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08/12/2020 | FRANCE | N°18BX02943

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 08 décembre 2020, 18BX02943


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice d'impréparation subi en lien avec l'intervention chirurgicale du 22 février 2012,

de surseoir à statuer sur l'indemnisation de ses préjudices résultant du syndrome de Claude Bernard Horner, d'ordonner une mesure d'expertise afin d'évaluer ces derniers préjudices, et de mettre à la charge du CHU de Bordeaux

une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justic...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice d'impréparation subi en lien avec l'intervention chirurgicale du 22 février 2012,

de surseoir à statuer sur l'indemnisation de ses préjudices résultant du syndrome de Claude Bernard Horner, d'ordonner une mesure d'expertise afin d'évaluer ces derniers préjudices, et de mettre à la charge du CHU de Bordeaux une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1604955 du 29 mai 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 26 juillet 2018 et 27 septembre 2019,

M. E..., représenté par la SELARL Nakache Perez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, d'ordonner avant dire droit une nouvelle mesure d'expertise, ou à titre subsidiaire de faire droit à ses demandes de première instance ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Bordeaux une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

A titre principal, sur la faute du CHU et la demande de contre-expertise :

- contrairement à ce qu'a conclu l'expert, l'absence de diagnostic différentiel a empêché de conclure à une adénopathie nerveuse ; l'absence de ponction biopsie a rendu la démarche diagnostique insuffisante et est constitutive d'une faute ; le scanner pré opératoire réalisé ne montrait aucune formation ganglionnaire de l'étage thoracique abdomino-pelvien et cervical d'allure pathologique, de sorte que la tuméfaction pouvait être considérée comme n'étant pas une formation ganglionnaire lymphomateuse, et que l'indication opératoire aurait dû être écartée par l'équipe médicale ; cette insuffisance dans la démarche diagnostique est constitutive d'une faute ; de ce fait, une nouvelle expertise médicale doit être ordonnée ;

- le praticien s'est abstenu de vérifier la nature exacte de la tumeur avant l'intervention et l'a ainsi privé de la ponction cytologique et de I'IRM cervicale, pourtant nécessaires afin de porter un diagnostic étayé ; le diagnostic d'adénopathie lymphomateuse a été porté dans la précipitation, sans que l'ensemble des examens nécessaires à son établissement ne soient réalisés ; le CHU a commis un manquement dans l'établissement du diagnostic, conduisant à une exérèse précipitée ;

- contrairement à ce qu'a conclu l'expert, le compte-rendu opératoire ne précise nullement l'aspect de la tuméfaction lors de l'exploration chirurgicale, sa localisation précise et ses rapports avec les structures anatomiques voisines ; il en sera déduit qu'il n'y a pas eu d'exploration chirurgicale, mais d'emblée une exérèse de la tuméfaction ; le chirurgien ne s'est pas préalablement inquiété de la nature de la tuméfaction, pourtant inconnue ;

- en l'absence de mention de la section du nerf sympathique dans le compte rendu opératoire, celle-ci ne peut être considérée comme " le sacrifice d'un nerf rendu indispensable au cours de l'intervention " mais comme une section involontaire, constitutive d'une faute dans le geste opératoire ;

- contrairement à ce qu'a conclu l'expert, un praticien hospitalier ne saurait s'affranchir de son devoir d'information, dans toute son étendue, au motif que cette information n'est en pratique quasiment jamais fournie au patient, mais doit présenter les complications inhérentes à l'intervention et ses risques éventuels, y compris exceptionnels ; le chirurgien ne connaissant pas la nature exacte de la tuméfaction, il ne pouvait limiter son information aux seuls risques liés à l'exérèse d'une adénopathie, mais aurait dû anticiper la présence éventuelle d'un schwannome et informer le patient des risques de section du nerf sympathique et de ses conséquences ; s'il avait été informé des alternatives diagnostiques, il n'aurait pas accepté la biopsie exérèse ; ce défaut d'information est constitutif d'une faute et lui a fait perdre une chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé ;

