Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D..., la SARL Piquey Sud, Mme V... D...-Y..., M. H... W..., M. B... A..., M. L... D..., M. O... D..., Mme N... G... épouse I..., M. M... G..., Mme U... D..., Mme P... D..., Mme C... A... et M. Q... G... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 17 octobre 2016 par laquelle la commission permanente du conseil départemental de la Gironde a créé la zone de préemption des espaces naturels sensibles " Forêt de Piquey " et la délibération du 24 mars 2016 par laquelle le conseil municipal de Lège-Cap Ferret a donné son accord à la création de cette zone.
Par un jugement n° 1605263 du 21 juin 2018 le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 27 juillet 2018 et les 26 juin et 6 novembre 2019, M. E... D..., la SARL Piquey Sud, Mme V... D...-Y..., M. H... W..., M. B... A..., M. L... D..., M. O... D..., Mme N... G... épouse I..., M. M... G..., Mme U... D..., Mme P... D..., Mme C... A... et M. Q... G..., représentés par Me J..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1605263 du 21 juin 2018 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler la délibération du 17 octobre 2016 par laquelle la commission permanente du conseil départemental de la Gironde a créé la zone de préemption des espaces naturels sensibles " Forêt de Piquey " et la délibération du 24 mars 2016 par laquelle le conseil municipal de Lège-Cap Ferret a donné son accord à la création de cette zone ;
3°) de mettre la somme de 2 500 euros à la charge solidaire du département de la Gironde et de la commune de Lège-Cap Ferret au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Ils soutiennent que :
En ce qui concerne la délibération du 17 octobre 2016 :
- le département ne démontre pas la compétence de la commission permanente pour adopter cette délibération ; la délibération du 9 avril 2015 est trop imprécise ;
- le département ne démontre pas la régularité des conditions de convocation des membres de la commission permanente ; seul le règlement intérieur peut fixer les règles applicables ; aucun élément ne permet de justifier que les convocations ont été envoyées dans les délais ou que les membres de la commission permanente ont donné leur accord pour recevoir l'ensemble des informations leur permettant de délibérer en toute connaissance de cause par voie dématérialisée ;
- cette délibération est entachée d'une erreur de droit dès lors que la création de la zone a pour objet de freiner la pression urbanistique dans le secteur et n'a donc pas pour objet de favoriser la mise en oeuvre d'une politique de protection ou de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non ;
- cette délibération est entachée d'erreur d'appréciation ; les parcelles en cause ne présentent aucun enjeu écologique fort.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 mars 2019, le département de la Gironde, représenté par Me S..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge des requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2019 la commune de Lège-Cap Ferret, représentée par la SCP F...-Cazcarra Avocats, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Elle soutient que :
- les conclusions dirigées contre la délibération du 24 mars 2016 sont manifestement tardives ;
- en première instance et en appel, aucun moyen n'a été dirigée contre la délibération du 24 mars 2016 ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. T... R...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,
- et les observations de Me X..., représentant de M. D... et autres, les observations de Me K... représentant le département de la Gironde, et les observations de Me F..., représentant de la commune de Lège-Cap Ferret.
Considérant ce qui suit :
1. Suite à une délibération du 24 mars 2016 du conseil municipal de la commune de Lège-Cap Ferret lui donnant son accord, le département de la Gironde a, par une délibération du 17 octobre 2016, créé une zone de préemption des espaces naturels sensibles " Forêt de Piquey " comprenant les parcelles cadastrées section BN n° 75, 79,80, 81, 84, 112 et 83 (partiellement). M. D..., la SARL Piquey Sud et les autres requérants, membres de l'indivision D...-G... propriétaire des parcelles concernées, relèvent appel du jugement du 21 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces deux délibérations.
