Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme H... D... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner solidairement l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et le centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre/Les Abymes à lui verser une somme globale de 11 086 144,70 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'aléa thérapeutique et du défaut d'information dont elle a été victime.
Par un jugement n° 1700345 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes, au titre d'un défaut d'information caractérisant une perte de chance, à verser à Mme D... la somme de 334 018,46 euros et à la caisse de sécurité sociale de la Guadeloupe la somme de 80 184,08 euros au titre de ses débours, a condamné l'ONIAM à verser à Mme D... la somme de 1 336 073,87 euros, et a mis à la charge solidaire de l'ONIAM et du CHU les dépens taxés et liquidés à la somme de 1 737 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 novembre 2018 et le 24 septembre 2020, l'ONIAM, représenté par Me G..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe en tant qu'il l'a condamné à verser à Mme D... la somme de 1 250 036,33 euros au titre du préjudice d'assistance par une tierce personne, la somme de 44 606 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs ainsi que la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice d'établissement ;
2°) de réduire à 66 504,07 euros le montant qu'il a été condamné à verser à Mme D... au titre de l'assistance par une tierce personne et de rejeter les demandes qu'elle a présentées au titre de la perte de gains professionnels futurs et du préjudice d'établissement.
Il soutient que :
- il n'est pas lié par l'offre amiable qu'il a adressée à Mme D... ;
- il ne saurait être mis à sa charge la réparation d'un préjudice d'impréparation qui résulte entièrement de la faute commise par le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes ;
- les premiers juges ont surévalué le besoin de Mme D... d'être assistée par une tierce personne avant la consolidation de son état de santé en retenant qu'une telle aide était nécessaire 24 heures sur 24, alors qu'elle ne nécessitait aucune surveillance passive et qu'une partie conséquente de l'aide était apportée par l'infirmière et le kinésithérapeute qui la visitaient très régulièrement et dont les interventions sont prises en charge par la sécurité sociale ; la cour ne saurait retenir un besoin d'assistance excédant 8 heures par jour ; cette aide est non spécialisée et sera indemnisée à un taux horaire de 13 euros ; Mme D... ne peut ainsi prétendre à une somme excédant 174 202,40 euros, dont il y a lieu de déduire la prestation de compensation du handicap qu'elle a perçue sur la période correspondante, sous-évaluée par les premiers juges, et dont il incombe à Mme D... de justifier du montant ; en toute hypothèse, l'indemnisation allouée au titre de ce préjudice ne saurait excéder la somme de 49 913,07 euros ;
- le tribunal a également surévalué le besoin d'assistance par une tierce personne après la consolidation de l'état de santé de Mme D... ; il ne saurait excéder 8 heures par jour et être indemnisé davantage que 13 euros par heure ; c'est à tort que les premiers juges ont calculé le besoin annuel sur la base de 390 jours au lieu des 412 jours permettant de tenir compte de la durée des congés payés ; le besoin d'assistance par tierce personne sera estimé à 42 848 euros par an ; pour la période allant du 4 octobre 2014 au 25 septembre 2018, Mme D... doit justifier du montant exact qu'elle a perçu au titre de la prestation de compensation du handicap (PCH) ; en toute hypothèse, elle ne peut prétendre à une somme excédant 16 591 euros ; pour la période postérieure au 26 septembre 2018, le tribunal a commis une erreur de plume et a omis de déduire les sommes perçues par Mme D... au titre de la prestation de compensation du handicap ; le besoin d'assistance par une tierce personne de Mme D... depuis le 26 septembre 2018 est entièrement couvert par la prestation de compensation du handicap qui lui a été versée, ce qui ne justifie pas le versement de quelque somme que ce soit par l'ONIAM après cette date ; subsidiairement, le versement d'une rente devrait être subordonné à la justification du montant perçu au titre de la PCH ;
