Il n'a été admis à séjourner en France qu'à titre temporaire dans l'attente de l'examen de sa demande d'asile et ne démontre pas ni même n'allègue être isolé dans son pays d'origine. Au vu de ces éléments et des considérations du point précédent, c'est à bon droit et sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet a opposé le refus de titre de séjour contesté.
6. En quatrième lieu, si M. E... entend invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes duquel " le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi ", il n'apporte en tout état de cause à l'appui de ses allégations aucun élément de nature à en établir le bien-fondé.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de son illégalité invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français doit être écartée.
8. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux point 5 et 6, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'erreur d'appréciation et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
9. D'une part, il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de son illégalité invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit être écartée.
10. D'autre part, pour le même motif que celui exposé au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de l'illégalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français au motif de l'illégalité de la décision de refus de séjour, doit être écarté.
12. En deuxième lieu, il ressort de l'arrêté contesté que la préfète de la Charente rappelle les textes applicables et, notamment le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise que le requérant est entré et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, qu'il ne fait la preuve d'aucune intégration, qu'il est célibataire, ne se prévaut d'aucune attache en France, et que rien ne fait obstacle à ce qu'il quitte le territoire français. Ainsi, cette autorité a indiqué les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être écarté.
13. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
14. I Il ressort des pièces du dossier que la préfète de la Charente a interdit le retour de M. E... sur le sol français pendant une durée d'un an, eu égard à l'irrégularité du séjour en France de l'intéressé et à l'absence de démonstration de l'existence de liens personnels et familiaux sur ce territoire. Ainsi, nonobstant la circonstance que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, la préfète de la Charente n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande aux fins d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de renvoi, et lui interdisant tout retour durant le délai d'un an.
Sur les conclusions à fins de sursis :
16. Le présent arrêt, qui statue sur la requête présentée par M. E... à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 6 novembre 2019, rend sans objet ses conclusions à fins de sursis à exécution de ce jugement.
Sur les autres conclusions :
17. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté attaqué, n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. E... ne peuvent qu'être rejetées.
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, les sommes dont M. E... demande le versement au profit de son conseil au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution de la requête n° 20BX01608.
Article 2 : La requête n° 19BX04709 et le surplus des conclusions de la requête n° 20BX01608 sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera délivrée à la préfète de la Charente.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme C... F..., présidente,
Mme D... G..., présidente-assesseure,
Mme Déborah de Paz, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
La présidente,
Brigitte PHEMOLANT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 19BX04709, 20BX01608