Sur le bien-fondé :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales dans sa version applicable : " Le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département. (...) ". Aux termes de l'article L. 3211-2 du même code : " Le conseil général peut déléguer une partie de ses attributions à la commission permanente, à l'exception de celles visées aux articles L. 3312-1 et L. 1612-12 à L. 1612-15 ", lesquels portent sur l'adoption du budget et des comptes, l'arrêté des comptes, la transmission du compte administratif au représentant de l'Etat, l'adoption de mesures de redressement en cas d'exécution en déficit du budget et l'inscription au budget de dépenses obligatoires. Eu égard tant à son objet, qui est d'assurer la continuité des fonctions de l'organe délibérant du département, qu'à sa portée, qui ne dessaisit pas le conseil général de ses attributions, la délégation ainsi prévue permet au conseil général d'habiliter la commission permanente à statuer sur toute affaire étrangère aux attributions visées aux articles L. 3312-1 et L. 1612-12 à L. 1612-15.
3. Par délibération du 2 avril 2015, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs du département, l'assemblée du département a donné délégation à la commission permanente, pour la durée de la mandature, en toutes les matières dont la délégation n'est interdite ni par la loi, ni par la délibération elle-même. La création de zones de préemption au titre des espaces naturels sensibles n'est exclue ni par la loi, ni par cette délibération. Cette délégation est suffisamment précise. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de la commission permanente pour adopter la délibération attaquée manque en fait.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 3121-19 du code général des collectivités territoriales : " Douze jours au moins avant la réunion du conseil départemental, le président adresse aux conseillers départementaux un rapport, sous quelque forme que ce soit, sur chacune des affaires qui doivent leur être soumises. / Les rapports peuvent être mis à la disposition des conseillers qui le souhaitent par voie électronique de manière sécurisée ; cette mise à disposition fait l'objet d'un avis adressé à chacun de ces conseillers dans les conditions prévues au premier alinéa. (...) ". Aux termes de l'article L. 3121-19-1 du même code : " Les rapports sur chacune des affaires qui doivent être soumises à la commission permanente sont transmis huit jours au moins avant sa réunion, dans les conditions prévues à l'article L. 3121-19 ".
5. D'une part, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 3121-19-1 du code général des collectivités territoriales que les modalités de convocation des membres de la commission permanente du conseil général obéissent aux mêmes règles que celles prévues par l'article L. 3121-19 du même code et ne relèvent donc pas du règlement intérieur de cet organe du département. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les membres de la commission permanente, qui étaient tous présents ou excusés, ont été régulièrement convoqués à la séance du 17 octobre 2016 par un courrier en date du 20 septembre précédent. En revanche, il ne ressort d'aucune pièce du dossier, alors que les requérants ne font état d'aucun élément précis, que la convocation serait parvenue aux membres de la commission permanente dans un délai inférieur au délai de huit jours prévu par les dispositions précitées de l'article L. 3121-19-1 du code général des collectivités territoriales. Enfin, un courrier électronique en date du 4 octobre 2016 a signalé à l'ensemble des élus concernés que le rapport préalable à l'adoption de cette délibération était à leur disposition sur la plateforme dédiée du département et qu'ils pouvaient y accéder avec leurs identifiants et codes habituels. Dans ces circonstances, le consentement de l'ensemble des élus pour recevoir les rapports par voie électronique doit être regardé comme établi. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que les dispositions des articles L. 3121-19 et L. 3121-19-1 du code général des collectivités territoriales auraient été méconnues.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 113-8 du code de l'urbanisme : " Le département est compétent pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non, destinée à préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs naturels d'expansion des crues et d'assurer la sauvegarde des habitats naturels selon les principes posés à l'article L. 101-2 ". Aux termes de l'article L. 113-14 du même code : " Pour mettre en oeuvre la politique prévue à l'article L. 113-8, le département peut créer des zones de préemption dans les conditions définies aux articles L. 215-1 et suivants ". Aux termes de l'article L. 215-1 du même code : " Pour mettre en oeuvre la politique prévue à l'article L. 113-8, le département peut créer des zones de préemption dans les conditions définies au présent article. / Dans les communes dotées d'un plan local d'urbanisme approuvé, les zones de préemption sont créées avec l'accord de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme. En l'absence d'un tel document, et à défaut d'accord des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d'urbanisme concernés, ces zones ne peuvent être créées par le département qu'avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'État ".