- il y a lieu d'appliquer le taux de 80 % de partage de responsabilité avec le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes et de déduire du montant de l'indemnisation de Mme D... les sommes déjà versées au titre d'indemnités provisionnelles ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu l'existence d'un préjudice de perte de gains professionnels futurs pour la période du 3 octobre 2014 au 31 décembre 2042, Mme D... n'ayant pas justifié de la réalité d'un tel préjudice ;
- c'est également à tort qu'ils ont retenu l'existence d'un préjudice d'établissement, alors que le divorce de Mme D... n'est pas imputable à l'accident dont elle a été victime, qu'elle était déjà mère d'un enfant et qu'elle présentait déjà, avant l'accident, une infertilité secondaire ;
- les demandes incidentes de Mme D... ne sont pas fondées ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2019, Mme D..., représentée par Me J..., conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande à la cour de réformer le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe en portant à 10 592 599,41 euros le montant que l'ONIAM et le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes doivent être condamnés solidairement à lui verser en réparation de ses préjudices, et de mettre à la charge solidaire de l'ONIAM et du CHU une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu, pour l'indemnisation de l'assistance par une tierce personne, un taux horaire inférieur à 17 euros pour l'aide passive et à 22 euros pour l'aide active, alors qu'au regard de l'âge de sa mère, qui seule apporte son aide, elle sera contrainte de faire appel à des professionnels ;
- c'est également à tort qu'ils ont refusé d'indemniser ce poste de préjudice au-delà du 31 octobre 2020 dès lors qu'il présente un caractère certain et qu'elle a indiqué ne pas solliciter le maintien de la prestation de compensation du handicap à partir de cette date ;
- l'intervention de personnel médical à son domicile n'est pas de nature à réduire le nombre d'heures d'assistance par une tierce personne qui lui est nécessaire ;
- elle a suffisamment justifié des sommes qui lui ont été versées au titre de la prestation de compensation du handicap ;
- les premiers juges ont fait une insuffisante évaluation de ses préjudices qui doivent être indemnisés à hauteur de :
o 1 000 377,60 euros au titre de l'assistance par une tierce personne temporaire ;
o 7 452 662,11 euros au titre de l'assistance par une tierce personne permanente ;
o 15 000 euros au titre des souffrances endurées ;
o 331 100 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
o 37 500 euros au titre du préjudice d'agrément ;
o 15 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;
o 25 000 euros au titre du préjudice d'établissement ;
o 85 410 euros au titre de l'assistance par une tierce personne nécessaire pour l'éducation de sa fille ;
o 42 603,29 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
o 117 300 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels ;
o 969 726 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs et de la perte de pension de retraite ;
o 100 000 euros au titre du préjudice moral d'impréparation
o 400 920,41 euros au titre des débours de la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2020, le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe en ce qu'il l'a condamné à verser à Mme D... une somme de 250 007,27 euros au titre des frais d'assistance par tierce personne temporaire et permanente et de ramener le montant de cette indemnisation à 16 591 euros.
