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15/12/2020 | FRANCE | N°20BX00953

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 15 décembre 2020, 20BX00953


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Vent funeste a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté interpréfectoral du 22 février 2013 par lequel les préfets de la Charente et de la Vienne ont autorisé la société MSE Le Vieux Moulin, société en nom collectif (SNC), à exploiter un parc de dix-neuf éoliennes et trois postes de livraison sur le territoire des communes de Lizant, Genouillé et Surin dans le département de la Vienne, et sur le territoire des communes de Taizé-Aizie, Nanteuil-en-Vallée et Le B

ouchage dans le département de la Charente.

Par un jugement n° 1301852 du 12 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Vent funeste a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté interpréfectoral du 22 février 2013 par lequel les préfets de la Charente et de la Vienne ont autorisé la société MSE Le Vieux Moulin, société en nom collectif (SNC), à exploiter un parc de dix-neuf éoliennes et trois postes de livraison sur le territoire des communes de Lizant, Genouillé et Surin dans le département de la Vienne, et sur le territoire des communes de Taizé-Aizie, Nanteuil-en-Vallée et Le Bouchage dans le département de la Charente.

Par un jugement n° 1301852 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête enregistrée le 11 juillet 2016, sous le n° 16BX02278, des mémoires enregistrés les 6 mars et 12 mai 2017 et une note en délibéré enregistrée le 30 juin 2017, la société MSE Le Vieux Moulin, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 mai 2016 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association Vent Funeste ;

3°) de mettre à la charge de cette association une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier au regard de l'article R. 732-1 du code de justice administrative dès lors que M. C... a été entendu au cours de l'audience alors que seule la présidente de cette association avait été mandatée à l'effet de représenter l'association en justice ; l'association ne peut se prévaloir de l'alinéa 4 de ces dispositions dans la mesure où cette audition à la barre n'a été requise ni par l'association, ni par l'administration, et n'est pas non plus intervenue à l'invitation du président de la formation de jugement ; le mandat donné par l'assemblée générale le 16 avril 2016 ne saurait lui donner qualité pour représenter l'association Vent funeste en justice ; M. C... est un spécialiste dans la contestation des parcs éoliens ; son adhésion à l'association Vent funeste n'est d'ailleurs pas établie ;

- le jugement est insuffisamment motivé dans la mesure où les premiers juges n'ont pas indiqué en quoi les autres éléments du dossier n'auraient pas permis de pallier les insuffisances alléguées de l'étude d'impact ;

- l'étude d'impact initiale n'était pas entachée d'insuffisance ; l'absence de photomontage depuis un monument historique ne constitue pas en soi une insuffisance significative ;

- lors de l'enquête publique, s'agissant du château de Cibioux, la photographie et le photomontage n° 50 et 51 ont été fournis au format A3 et non à une dimension extrêmement réduite ainsi que l'a indiqué à tort le tribunal administratif ;

- il n'y a pas de contradiction entre les indications contenues dans l'étude d'impact, certaines étant fondées sur une carte et d'autres sur une simulation réalisée sur coupe topographique ;

- l'arrêt de la cour dont se prévaut l'association concerne un projet situé à 2 km de l'église de Genouillé alors que son projet se situe à plus de 4 km de cet édifice religieux ; l'étude d'impact est explicite sur les visibilités attendues depuis cette église ;

- deux photomontages ont également été réalisés depuis le château de Cibioux ; une densification de la haie en limite de propriété du château permettra de masquer les éoliennes ; le dossier comporte une description complète et claire de l'impact du projet et des mesures envisagées pour le limiter ;

- s'agissant de l'église de Surin, l'étude d'impact soulignait la très faible co-visibilité avec cet édifice ; le photomontage a été réalisé en hiver à un point haut dans le village, le point de prise de vue n° 13, afin d'apprécier l'impact potentiel maximal du projet ; un photomontage réalisé depuis le parvis de l'église aurait été inutile compte tenu de la végétation, y compris en hiver ; un photomontage depuis la RD 35 n'aurait pas non plus été pertinent dès lors que cette voie n'est pas orientée vers le site envisagé pour le projet éolien ;

- s'agissant de l'église de Genouillé, la vue a été prise face à la place et elle est orientée EstOuest, alors que les éoliennes sont localisées au Sud, en-dehors du champ de vision ; ces éoliennes, situées à 4 km, seront masquées par l'urbanisation ; les photomontages n° 1 et 4 permettaient également au service instructeur d'apprécier l'impact visuel de ces éoliennes ;

- la qualité des études a été reconnue et l'impact a été considéré comme modéré par l'inspecteur des installations classées ; une éventuelle lacune n'a pas privé le public d'une garantie ; à ce titre, le tribunal n'a pas précisé en quoi l'insuffisance de cette étude aurait concrètement empêché la population de faire connaître ses observations ou aurait été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision prise par l'administration ;