7. D'une part, la seule mention parmi les motifs de la décision de la pression de l'urbanisation très prégnante dans ce secteur ne permet pas de conclure que le département de la Gironde, qui fait par ailleurs état des enjeux environnementaux et paysagers remarquables qui caractérisent le site de la " Forêt de Piquey ", aurait commis une erreur de droit en instituant la zone de préemption litigieuse dans le seul but de faire échec à son urbanisation.
8. D'autre part, il est constant que la zone concernée est attenante à un espace boisé classé et se situe dans le voisinage immédiat de plusieurs sites classés Natura 2000, directive habitat " Bassin d'Arcachon et Cap Ferret " et directive Oiseaux " Bassin d'Arcachon et Banc d'Arguin ", des Zones Naturelles d'Intérêt Faunistique et Floristique (ZNIEFF) de type 2 " Bassin d'Arcachon " et " dunes littorales entre Lacanau et Cap Ferret ", du site inscrit " bordure de l'océan et de la dune de Bayle " et du site classé " réservoirs à poissons de Piraillan et bois qui l'entourent ". Il ressort également des pièces du dossier que dès 2006 une étude réalisée à la demande des services de l'Etat relevait l'intérêt écologique et paysager de ce secteur et le classait comme " espaces boisés significatifs ". De même, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ressort de l'étude réalisée en 2014 par le cabinet d'ingénierie SIMETHIS dans le cadre de la révision du plan local d'urbanisme de la commune de Lège-Cap Ferret que le site concerné " s'inscrit dans un biotope sensible avec la présence de zonages écologiques présents sur le site ou à proximité immédiate ", qu'il constitue un habitat à fort intérêt écologique et joue un rôle essentiel dans le maintien des sables dunaires et présente dans son ensemble un enjeu écologique fort, que " du point de vue des habitats et de la flore, les enjeux sont globalement forts à majeurs sur les boisements de pin maritime et de chêne pédonculé arrière-dunaires, avec des habitats d'intérêt communautaire souvent dégradés, due à la gestion sylvicole ", que " la majorité des espèces des différents groupes taxonomiques restent peu diversifiées, mais avec de forts enjeux, dont la présence avérée de nombreuses espèces d'intérêt communautaire " et que le site est menacé par la pression urbanistique, la pression sylvicole et la présence d'espèces exotiques envahissantes. En conséquence, et au vu des avis très favorables rendus par le Conservatoire du Littoral et les services de l'Etat dans le département, qui ont notamment estimé que cet espace présentait un intérêt écologique majeur en assurant la continuité avec les espaces protégés contigües et permettrait d'étendre et de consolider la protection de la coupure d'urbanisation qui se situe entre le Piquey et Piraillan, espace d'intérêt majeur dont la conservation est stratégique à l'échelle de la Pointe du Cap-Ferret, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le département de la Gironde aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en incluant la totalité des parcelles concernées dans le périmètre de la zone de préemption au titre des espaces naturels sensibles.
9. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les requérants demandent également l'annulation de la délibération du 24 mars 2016 par laquelle le conseil municipal de Lège-Cap Ferret a donné son accord à la création de la zone de préemption en litige mais n'ont formulé dans leurs écritures, ni en première instance ni en appel, aucun moyen propre dirigé contre cette délibération.
10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Lège-Cap Ferret, que M. D... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Gironde et de la commune de Lège-Cap Ferret, qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent les requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. D... et autres la somme de 1 500 euros à verser respectivement au département de la Gironde et à la commune de Lège-Cap Ferret.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... et autres est rejetée.
Article 2 : M. D... et autres verseront la somme de 1 500 euros au département de la Gironde au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : M. D... et autres verseront la somme de 1 500 euros à la commune de Lège-Cap Ferret au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., désigné comme représentant unique, à la SARL Piquey Sud, à la commune de Lège-Cap Ferret et au département de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Ferrari, président,
M. L... Normand, premier conseiller,
M. T... R..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
Le président,
Dominique Ferrari
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX02976