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10/12/2020 | FRANCE | N°20BX01254

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 10 décembre 2020, 20BX01254


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 5 février 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a ordonné son transfert aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2000689 du 11 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un mémoire, enregistré le 3 avril 2020, M. A..., représenté par Me B..., d

emande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 5 février 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a ordonné son transfert aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2000689 du 11 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un mémoire, enregistré le 3 avril 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le tribunal administratif de Toulouse du 11 février 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 5 février 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de 24 heures suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'État les entiers dépens du dossier, ainsi que la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige n'est pas suffisamment motivé, dès lors qu'il ne mentionne pas sa relation avec une compatriote dont la demande d'asile est en cours d'examen par les autorités françaises, ce qui révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- les informations énumérées à l'article 4 du règlement Dublin ne lui pas été données à de manière conforme aux exigences de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet ne démontrant pas la nécessité de recourir à l'assistance d'un interprète par voie téléphonique ;

- l'arrêté de transfert est entaché d'erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17.1 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le préfet s'est estimé lié par la seule circonstance que sa demande d'asile semblait relever de la compétence des autorités allemandes, sans tenir compte de sa relation avec une compatriote placée en procédure normale, un départ vers l'Allemagne entraînant nécessairement une séparation du couple pour une durée indéterminée, voire définitivement.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du

26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant nigérian né en 1983, est entré sur le territoire français le 29 juillet 2019, selon ses déclarations, et a déposé une demande d'asile le 9 août 2019 auprès du préfet de la Haute-Garonne. Après avoir constaté, à la suite de la consultation du fichier Eurodac, que les empreintes digitales de M. A... avaient été relevées par les autorités allemandes le 29 septembre 2015 lors d'une précédente demande d'asile dans ce pays, le préfet de la Haute-Garonne a adressé aux autorités de cet État, le 11 septembre 2019, une demande de reprise en charge de la demande d'asile de M. A.... Une décision explicite d'acceptation des autorités allemandes est intervenue le 18 septembre 2019. Par un arrêté du 5 février 2020, le préfet de la Haute-Garonne a ordonné le transfert de l'intéressé aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile. M. A... relève appel du jugement du 11 février 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté, lequel a été exécuté le 1er septembre 2020.

2. En premier lieu, M. A... reprend, en des termes similaires et sans critique utile du jugement, les moyens soulevés en première instance et tirés de la motivation insuffisante de l'arrêté en litige et du défaut d'examen particulier de sa situation, moyens auxquels le premier juge a suffisamment et pertinemment répondu. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tous cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement.

4. Par ailleurs, selon l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ". Il résulte de ces dispositions que les autorités de l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable doivent, afin d'en faciliter la détermination et de vérifier que le demandeur d'asile a bien reçu et compris les informations prévues par l'article 4 du même règlement, mener un entretien individuel avec le demandeur.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié lors de son entretien individuel des services téléphoniques d'un interprète en langue anglaise de l'organisme d'interprétariat ISM, agréé par l'administration, ainsi que le permettent les dispositions citées ci-dessus. Le nom et les coordonnées de l'interprète ont été indiqués par écrit à l'intéressé qui n'établit ni n'allègue que celui-ci n'a pas assuré une bonne communication entre lui et l'agent, et a signé le résumé de son entretien individuel en déclarant notamment " avoir compris la procédure engagée à son encontre ". Si M. A... se prévaut de ce que les services de l'interprète en langue anglaise, langue qu'il a déclaré comprendre, ont été fournis par téléphone sans que le préfet n'en justifie la nécessité conformément aux dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modalités techniques du déroulement de l'entretien l'auraient privé d'une garantie. Par suite, le moyen doit être écarté.

6. Enfin, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul État membre et qu'en principe cet État est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un État membre. Cette faculté laissée à chaque État membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Par ailleurs, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. A... fait valoir que la relation qu'il entretient avec une compatriote nigériane, dont la demande d'asile est instruite par la France, ferait obstacle à son transfert vers l'Allemagne. Toutefois, alors même que le préfet aurait eu connaissance des éléments que lui a communiqués l'intéressé par courrier du 5 février 2020, il est constant que cette relation est récente. En outre, la communauté de vie de l'intéressé et de sa compagne n'est pas établie par les pièces produites au dossier. M. A... ne se prévaut par ailleurs d'aucune attache familiale en France et n'apporte pas d'autres éléments relatifs à sa situation personnelle de nature à faire obstacle, à la date de l'arrêté attaqué, à son transfert vers l'Allemagne. Dès lors, en décidant de ce transfert, le préfet de la Haute-Garonne, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait estimé en situation de compétence liée, n'a commis ni erreur de droit, ni une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en oeuvre du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013. Le préfet n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 février 2020 du préfet de la Haute-Garonne. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que, d'une part, celles tendant " au paiement des entiers dépens du procès ", lequel n'en comprend au demeurant aucun et, d'autre part, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Salvi, président,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller,

Mme D... C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.

Le rapporteur,

Charlotte C...Le président,

Didier SalviLe greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01254


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01254
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-10;20bx01254 ?
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