- à titre subsidiaire, le pétitionnaire peut communiquer des informations postérieurement à la clôture de l'enquête publique dès lors qu'elles sont complémentaires ; les compléments qu'elle produit sont de nature à régulariser le dossier de demande et ne font que confirmer les informations qui avaient été portées à la connaissance du public au cours de l'enquête ;

- la circonstance que l'autorité délivrant l'acte administratif est également celle compétente en matière d'environnement n'entache pas l'avis de l'autorité environnementale d'irrégularité dès lors que cette autorité dispose d'une autonomie fonctionnelle ;

- les mesures compensatoires prévues aux abords du château de Cibioux s'avèrent suffisantes ;

- pour les raisons exposées dans ses écritures de première instance, aucun des autres moyens soulevés par l'association Vent funeste n'est fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 février et 10 avril 2017, l'association Vent funeste, représentée par Me A..., demande à la cour de rejeter les requêtes présentées par le ministre de l'environnement et la SNC MSE Le Vieux Moulin et de mettre à la charge de l'Etat et de la société MSE Le Vieux Moulin une somme de 1 500 euros chacun à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 16BX02279 le 11 juillet 2016, et un mémoire présenté le 8 mars 2017, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 mai 2016 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association Vent Funeste.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé dans la mesure où les premiers juges ont relevé l'absence de photomontage sans rechercher si le dossier permettait d'apprécier l'atteinte portée au paysage ; ils n'ont pas non plus précisé en quoi l'absence de photomontage pourrait être de nature à faire regarder l'étude d'impact comme insuffisante, au regard notamment de l'intérêt des lieux et des éléments du paysage ;

- le tribunal a commis une erreur de droit et inexactement qualifié les faits de l'espèce ;

- il a considéré que l'absence de photomontage avait eu pour effet de nuire à l'information du public et avait pu exercer une influence sur le sens de la décision, sans avoir préalablement apprécié l'insuffisance de l'étude d'impact au regard notamment de la nature du projet et de la sensibilité de son environnement ; or, l'étude d'impact n'est pas insuffisante eu égard à la sensibilité des lieux et à l'impact prévisible de ce projet ; à supposer que des insuffisances puissent être relevées, elles n'ont pas nui à l'information du public et n'ont pas influé sur le sens de la décision ;

- la circonstance que l'ensemble des monuments inscrits ou classés n'ait pas fait l'objet de photomontages est sans incidence dès lors que l'impact sur les monuments présentant une sensibilité particulière a été correctement étudié ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le résumé non technique n'indique pas que le projet est en situation de co-visibilité avec l'église de Genouillé, le château de Cibioux ou l'église de Surin mais seulement que ces monuments sont " potentiellement en situation de covisibilité avec le projet " ; en outre, ces monuments sont inscrits à l'inventaire des monuments historiques mais ne font pas l'objet d'un classement ;

- la directive 2011/92/UE a été transposée par la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier du code de l'environnement et ne saurait dès lors être invoquée à l'encontre d'une décision individuelle ; la règlementation communautaire n'interdit pas que l'autorité environnementale, au sens de la directive 2011/92/UE puisse être l'autorité décisionnaire ; en tout état de cause, l'article R. 122-6 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable, n'est entaché d'aucune inconventionnalité ; la DREAL dispose d'une compétence d'attribution et il existe, entre autorité environnementale et autorité décisionnaire, une séparation fonctionnelle conforme à la décision n° 340538 du Conseil d'État.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 février et 10 avril 2017, l'association Vent Funeste, représentée par Me A..., demande à la cour de rejeter les requêtes présentées par le ministre de l'environnement et la SNC MSE Le Vieux Moulin et de mettre à la charge de l'Etat de la société MSE Le Vieux Moulin une somme de 1 500 euros chacun à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 16BX02278, 16BX02279 du 13 juillet 2017, la cour a rejeté les requêtes de la société MSE Le vieux moulin et de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.

Par une décision n° 414032 du 13 mars 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt n° 16BX02278, 16BX02279 de la cour et a renvoyé l'affaire à la cour.

Par un mémoire, enregistré le 1er septembre 2020, l'association Vent funeste, représentée par Me A..., indique à la cour qu'elle n'entend pas produire d'observations après la décision du Conseil d'Etat.