Il soutient que :
- il s'associe aux moyens développés par l'ONIAM quant à l'assistance par tierce personne allouée à Mme D... par le tribunal ;
- le besoin doit être évalué à 8 heures par jour et indemnisé sur la base d'un taux horaire de 13 euros ; Mme D... n'a pas justifié de l'ensemble des prestations qui lui ont été servies susceptibles de venir en déduction de l'indemnisation accordée au titre de ce préjudice ; l'indemnité allouée par les premiers juges au titre de l'assistance par une tierce personne avant consolidation doit être ramenée à la somme de 49 913,07 euros à laquelle il convient d'appliquer le pourcentage de 20 % pour tenir compte de sa part de responsabilité ; s'agissant de l'assistance par une tierce personne après consolidation de l'état de santé de Mme D..., il ne saurait être alloué davantage que 16 591 euros pour la période du 4 octobre 2014 au 25 septembre 2018, somme à laquelle il convient d'appliquer un pourcentage de 20 % ; enfin, pour la période postérieure au 25 septembre 2018, il résulte de l'instruction que la réparation de ce poste de préjudice est entièrement assurée par la prestation de compensation du handicap perçue par Mme D....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... E...,
- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... a été victime d'un arrêt cardiaque au cours d'une intervention de myomectomie réalisée par laparotomie avec un test de perméabilité tubaire le 23 juin 2009 au CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes. Il en est résulté de lourdes séquelles neurologiques ainsi qu'une importante invalidité. Par une ordonnance du 4 octobre 2010, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a ordonné la réalisation d'une expertise, dont le rapport a été remis à la juridiction le 21 janvier 2012. Le juge des référés de cette juridiction a, par une ordonnance du 17 mars 2014, retenu un manquement fautif du CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes à son devoir d'information et l'a condamné à verser à Mme D... une indemnité provisionnelle de 150 000 euros. Cette ordonnance a été annulée par une décision du juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 23 septembre 2014, qui a renvoyé l'affaire devant le tribunal administratif de la Guadeloupe. Par une nouvelle ordonnance du 28 avril 2015, le juge des référés du tribunal a condamné l'ONIAM à verser à Mme D... une provision d'un montant de 320 000 euros et le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes à lui verser une provision de 80 000 euros. La commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) de la Guadeloupe, saisie parallèlement par Mme D... le 29 décembre 2014 d'une demande de règlement amiable, a conclu, après la réalisation d'une nouvelle expertise, à l'existence d'un accident médical non fautif ouvrant droit à réparation au titre de la solidarité nationale. Insatisfaite de l'offre d'indemnisation qui lui a été soumise par l'ONIAM, Mme D... a saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe d'une demande tendant à la condamnation solidaire de l'ONIAM et du CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes à lui verser la somme globale de 11 086 144,70 euros en réparation de ses préjudices. L'ONIAM relève appel du jugement du 25 septembre 2018 du tribunal administratif de la Guadeloupe en tant qu'il l'a condamné à verser à Mme D... la somme de 1 250 036,33 euros au titre du préjudice d'assistance par une tierce personne, la somme de 44 606 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs ainsi que la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice d'établissement. Mme D... demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de réformer ce jugement en portant à 10 592 599,41 euros le montant que l'ONIAM et le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes doivent être condamnés solidairement à lui verser en réparation de ses préjudices. Enfin, le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes demande, également par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamné à verser à l'intéressée une somme de 250 007,27 euros au titre des frais d'assistance par tierce personne. Le jugement du tribunal administratif a mis les dépens à la charge de l'ONIAM et du CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes.
Sur la prise en charge de l'indemnisation:
2. Les premiers juges ont retenu, d'une part, que Mme D... a été victime d'un accident médical non fautif ouvrant droit à réparation de ses préjudices par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale et, d'autre part, que le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes est responsable d'un défaut d'information lui ayant fait perdre 20 % de chance de se soustraire au dommage qui s'est réalisé. Ni le principe de ces indemnisations, ni le partage opéré par le tribunal de 20 % à la charge du CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes et 80 % à la charge de l'ONIAM ne sont contestés devant la cour.
Sur l'indemnisation des préjudices :
En ce qui concerne les dépenses de santé :
3. Mme D... ne saurait demander que lui soit versée la somme de 400 920,41 euros au titre des dépenses de santé dès lors qu'il est constant que cette somme représente le montant des débours exposés par la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe.
En ce qui concerne les frais d'assistance par une tierce personne :
4. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.