- les constatations expertales ne répondent pas aux points 6 et 9 de la mission, de sorte qu'une nouvelle expertise médicale doit être ordonnée, qu'il conviendra de confier à un ORL et à un neurologue ;

A titre subsidiaire, sur la mise en cause de l'ONIAM :

- l'exérèse pratiquée par le chirurgien était justifiée exclusivement par une adénopathie cervicale, et non par une tumeur nerveuse, si bien qu'il ne peut être considéré que la section du nerf sympathique a été rendue indispensable au vu de sa pathologie, qui n'était pas connue au moment de l'intervention ; son dommage résulte d'un accident médical au cours d'un acte de diagnostic et d'un acte de soin ;

Sur les préjudices :

- les manquements du CHU lui ont fait perdre une chance d'éviter le syndrome de

Claude Bernard Horner ou de faire le choix d'une thérapeutique appropriée ;

- les préjudices liés à la section du nerf sympathique ne pourront être évalués qu'après expertise et détermination du taux de perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé ;

- il n'a pas été averti du risque de section du nerf sympathique et de ses conséquences et n'a pu se préparer aux complications inhérentes, et notamment à l'apparition du syndrome de Claude Bernard Horner ; il sollicite la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice d'impréparation.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2018, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par la SELARL Birot, Ravaut et Associés, conclut à titre principal à sa mise hors de cause, et à titre subsidiaire si une nouvelle expertise était ordonnée, à ce que la mission de l'expert soit complétée pour vérifier les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale.

Il fait valoir que :

- la demande de contre-expertise, nouvelle en appel, est irrecevable ; elle est au surplus infondée car c'est à bon droit que l'expert n'a retenu aucun manquement du CHU ni s'agissant du diagnostic et de l'indication opératoire, ni dans le geste opératoire, ni dans l'information

de M. E... ;

- la section nerveuse ne saurait être analysée comme un accident médical car l'exérèse de la tumeur nerveuse impliquait nécessairement la section du nerf ; ainsi, il doit être mis hors de cause.

Par un mémoire enregistré le 7 août 2018 la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde déclare ne pas avoir de créances à faire valoir.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 juin 2019, le centre hospitalier universitaire de Bordeaux et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés

par Me I..., concluent au rejet de la requête.

Ils font valoir que :

- M. E... n'apporte aucun élément d'ordre médical permettant de remettre utilement en cause les conclusions de l'expert dès lors que son médecin conseil et l'expert judiciaire ont tous deux conclu à l'absence de nécessité de procéder à la ponction cytologique préalablement à l'exérèse ; les critiques de l'expertise produites par le requérant concluant à la nécessité de réaliser une IRM préalablement à l'exérèse ne s'appuient sur aucune littérature médicale ; ainsi, il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise ;

- un diagnostic ne saurait être considéré comme fautif lorsque les symptômes pouvaient conduire à en poser un autre ; en l'espèce, de nombreux examens, des observations cliniques, une échographie cervicale et un petscan ont été réalisés avant l'exérèse de la tumeur ; par ailleurs, le bilan biologique permettait d'éliminer une étiologie infectieuse ou inflammatoire ; les examens étaient tous fortement évocateurs d'une hémopathie de type lymphome, et aucun examen supplémentaire n'aurait permis de poser le diagnostic de tumeur nerveuse ; ainsi, aucune faute ne saurait être imputée au CHU dans la pose du diagnostic ;

- la section du nerf sympathique ne pouvait être évitée et ne résulte pas d'une maladresse car le nerf était impossible à visualiser au cours de l'intervention ; l'acte médical a été réalisé conformément aux règles de l'art ; ainsi, aucune faute ne peut être reprochée au CHU dans la section du nerf sympathique ;

- la nature précise de la tumeur ayant été découverte au cours de l'intervention, l'information sur le risque d'atteinte au nerf sympathique ne pouvait être délivrée avant ; ce nerf n'étant pas important, il n'était pas nécessaire d'interrompre l'intervention pour informer le patient des conséquences de l'exérèse ; du fait de l'évolution prévisible du schwannome de la région cervicale, l'intervention était impérieusement requise, et M. E... n'aurait pu raisonnablement la refuser ; ainsi, aucun manquement au devoir d'information ne peut être retenu ;