Par des mémoires, enregistrés les 4 septembre et 29 octobre 2020, la société Parc éolien des Grands champs, société par actions simplifiée représentée par Me G..., soutient intervenir au soutien de la défense ; elle conclut :

1°) au rejet de la requête de la société MSE Le vieux moulin ;

2°) à ce que soit mis à la charge de la société MSE Le vieux moulin le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt suffisant à intervenir dans l'instance dès lors qu'elle est titulaire des autorisations requises pour construire et exploiter un parc éolien situé à Nanteuil-en-Vallée à proximité immédiate du projet de la société appelante, et partiellement, sur la même parcelle, et que le projet de celle-ci est de nature à entraîner une dégradation des conditions économiques de sa propre exploitation compte tenu de l'incompatibilité technique entre les deux parcs ; elle s'associe à la défense de l'association Vent funeste qui, bien que n'ayant pas produit après la décision du Conseil d'Etat, ne s'est pas désistée ;

- les sociétés MSE Le vieux moulin et SVNC énergie France n'ont pas intérêt à agir ;

- les moyens invoqués par l'appelante doivent être écartés comme infondés ;

- compte tenu de l'incompatibilité technique entre sa propre installation et celle de la société MSE Le vieux moulin, cette dernière n'est plus réalisable, ce qui affecte l'arrêté contesté du 21 février 2013 d'une erreur d'appréciation ;

- le modèle des éoliennes prévues dans le projet n'est plus produit ; le projet n'est donc plus réalisable selon les dispositions de l'arrêté ; le projet devra faire l'objet d'un nouveau dossier ou à tout le moins, d'une mise à jour ;

- elle a procédé à des modifications concernant son propre projet en modifiant le modèle des éoliennes, en réduisant de douze à six le nombre de ses éoliennes et en déplaçant certaines des machines ; le 18 août 2020, un arrêté lui a été délivré validant ces modifications ; l'arrêté contesté devra tenir compte de ces modifications.

Par mémoires, enregistrés les 9 octobre et 9 novembre 2020, la société MSE Le vieux moulin et la société SVNC Energie France, représentées par Me E..., concluent à la non-admission de l'intervention de la société Parc éolien des Grands champs, à l'annulation du jugement du 12 mai 2016, au rejet de la demande de première instance, subsidiairement, de mettre en oeuvre les dispositions du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, en toute hypothèse de mettre à la charge de la société Parc éolien des grands champs le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- l'association Vent funeste n'a produit aucun mémoire après la décision du Conseil d'Etat ; l'intervention en défense, qui ne s'associe à aucune conclusion de l'association, n'est donc pas recevable ;

- le moyen retenu par le tribunal administratif pour annuler l'autorisation en litige n'est pas fondé ;

- l'association Vent funeste a abandonné les autres moyens qu'elle a soulevés en première instance ;

- subsidiairement, ces moyens sont infondés et doivent donc être écartés ;

- subsidiairement, le moyen tiré de l'absence d'indépendance de l'autorité environnementale doit être écarté dès lors qu'une éventuelle irrégularité sur ce point n'a pas privé le public d'une information complète et n'a pas influé sur le sens de la décision prise ; si ce moyen devait être retenu, la procédure pourrait être régularisée par application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;

- les autres moyens invoqués par l'intervenante sont infondés.

Le ministre de la transition écologique a produit des pièces enregistrées le 10 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, et notamment son préambule et la Charte de l'environnement ;

- la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;

- le décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 portant réforme des études d'impact des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements ;

- l'arrêté du 29 septembre 2005 relatif à l'évaluation et à la prise en compte de la probabilité d'occurrence, de la cinétique, de l'intensité des effets et de la gravité des conséquences des accidents potentiels dans les études de dangers des installations classées soumises à autorisation ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... B...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant la société MSE Le vieux moulin et la société SVNC Energie France, et de Me D..., représentant la société Parc éolien des Grands champs.

Une note en délibéré présentée pour le Parc éolien des Grands champs a été enregistrée le 7 décembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 22 février 2013, les préfets de la Charente et de la Vienne ont accordé à la société MSE Le vieux moulin l'autorisation d'exploiter un parc éolien composé de dix-neuf éoliennes et trois postes de livraison sur le territoire des communes de Lizant, Genouillé et Surin dans le département de la Vienne, et sur le territoire des communes de Taizé-Aizie, Nanteuil-en-Vallée et Le Bouchage dans le département de la Charente. Saisi par l'association Vent funeste, le tribunal administratif de Poitiers, par jugement du 12 mai 2016, a annulé cet arrêté. La société MSE Le vieux moulin et la société SVNC Energie France, bénéficiaire du transfert des permis de construire concernant le parc éolien, d'une part, et la ministre chargée de l'écologie, d'autre part, par deux requêtes n° 16BX02278 et 16BX02279 qu'il y a lieu de joindre dès lors qu'elles sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions communes, font appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la requête d'appel des sociétés MSE Le vieux moulin et SVNC Energie France :

2. La société MSE Le vieux moulin, bénéficiaire de l'autorisation annulée par le tribunal, et la société SVNC Energie France, bénéficiaire du transfert des permis de construire concernant les installations liées au parc éolien dont l'exploitation a été autorisée, ont intérêt à faire appel du jugement prononçant l'annulation de l'autorisation d'exploiter du 22 février 2013.