5. Le rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de la Guadeloupe, daté du 26 décembre 2011, relève que Mme D... ne peut subvenir seule à aucun de ses besoins et qu'elle nécessite une présence " sous le toit " 24 heures sur 24. La seconde expertise, datée du 14 juin 2015 et ordonnée par la CCI de la Guadeloupe, relève quant à elle que la patiente était totalement dépendante de son environnement humain, qu'elle était dans l'impossibilité totale d'effectuer sans aide les activités de la vie courante et quotidienne. Si ce rapport indique que Mme D... a nécessité et nécessitera toute sa vie, d'une part, une aide non spécialisée extérieure à raison de 4 heures par jour afin de lui prodiguer la toilette, lui préparer et l'accompagner dans ses repas, faire le ménage et les courses tous les jours de la semaine et, d'autre part, une aide de 4 heures par jour pour la réalisation de formalités administratives, ce rapport mentionne également que, compte tenu du degré de dépendance extrême de Mme D..., il y a nécessité d'une personne à domicile 24 heures sur 24 même si cette personne n'est pas constamment à ses côtés. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que Mme D... nécessite, depuis le 22 août 2020 et jusqu'à la fin de sa vie, l'assistance d'une tierce personne 24 heures sur 24. En revanche, il résulte de l'instruction que Mme D... ne nécessite qu'une aide non spécialisée et c'est à tort que les premiers juges ont distingué selon que l'aide nécessaire puisse être qualifiée d'" active " ou de " passive ".
6. Il ressort de la première expertise, datée du 26 décembre 2011, que Mme D... a bénéficié depuis son accident de la présence à domicile d'une infirmière 2h à 2h30 par jour et d'un kinésithérapeute durant 40 minutes six jours par semaine. L'ONIAM et le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes sont fondés à soutenir qu'il y lieu de déduire ces interventions de la durée d'assistance par tierce personne nécessaire à Mme D.... Ainsi, pour la période du 22 août 2010 au 26 décembre 2011, date à compter de laquelle il ne résulte plus de l'instruction que Mme D... aurait bénéficié de soins à domicile, il y a lieu de réduire le besoin d'assistance par une tierce personne dont l'intéressée peut obtenir l'indemnisation à 21 heures par jour.
7. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours, et non de 390 jours comme l'ont retenu les premiers juges, et, pour la période antérieure à la date de consolidation de l'état de santé de Mme D..., fixée au 4 octobre 2014, d'un taux horaire de 13 euros, fixé en fonction du taux horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette période, augmenté des charges sociales. Dans ces conditions, le montant de l'assistance par une tierce personne pour la période allant du 22 août 2010 au 3 octobre 2014 s'élève à la somme de 501 849,87 euros. Il y a lieu de déduire de ce montant les sommes perçues par Mme D... au titre de la prestation de compensation du handicap soit, pour la période concernée, la somme de 124 179,25 euros que les pièces produites par l'intéressée devant le tribunal suffisent à justifier. Si le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes soutient que Mme D... n'a pas justifié de l'ensemble des diverses prestations qui lui ont été versées susceptibles de venir en déduction de ce poste de préjudice, il n'apporte aucun élément permettant d'envisager l'existence d'autres sommes à déduire. Dans ces conditions, l'ONIAM et le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes sont seulement fondés à soutenir que la somme allouée par les premiers juges au titre de l'assistance par une tierce personne due à Mme D... pour la période du 22 août 2010 au 3 octobre 2014 doit être ramenée à 377 670,62 euros.
8. Il y a lieu, pour la période allant du 4 octobre 2014 au 15 décembre 2020, date de la présente décision, de porter le taux horaire moyen de l'assistance nécessaire à Mme D... à 14 euros, soit un montant total de 858 657,67 euros. Mme D... soutient " ne pas entendre demander le maintien de la prestation de compensation du handicap après le 31 octobre 2020 " mais, en dépit de la mesure d'instruction diligentée par la cour, n'en a pas justifié. Il y a lieu, par suite, de déduire la prestation de compensation du handicap à laquelle Mme D... avait droit sur l'ensemble de cette période, en tenant compte de la revalorisation de la prestation dont elle a bénéficié à compter du 1er novembre 2016, portant ainsi le montant de l'indemnisation à laquelle elle a droit à 598 002,67 euros.
