Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... E... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 12 juin 2019 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 1900680 du 20 février 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2020, M. E..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 20 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 juin 2019 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, et dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de la première instance et de l'instance d'appel, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux est entaché d'un vice de procédure faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour en méconnaissance des articles L. 312-1 et L.312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant haïtien né en 1956, est entré irrégulièrement en France en juillet 2003. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 mars 2005, confirmée le 20 septembre 2005 par la Cour nationale du droit d'asile. Sa demande d'admission exceptionnelle au séjour déposée le 14 avril 2014 a été rejetée par une décision du préfet de la Guadeloupe du 10 juillet 2014. Il a de nouveau présenté le 29 mai 2018, puis complété le 11 juin 2019, une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. E... relève appel du jugement du 20 février 2020 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Guadeloupe du 12 juin 2019, portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que lors de son entrée en France en 2003, M. E... était âgé de 47 ans. Les pièces produites au dossier ne peuvent suffire à caractériser sa présence habituelle en France depuis cette date, notamment pour la période antérieure à l'année 2014. Si l'appelant, âgé de 64 ans, se prévaut de la présence en France de frères et soeurs dont l'un, de nationalité française, l'héberge depuis 2015, ainsi que de la présence de neveux et nièces, il ne conteste pas être marié, sa conjointe et leur fille résidant hors de France. Si M. E... se prévaut également de la présence en France d'un fils âgé de 35 ans, il n'apporte aucun élément sur la situation administrative de ce dernier. Rien ne fait ainsi obstacle à ce que sa vie privée et familiale se poursuive ailleurs qu'en France, notamment à Haïti où il a vécu la majeure partie de sa vie. Par ailleurs, s'il fait valoir une promesse d'embauche en qualité de peintre en bâtiment par la société dont son frère est le gérant et associé unique, ce seul élément ne peut caractériser une insertion dans la société française. Dès lors, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de l'intéressé, l'arrêté litigieux n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris et n'a, par suite, méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, l'arrêté litigieux n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. E....
4. En deuxième lieu, le préfet n'est tenu, en application des articles L. 312-2 et R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. M. E... ne justifiant pas être en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en France, le préfet n'a pas entaché sa décision d'irrégularité en ne consultant pas au préalable la commission du titre de séjour.
5. En troisième et dernier lieu, M. E... ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'est pas au nombre de celles qui sont opposables au sens de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration dans les conditions fixées à l'article R. 312-10 du même code et, au surplus, ne comporte que des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. B... A..., président,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller,
Mme Charlotte Isoard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.
Le président-rapporteur,
Didier A...
Le premier assesseur,
Nathalie Gay-SabourdyLe greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX02344