Sur l'intervention de la société Parc éolien des Grands champs :

3. La société Parc éolien des Grands champs a sollicité une autorisation d'exploiter pour un parc éolien situé dans le même secteur que celui où se situe le projet de la société MSE Le vieux moulin, et, partiellement, sur une même parcelle. Le refus qui lui a été opposé a été annulé par un arrêt devenu définitif de la cour du 13 juillet 2017 et son projet est susceptible d'être techniquement incompatible avec celui de la société requérante. Dans ces conditions, elle justifie d'un intérêt suffisant à intervenir. Par ailleurs, si l'association Vent funeste a indiqué qu'elle n'entendait pas produire de mémoire après la décision du Conseil d'Etat prononçant l'annulation du précédent arrêt de la cour sur cette instance, elle a précédemment produit des mémoires et n'a pas renoncé au bénéfice de la chose jugée par le tribunal administratif, de sorte que l'intervention de la société Parc éolien des Grands champs doit être regardée comme une intervention au soutien de la défense de l'association Vent funeste et est, dès lors, recevable.

Sur le bien-fondé du jugement du 12 mai 2016 :

4. Aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable : " I. - A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : / (...) 4° L'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 dont le contenu, par dérogation aux dispositions de l'article R. 122-3, est défini par les dispositions de l'article R. 512-8 ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 512-8 du même code : " I.- Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. / II.- Elle présente successivement : / 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que sur les biens matériels et le patrimoine culturel susceptibles d'être affectés par le projet ; / 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents de l'installation sur l'environnement et, en particulier, sur les sites et paysages, la faune et la flore, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'agriculture, l'hygiène, la santé, la salubrité et la sécurité publiques, sur la protection des biens matériels et du patrimoine culturel. Cette analyse précise notamment, en tant que de besoin, l'origine, la nature et la gravité des pollutions de l'air, de l'eau et des sols, les effets sur le climat, le volume et le caractère polluant des déchets, le niveau acoustique des appareils qui seront employés ainsi que les vibrations qu'ils peuvent provoquer, le mode et les conditions d'approvisionnement en eau et d'utilisation de l'eau ; / 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, le projet a été retenu parmi les solutions envisagées. Ces solutions font l'objet d'une description succincte ; / 4° a) Les mesures envisagées par le demandeur pour supprimer, limiter et, si possible, compenser les inconvénients de l'installation ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes. Ces mesures font l'objet de descriptifs précisant les dispositions d'aménagement et d'exploitation prévues et leurs caractéristiques détaillées. (...) ".

5. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

6. S'agissant des impacts du projet, comportant des éoliennes d'une hauteur totale de 130 mètres, sur le paysage, l'étude d'impact et notamment le résumé non technique, décrit précisément l'entité paysagère du Ruffécois et de la haute vallée de la Charente dans lequel doit prendre place le projet et précise que l'essentiel des impacts visuels se concentrera sur les plateaux et notamment sur le plateau d'implantation du parc. Elle présente, dans la partie consacrée à la description des enjeux, un point des différents éléments patrimoniaux classés ou inscrits au titre des monuments historiques avec l'indication de leur distance par rapport au projet de parc et les visibilités possibles et n'occulte pas les co-visibilités entre le projet et l'église de Genouillé, d'une part, située à 4,5 km, le château de Cibioux, d'autre part, situé à environ 2 km, et l'église de Surin, de troisième part, également située à environ 2 km, ni les visibilités sur le parc depuis ces monuments. Il est vrai que les visibilités et co-visibilités par rapport à ces sites n'ont été illustrées dans l'étude d'impact, s'agissant de l'église de Genouillé, que par le seul photomontage n° 9 faisant apparaître une co-visibilité peu perceptible, s'agissant du château de Cibioux, essentiellement par les photomontages n° 10 et 56, faisant également apparaître une co-visibilité peu marquée et s'agissant de l'église de Surin, que par le photomontage n° 13, figurant le parc, masqué par des bâtiments et des éléments de végétation. Ni les photomontages complémentaires produits par le pétitionnaire, qui confirment le caractère peu perceptible des visibilités ou co-visibilités avec les monuments concernés, ni aucun autre élément de l'instruction, ne permettent de considérer que les éléments de l'étude d'impact analysent insuffisamment les effets du projet sur le paysage, sur le territoire et sur les éléments du patrimoine culturel du secteur ou auraient été de nature à induire en erreur le public et l'autorité administrative sur la réalité des effets visuels du projet.