9. S'agissant des frais d'assistance à tierce personne futurs, certains dans leur principe contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, et dans leur quotité de vingt-quatre heures par jour dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des perspectives d'amélioration de l'autonomie seraient envisageables, il y a lieu d'allouer à Mme D... une rente versée par trimestres échus pour un montant annuel fixé à 138 432 euros. Cette rente sera revalorisée annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Les sommes perçues par Mme D... au titre de la prestation de compensation du handicap ou de toute autre prestation ayant le même objet dès lors qu'aucune disposition particulière ne permet à l'organisme qui l'a versée d'en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à meilleure fortune, dont il lui appartiendra de justifier annuellement du montant, viendront en déduction de cette rente. Dans l'hypothèse où Mme D... choisirait de renoncer à percevoir de telles prestations, notamment la prestation de compensation du handicap, il lui incombera également d'en justifier annuellement par la production d'une attestation de l'organisme prestataire concerné.
10. Mme D... sollicite également l'indemnisation de l'assistance d'une tierce personne qu'elle estime nécessaire pour l'éducation de sa fille, âgée de 12 ans au jour de son accident, et dont elle n'est plus en mesure de s'occuper au quotidien. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la fille de Mme D... ne pouvait être prise en charge par un autre membre de la famille, notamment son père, et qu'une tierce personne distincte de celle retenue ci-dessus ait été spécifiquement nécessaire pour s'occuper de cette enfant.
En ce qui concerne les pertes de gains professionnels futurs et la perte de pension de retraite :
11. Il résulte des rapports d'expertise au dossier, ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, que Mme D... est, depuis son accident, dans l'incapacité absolue de reprendre une quelconque activité professionnelle. Mme D... soutient qu'elle tirait de son activité d'agent d'entretien dans un collège un revenu mensuel de 900 euros et d'une activité complémentaire de commerçante un revenu mensuel de 800 euros. Elle n'a produit, devant le tribunal, que quelques pièces difficilement lisibles, notamment quelques bulletins de paye de son activité salariée ainsi que trois résumés d'imposition dont deux au moins concernent son ancien époux et dont le troisième n'apparaît pas résulter avec certitude comme relatif qu'à ses propres revenus. En dépit de la mesure d'instruction diligentée par la cour, l'intéressée n'a pas produit les pièces permettant de compléter l'évaluation de ce préjudice. Il résulte des éléments exploitables figurant au dossier que Mme D... percevait, en moyenne, avant son accident, des revenus mensuels de 200 euros. Il résulte par ailleurs de l'instruction que Mme D... perçoit 808,46 euros par mois d'allocation aux adultes handicapés, de sorte que le préjudice qu'elle invoque est, et sera à l'avenir, entièrement réparé par le versement de cette allocation.
12. Si Mme D... soutient qu'elle subit un préjudice de perte de pension de retraite, elle ne formule aucune critique à l'encontre du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe qui a retenu, à bon droit, qu'aucun élément versé au dossier ne permettait d'établir la réalité d'un tel préjudice.
En ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire :
13. Il résulte du second rapport d'expertise au dossier que Mme D... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 22 juin 2009 au 19 avril 2010, puis du 17 mai 2010 au 20 août 2010, et un déficit fonctionnel partiel à 75 % du 21 août 2010 au 3 octobre 2014. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante évaluation de ce poste de préjudice en l'indemnisant à hauteur de 30 450 euros.
En ce qui concerne le déficit fonctionnel permanent :
14. Les premiers juges ont procédé à une juste évaluation de ce déficit, évalué par l'expert à 70 %, en l'indemnisant, compte tenu de l'âge de 35 ans à la date de la consolidation, à hauteur de 285 000 euros.
En ce qui concerne le préjudice d'agrément :
15. Mme D... indique ne plus être en mesure de téléphoner, prendre le bus et marcher comme avant son accident. Un tel préjudice est d'ores et déjà indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent et ne saurait donner lieu, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, à une indemnisation distincte au titre du préjudice d'agrément. Mme D... ne peut utilement invoquer la proposition sur ce point de l'ONIAM, dès lors qu'elle a décliné l'offre globale qui lui avait été faite.