7. S'agissant des impacts du projet sur les chiroptères et l'avifaune, et en particulier le Busard cendré et l'Oedicnème criard, présents sur le site, l'étude d'impact comporte des lacunes, dès lors qu'elle n'analyse pas la localisation des haies qui doivent être détruites ni leur fonctionnalité au regard des populations de chiroptères protégés et qu'elle se réfère, pour conclure à un faible impact du projet sur l'avifaune, à des données issues d'observations faites sur des sites différents du site d'implantation ou, s'agissant du Busard cendré, sur une espèce distincte, le Busard Saint-Martin, dont l'autorité environnementale a relevé qu'elles ne peuvent être transposées. Toutefois, dès lors que l'avis de l'autorité environnementale, qui figurait au dossier d'enquête publique, ainsi que l'indique l'avis de la commission d'enquête, relèvent précisément ces lacunes, il ne peut être considéré que ces insuffisances ont été de nature à nuire à l'information complète de la population ou à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

8. S'agissant des impacts du raccordement du parc au réseau électrique, si en vertu des dispositions du a) du 4° du II de l'article R. 512-8 du code de l'environnement, l'étude d'impact doit comporter des documents précisant notamment les conditions " du transport des produits fabriqués " au sein de l'installation, le raccordement d'une installation de production d'électricité aux réseaux de transport de distribution et de transport d'électricité, qui incombe aux gestionnaires de ces réseaux et qui relève d'une autorisation distincte, ne constitue pas un transport des produits fabriqués au sens de ces dispositions. Dès lors, l'association Vent funeste ne peut utilement soutenir que l'étude d'impact, faute de comporter des indications relatives aux modalités de raccordement envisagées, serait entachée d'insuffisances.

9. Si en application des dispositions précitées de l'article R. 512-8 du code de l'environnement, l'étude d'impact doit présenter les mesures envisagées pour supprimer, limiter et, si possible, compenser les inconvénients de l'installation, ces dispositions n'imposent pas au pétitionnaire de démontrer qu'il dispose de la maîtrise foncière des terrains sur lesquels ces mesures doivent être mises en oeuvre. Ainsi, l'absence, dans l'étude d'impact d'identification des propriétaires des terres sur lesquelles devront être implantées des haies prévues à titre de mesures compensatoires et l'absence de justification par le pétitionnaire d'un titre l'habilitant à réaliser des travaux sur les terrains concernés ne peut entacher d'insuffisance l'étude d'impact quant à la description des mesures de compensation. L'insuffisance, à la supposer avérée, des mesures compensatoires décrites dans l'étude d'impact est sans incidence sur la régularité du contenu de l'étude.

10. S'agissant de l'impact acoustique, l'étude d'impact retrace les résultats des mesures réalisées sur quinze points de mesure, faisant apparaître des risques d'émergences supérieures aux seuils réglementaires, et présente les aménagements et modalités de fonctionnement que le pétitionnaire prévoit de mettre en oeuvre pour respecter les seuils réglementaires, et notamment la densification des plantations et le bridage ainsi que l'arrêt des machines dans certaines conditions. L'autorité environnementale a relevé, dans son avis du 16 mars 2012, que les émergences nocturnes en cas de bruit ambiant inférieur au seuil pris en compte par la règlementation auraient mérité d'être analysées. Cette observation ne traduit cependant par elle-même aucune insuffisance de l'étude d'impact sur ce point.

11. Pour ce qui est des effets du projet de parc éolien cumulé avec les autres parcs du secteur, le décret du 29 décembre 2011 portant réforme des études d'impact des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements a modifié les articles R. 512-6 et R. 512-8 du code de l'environnement lesquels renvoient désormais à l'article R. 122-5 du même code exigeant " une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus " c'est-à-dire ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact, ont fait l'objet d'un document d'incidences au titre de l'article R. 214-6 et d'une enquête publique ou ont fait l'objet d'une étude d'impact et pour lesquels un avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement a été rendu public. Toutefois, l'article 13 du décret du 29 décembre 2011 prévoit que les dispositions du décret s'appliquent aux projets dont le dossier de demande d'autorisation est déposé auprès de l'autorité compétente à compter du premier jour du sixième mois suivant la publication du présent décret au Journal officiel de la République française, soit le 1er juin 2012. Or, le dossier de demande de la société MSE Le vieux moulin a été déposé le 29 décembre 2011, antérieurement à cette date, de sorte que la demande n'était pas soumise à l'obligation d'analyse des effets cumulés prévue par le décret du 29 décembre 2011. Au surplus, l'étude d'impact, aux pages 416 à 427 notamment, procède à une analyse de l'effet cumulé du projet et des autres parcs éoliens connus dans le même secteur. Dès lors, le moyen doit être écarté.

12. L'étude de dangers produite à l'appui de la demande d'autorisation comporte une analyse des dangers potentiels, un exposé des mesures propres à réduire les dangers à la source, un inventaire des risques et accidents liés au type d'installations concerné ainsi que des scénarios de réalisation des risques, notamment en cas de départ d'incendie dans une éolienne. Elle présente des développements expressément consacrés à " l'effet domino " c'est-à-dire au risque d'atteinte d'une machine par des pales ou fragments de pales provenant d'une autre machine. Elle précise également que les éoliennes disposent d'un balisage réglementaire destiné à maîtriser le risque d'impact avec des aéronefs. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que les risques, même indirects, auraient été sous-évalués, notamment en ce qui concerne le respect des impératifs liés à la circulation des aéronefs destinés à la lutte contre l'incendie ou aux secours. L'étude de dangers précise également qu'il " n'y a aucun stockage de produits toxiques pour l'environnement en machine ou dans les postes électriques ". La seule mention par l'association Vent funeste d'articles de presse généraux qui auraient traité de l'utilisation de terres rares toxiques appartenant à la famille des lanthanides dans les générateurs d'éoliennes ne suffit pas pour permettre de tenir pour incomplète ou mensongère l'étude d'impact sur ce point.

13. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur l'insuffisance de l'étude d'impact pour annuler l'arrêté contesté. Il appartient à la cour, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens invoqués tant en première instance qu'en appel par l'association Vent funeste et par l'intervenant en appel.

14. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou au cas par cas. (...) ". L'article L. 122-1 du code de l'environnement, pris pour la transposition des articles 2 et 6 de cette directive, dispose, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que " I. Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. (...) / III. Dans le cas d'un projet relevant des catégories d'opérations soumises à étude d'impact, le dossier présentant le projet, comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation, est transmis pour avis à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement. (...). / IV.- La décision de l'autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage à réaliser le projet prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public (...) ". En vertu du III de l'article R. 122-6 du même code dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Dans les cas ne relevant pas du I ou du II, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122 1 est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement doit être réalisé (...) ".

15. La directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics ou privés sur l'environnement a pour finalité de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'évaluation environnementale des plans et programmes ou sur l'étude d'impact des projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Les dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu'une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné.

16. L'avis de l'autorité environnementale du 16 mars 2012 sur l'étude d'impact a été élaboré par la direction régionale de l'équipement, de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Poitou-Charentes, laquelle relevait de l'autorité du préfet de la région Poitou-Charentes qui était aussi préfet du département de la Vienne, coauteur de l'autorisation en litige. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la DREAL ait concrètement bénéficié de l'autonomie qui lui était nécessaire pour préparer et adopter son avis sur l'étude d'impact dans des conditions répondant aux exigences de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011.

17. Toutefois, les irrégularités qui entachent un élément qui, tel l'avis de l'autorité environnementale, doit être joint au dossier de l'enquête publique, sont de nature à vicier la procédure, et donc à entraîner l'illégalité de la décision si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont pu exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. Il ressort en l'espèce de l'examen de l'avis rendu le 16 mars 2012 que l'autorité environnementale a souligné un certain nombre d'insuffisances et de lacunes dans l'étude d'impact. Elle a relevé que " certains éléments (de l'étude d'impact) manquent de précision ou peuvent prêter à discussion " notamment en ce qui concerne l'impact du projet sur l'avifaune, le programme de plantation de haies, l'insertion paysagère ou le choix d'un recours prioritaire aux mesures de réduction et de compensation et d'accompagnement plutôt qu'aux mesures de suppression. Elle a dénoncé, " en dépit d'une approche sérieuse des enjeux d'environnement ", un " parti pris " en faveur de l'" optimisation économique " primant sur la préoccupation des enjeux environnementaux. Dans ces conditions, l'absence d'autonomie de la DREAL, qui détaillé les insuffisances et lacunes qu'elle a relevées, n'a pas été, dans les circonstances de l'espèce, de nature à nuire à l'information complète du public ni à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

18. Si l'avis de l'autorité environnementale fait état de considérations économiques, la partie contestée de son avis sur ce point se borne à mentionner qu'un " projet légèrement réduit à 19 éoliennes concilierait les performances du parc et les sensibilités environnementales ". Ainsi, cette mention relève d'une analyse de la prise en compte de l'environnement et l'autorité environnementale ne peut être regardée, en tout état de cause, comme ayant émis un avis sur des questions qui ne relèveraient pas de son appréciation.

19. En application de l'article R. 512-21 du code de l'environnement, applicable en l'espèce, le préfet informe, s'il y a lieu, de la demande d'autorisation notamment les services de l'Etat chargés de l'inspection du travail. Le projet ne nécessitant pas la présence en permanence de salariés sur le site de l'installation, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que l'inspection du travail aurait dû être destinataire d'une information concernant le projet en litige.