En ce qui concerne le préjudice esthétique permanent :
16. Les premiers juges n'ont pas insuffisamment évalué le préjudice esthétique dont Mme D... est restée atteinte après la consolidation de son état de santé, évalué à un degré de 4 sur une échelle de 7 par l'expert, en lui allouant à ce titre une somme de 10 000 euros.
En ce qui concerne le préjudice d'établissement :
17. Il résulte de l'instruction que Mme D..., âgée de 35 ans à la date de consolidation de son état de santé, reste atteinte d'un très lourd handicap et que son état la place irrémédiablement dans une situation de dépendance extrême. Son divorce a été prononcé au cours de l'année 2018 et il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont pertinemment retenu les premiers juges, que la possibilité qu'elle puisse recréer un jour une cellule familiale est largement compromise. Dans ces conditions, il sera fait une juste évaluation du préjudice d'établissement de Mme D..., en tenant compte des circonstances qu'elle était déjà mère d'un enfant et que son infertilité n'est pas le résultat de l'accident médical en cause, en ramenant la somme allouée par les premiers juges à ce titre à la somme de 15 000 euros.
En ce qui concerne le préjudice moral :
18. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.
19. Mme D... demande, pour la première fois en appel, la réparation d'un préjudice moral d'impréparation. Il sera fait une juste évaluation de la souffrance morale endurée par l'intéressée lorsqu'elle a découvert les conséquences de l'intervention en condamnant le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes à lui verser une somme de 3 000 euros à ce titre.
20. Il résulte de tout ce qui précède, alors que n'était pas discutée devant la cour l'indemnisation par le tribunal du préjudice sexuel pour un montant de 20 000 euros, et que la demande de relèvement de l'indemnisation des souffrances endurées de 10 000 à 15 000 euros n'est appuyée d'aucune argumentation de Mme D... critiquant le jugement sur ce point, que le capital dû à Mme D... par le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes et l'ONIAM doit être ramené à 1 346 123 euros, et que ces établissements devront en supporter la charge à hauteur, respectivement, de 269 224 euros et 1 076 898 euros. Les frais futurs d'assistance par une tierce personne seront réparés par le versement d'une rente selon les modalités décrites au point 9 et selon le partage de responsabilité rappelé au point 2.
21. Enfin, il y a lieu de condamner le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes à verser à Mme D... la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral d'impréparation.
Sur les frais exposés à l'occasion du litige :
22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM et du CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes les sommes respectives de 1 000 et 500 euros à verser à Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Les sommes de 1 336 073,87 euros et 334 018,46 euros que l'ONIAM et le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes ont respectivement été condamnés à payer à Mme D... par les articles 1 et 2 du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 25 septembre 2018 sont ramenées à 1 076 898 euros et 269 224 euros, dont seront déduites les sommes déjà versées au titre d'indemnités provisionnelles.
Article 2 : Le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes est condamné à verser à Mme D... la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral d'impréparation.
Article 3 : L'ONIAM et le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes verseront à Mme D..., selon le partage de responsabilité rappelé au point 2 du présent arrêt, par trimestre échus, une rente dont le montant annuel, fixé à 138 432 euros à la date de la présente décision, sera ultérieurement revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Les sommes perçues par Mme D..., dont il lui appartiendra de justifier annuellement, au titre de la prestation de compensation du handicap ou de toute autre prestation équivalente seront déduites de cette rente. Dans l'hypothèse où Mme D... choisirait de renoncer à percevoir de telles prestations, notamment la prestation de compensation du handicap, il lui incombera également d'en justifier annuellement par la production d'une attestation de l'organisme prestataire concerné.
Article 4 : Le jugement n° 1700345 du 25 septembre 2018 du tribunal administratif de la Guadeloupe est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'ONIAM et le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes verseront respectivement à Mme D... les sommes de 1 000 euros et 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à Mme H... D..., au centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre/Les Abymes et à la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme I... F..., présidente,
Mme A... C..., présidente-assesseure,
Mme B... E..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2020.
La rapporteure,
Kolia E...
La présidente,
Catherine F...
Le greffier,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX04021