20. Aux termes du III de l'article R. 122-1-1 du code de l'environnement applicable en l'espèce : " Dans les cas ne relevant pas du I ou du II ci-dessus, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1 est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement doit être réalisé ou, lorsque le projet est situé sur plusieurs régions, le préfet coordonnateur désigné par le Premier ministre. Dans ce dernier cas, le préfet coordonnateur consulte, avant de rendre son avis, les autres préfets de région concernés par le projet ".

21. Il résulte de l'instruction et en particulier des pièces produites par le préfet de la Vienne devant le tribunal administratif que l'autorité environnementale a consulté le préfet de la Charente par courrier du 3 février 2012 avant de rendre son avis du 16 mars 2012. Le moyen tiré du défaut de consultation du préfet de la Charente manque en fait.

22. A la date de l'autorisation en litige, aucune disposition ne prévoyait que les avis recueillis par l'autorité compétente durant l'instruction de la demande devaient être versés au dossier de l'enquête publique concernant une installation classée. Par suite, le moyen tiré de ce que les avis émis sur le projet ne figuraient pas au dossier d'enquête publique ne peut être utilement invoqué.

23. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. II. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent également : 1° Le respect des dispositions des articles L. 229-5 à L. 229-17, relatives aux émissions de gaz à effet de serre ; 2° La conservation des intérêts définis aux articles L. 332-1 et L. 332-2 ainsi que, le cas échéant, la mise en oeuvre de la réglementation ou de l'obligation mentionnés par l'article L. 332-2, que traduit l'acte de classement prévu par l'article L. 332-3, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu d'autorisation spéciale au titre d'une réserve naturelle créée par l'Etat ; 3° La conservation ou la préservation du ou des intérêts qui s'attachent au classement d'un site ou d'un monument naturel mentionnés à l'article L. 341-1 ainsi que de ceux mentionnés par la décision de classement, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de l'autorisation spéciale prévue par les articles L. 341-7 et L. 341-10 ; 4° Le respect des conditions, fixées au 4° de l'article L. 411-2, de délivrance de la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de cette dérogation ; 5° Le respect des objectifs de conservation du site Natura 2000, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu d'absence d'opposition mentionnée au VI de l'article L. 414-4 ; 6° Le respect des conditions de l'utilisation confinée d'organismes génétiquement modifiés prévue par le premier alinéa du I de l'article L. 532-2 fixées par les prescriptions techniques mentionnées au II de l'article L. 532-3 lorsque l'autorisation tient lieu d'agrément, ou le respect des conditions fixées par le second alinéa du I de l'article L. 532-3 lorsque que l'utilisation n'est soumise qu'à la déclaration prévue par cet alinéa ; 7° Le respect des conditions d'exercice de l'activité de gestion des déchets mentionnées à l'article L. 541-22, lorsque l'autorisation tient lieu d'agrément pour le traitement de déchets en application de cet article ; 8° La prise en compte des critères mentionnés à l'article L. 311-5 du code de l'énergie, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de l'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité en application de l'article L. 311-1 de ce code ; 9° La préservation des intérêts énumérés par l'article L. 112-1 du code forestier et celle des fonctions définies à l'article L. 341-5 du même code, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu d'autorisation de défrichement ; 10° Le respect des conditions de délivrance des autorisations mentionnées au 12° de l'article L. 181-2, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de ces autorisations ". En vertu de l'article L. 512-1 du même code, sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers pour les intérêts visés à l'article L. 511-1 du même code. Aux termes de l'article L. 511-1 de ce code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ".

24. Il résulte des termes de l'arrêté interpréfectoral contesté qu'afin de prévenir les impacts potentiels sur l'avifaune et les chiroptères et les impacts paysagers, les préfets de la Charente et de la Vienne ont assorti l'autorisation d'exploitation délivrée à la société MSE Le Vieux Moulin d'une obligation de mettre en oeuvre un programme de plantation de bandes enherbées et de haies, défini au point 8.1.2 de l'arrêté. L'arrêté prescrit notamment au pétitionnaire, six mois au plus tard à compter de sa notification, de transmettre à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement compétente, pour accord, la localisation des haies et bandes enherbées prévues et leur composition. Il prévoit également que ces bandes enherbées et la densification de 4 000 mètres linéaires de ceinture végétale aux abords des hameaux impactés sont réalisées avant la mise en service de l'installation, les autres haies devant être mises en place dans les six mois suivant la mise en exploitation. En outre, l'arrêté prévoit que le maintien des bandes enherbées doit être évalué au regard du suivi environnemental concernant l'avifaune et celui des autres plantations prévues assuré pendant au minimum quinze ans avec obligation de résultat. Enfin, il est prescrit au pétitionnaire de tenir à disposition tous les documents permettant de justifier la réalisation de ce programme dans les délais prévus.

25. La circonstance que la société MSE Le Vieux Moulin ne serait pas propriétaire des terrains sur lesquels doivent être plantées ces haies ou qu'elle ne disposerait pas de l'autorisation des propriétaires est sans incidence sur la légalité de l'autorisation délivrée et des prescriptions dont elle est assortie. Il ne résulte par ailleurs d'aucun élément de l'instruction que les mesures décrites ci-dessus ne seraient pas suffisantes pour permettre d'assurer le respect des intérêts définis aux articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement et notamment la protection de la nature, de l'environnement et des paysages.

26. Si l'association Vent funeste a également soutenu, au titre de la légalité interne de l'arrêté qu'elle conteste, que l'environnement n'avait pas été pris en compte dans la recherche de solutions alternatives, elle n'apporte pas suffisamment de précisions à l'appui de son moyen, permettant d'apprécier en quoi l'option choisie porterait à l'environnement atteinte aux intérêts visés aux dispositions précitées.

27. Aux termes de l'article 3 de la Charte de l'environnement : " Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences ". Aux termes de l'article 5 de cette Charte : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ".

28. Si l'association Vent funeste a invoqué en première instance les principes de prévention et de précaution objet des articles précités de la Charte de l'environnement, elle s'est borné à soutenir que ces principes étaient méconnus en conséquence des lacunes et insuffisances dont elle s'était par ailleurs prévalue dans ses écritures. Il résulte de ce qui précède que, les insuffisances et lacunes invoquées par l'association n'étant pas fondées, ses moyens tirés de la méconnaissance des principes de prévention et de précaution doivent être écartés.

29. Il résulte de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, la société Parc éolien des Grands champs est titulaire d'une autorisation d'exploiter le parc éolien qu'elle avait en projet sur le territoire de la commune de Nanteuil-en-Vallée. Toutefois, si le projet tel qu'il était initialement conçu était susceptible d'être incompatible avec celui de la société MSE Le vieux moulin, le préfet de la Charente a pris, le 18 août 2020, un arrêté portant prescriptions complémentaires à la suite de modifications apportées par la société à son projet consistant, notamment, à réduire de douze à six le nombre des éoliennes et à déplacer certaines des machines. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que, compte tenu de la nouvelle configuration du projet de la société Parc éolien des Grands champs, la coexistence de ce parc avec celui de la société MSE Le vieux moulin, au surplus antérieurement autorisé, serait susceptible de créer une situation de danger, en particulier du fait d'un effet domino. Dès lors, le projet autorisé le 22 février 2013 ne peut être considéré comme susceptible de porter de ce fait une atteinte grave à la sécurité publique.

30. La seule circonstance que la société qui assurait la fabrication du modèle d'éoliennes prévues dans le projet de la société MSE Le vieux moulin a fait l'objet d'un rachat par une entreprise qui n'entend pas poursuivre la fabrication de ce modèle ne traduit, par elle-même, aucune modification du projet ni aucun risque d'atteinte aux intérêts visés aux articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement qui appelleraient le dépôt d'un nouveau dossier de demande ou une modification des prescriptions fixées par l'arrêté contesté.

31. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que la société MSE Le vieux moulin et la société SVNC Energie France sont fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté interpréfectoral du 22 février 2013.

Sur les frais liés à l'instance :

32. Les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par l'association Vent funeste, qui est la partie perdante dans la présente instance, doivent être rejetées. Il en va de même des conclusions en ce sens présentées par la société Parc éolien des Grands champs, qui est intervenue volontairement à l'instance et n'a ainsi, pas la qualité de partie au sens de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'association Vent funeste le versement à la société MSE Le vieux moulin d'une somme de 1 500 euros au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. En revanche, les conclusions de la société MSE Le vieux moulin et de la société SVNC Energie France tendant à ce qu'une somme soit à ce titre mise à la charge de la société Parc éolien des Grands champs qui n'a pas, comme il vient d'être dit, la qualité de partie à l'instance, doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la société Parc éolien des grands champs est admise.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 12 mai 2016 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par l'association Vent funeste devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.

Article 4 : L'association Vent funeste versera à la société MSE Le vieux moulin la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de l'association Vent funeste et de la société Parc éolien des Grands champs tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la société MSE Le vieux moulin et de la société SVNC Energie France est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société MSE Le vieux moulin, à la société SVNC Energie France, au ministre de la transition écologique et à l'association Vent funeste. Une copie en sera adressée au préfet de la Vienne, au préfet de la Charente et à la société Parc éolien des Grands champs.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme F... B..., président,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020

Le président-rapporteur,

Elisabeth B...

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

14

N° 20BX00953


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00953
Date de la décision : 15/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Pouvoirs du préfet - Instruction des demandes d'autorisation.

Procédure - Jugements - Tenue des audiences.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : ENCKELL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-15;20bx00953 ?
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