- M. E... ne saurait solliciter une somme de 50 000 euros au titre du préjudice d'impréparation dès lors, d'une part, qu'il n'établit pas la réalité du préjudice dont il se prévaut, et d'autre part, que l'intervention était impérieusement requise et qu'il n'existait pas d'alternative thérapeutique pour procéder à l'exérèse de la tumeur.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. E..., et de Me H..., représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., alors étudiant en deuxième année de médecine en stage au CHU de Bordeaux, a consulté dans cet établissement pour une tuméfaction cervicale gauche associée à une asthénie sans amaigrissement, des sueurs nocturnes et une gêne respiratoire. Un diagnostic de lymphome a été posé le 13 février 2012, et l'exérèse de la tumeur, dont l'analyse anatomopathologique a ultérieurement révélé qu'il s'agissait d'un schwannome, tumeur nerveuse bénigne, a été réalisée sous anesthésie générale le 22 février suivant. Dans les suites de cette intervention, le patient a présenté des céphalées et un syndrome de Claude Bernard Horner gauche caractérisé par un ptosis, une pseudo-énophtalmie, une vasodilatation et une anhidrose (absence de sudation) de l'hémiface gauche, en lien avec la section du nerf sympathique lors de l'exérèse du schwannome. A la demande de M. E..., le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a ordonné une expertise médicale, dont le rapport a été déposé le 10 décembre 2015. Après le rejet implicite de sa demande d'indemnisation préalable, M. E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le CHU de Bordeaux d'une part, à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice d'impréparation au regard des conséquences de l'intervention chirurgicale du 22 février 2012, et d'autre part, de surseoir à statuer sur l'indemnisation de ses préjudices en lien avec le syndrome de Claude Bernard Horner et d'ordonner une expertise médicale afin d'évaluer ceux-ci. Il relève appel du jugement

du 29 mai 2018 par lequel le tribunal administratif a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions tendant à la réalisation d'une nouvelle expertise :

2. L'expert n'a retenu ni faute dans le diagnostic de lymphome, ni défaut d'information dès lors que M. E... avait été informé des risques d'atteinte des nerfs X, XII et spinal lors de l'exérèse d'une adénopathie, et que le risque d'atteinte du nerf sympathique cervical " moins important " n'a pas à être mentionné. Pour contester ces conclusions, M. E... se borne à reprendre les notes critiques qu'il avait produites à l'appui de ses dires. Celles-ci reprochent au praticien hospitalier de ne pas avoir prescrit d'examens complémentaires pour rechercher un éventuel schwannome, et de ne pas avoir informé le patient des risques d'atteinte du nerf sympathique lors de l'exérèse de cette tumeur. Ces critiques, qui procèdent par affirmations sans référence à aucune littérature médicale, ne contredisent pas utilement les conclusions de l'expert. Ce dernier n'ayant retenu aucune responsabilité du CHU de Bordeaux, il n'avait pas à se prononcer sur l'évaluation des préjudices. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'ONIAM, les conclusions tendant à l'organisation d'une nouvelle expertise doivent être rejetées.

Sur les conclusions principales dirigées contre le centre hospitalier universitaire de Bordeaux :

En ce qui concerne la responsabilité :

3. M. E... invoque des fautes du CHU de Bordeaux à raison d'une erreur de diagnostic ayant eu pour conséquence une exérèse précipitée, d'une faute dans le geste opératoire, et d'un défaut d'information sur le risque de section du nerf sympathique et de ses séquelles.

S'agissant de l'établissement du diagnostic :

4. Aux termes du 1 de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé (...), ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".

5. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise, que le diagnostic a été posé après réalisation d'une échographie cervicale, d'un scanner, d'un petscan et d'un bilan

biologique. Les résultats de ces examens et les signes cliniques présentés par le patient, soit un nodule jugulo-carotidien gauche, des sueurs nocturnes, une gêne respiratoire et une asthénie, étaient fortement évocateurs d'une hémopathie de type lymphome. Eu égard à la gravité de cette pathologie cancéreuse et à l'état général du patient qui faisait état de difficultés à respirer, l'indication opératoire à bref délai était justifiée, et l'expert a noté que devant le tableau clinique en cause, une abstention chirurgicale aurait été regardée comme une perte de chance. Il ne peut être reproché au chirurgien d'avoir procédé à l'exérèse de la tumeur sans avoir préalablement réalisé d'autres examens afin de rechercher sa nature éventuellement bénigne dès lors que, selon l'expert, le diagnostic de tumeur nerveuse ne pouvait pas être posé avant l'intervention, la ponction cytologique n'étant jamais contributive pour une tumeur nerveuse, et la réalisation d'une IRM ne faisant pas partie des recommandations de la société française d'oto-rhino-laryngologie sur les tuméfactions. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la démarche diagnostique entreprise par le CHU de Bordeaux était suffisante et ne présentait pas de caractère fautif.

S'agissant du geste opératoire :

6. En premier lieu, l'expert relève que s'il est découvert, lors de la cervicotomie, une tumeur sur un nerf " important " tel que le pneumogastrique ou le XII, il convient d'interrompre l'intervention et d'expliquer au patient les conséquences de l'exérèse de cette tuméfaction. En l'espèce, il résulte de l'instruction qu'il était impossible macroscopiquement, en per-opératoire, de visualiser le sympathique cervical, nerf " moins important " sur lequel s'était développé le schwannome. Par suite, il ne peut être reproché au chirurgien d'avoir procédé " d'emblée " à l'exérèse sans " exploration chirurgicale ", et sans avoir de certitude sur la nature de la tumeur, laquelle ne pouvait résulter que de l'examen anatomopathologique.

7. En second lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise, d'une part, que le nerf sympathique était à la fois porteur et indissociable de la tumeur, rendant impossible son exérèse sans sectionner ce nerf, et d'autre part, que l'exérèse de la tumeur s'est déroulée sans difficulté et a été réalisée de manière conforme aux données acquises de la science.

8. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le geste opératoire lors de l'extraction de la tumeur ne présentait pas de caractère fautif.

S'agissant de l'obligation d'information :

9. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ". Lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation. En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.

10. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. E... a été informé des risques d'hématome, d'infection et de section des nerfs X, XII et spinal. Il lui a également été indiqué qu'en fonction du nerf sacrifié, une chute de la paupière était possible, ce qui s'est effectivement produit. S'il n'a pas été informé des autres conséquences de la section du nerf sympathique constituant le syndrome de Claude Bernard Horner, ce syndrome est inhérent à l'exérèse d'une tumeur de type schwannome, extrêmement rare chez des sujets jeunes, et ne peut être regardé comme grave au sens des dispositions précitées. Par suite, le défaut de mention d'un tel risque ne constitue pas une faute de l'établissement hospitalier, et il résulte au demeurant de l'acceptation des risques de section de nerfs plus importants par M.E... que la décision de celui-ci n'aurait pas été modifiée s'il en avait eu connaissance.

11. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'il ne peut davantage être reproché au CHU de ne pas avoir informé M. E... d'alternatives diagnostiques par la réalisation d'une IRM et d'une ponction cytologique.

12. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité de l'établissement hospitalier n'est pas engagée à raison d'un défaut d'information.

Sur les conclusions subsidiaires dirigées contre l'ONIAM :

13. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. " Aux termes de l'article D. 142-1-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : / 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; / 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. "

14. Il résulte de l'instruction que le syndrome de Claude Bernard Horner gauche présenté par M. E..., caractérisé, ainsi qu'il a été dit au point 1, par un ptosis, une pseudo-énophtalmie, une vasodilatation et une anhidrose de l'hémiface gauche, apparaît manifestement insusceptible d'atteindre le seuil de gravité fixé par les dispositions précitées. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise sur ce point, les conclusions subsidiaires dirigées contre l'ONIAM doivent, en tout état de cause, être rejetées.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E..., au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, à la société hospitalière d'assurances mutuelles, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme J... G..., présidente,

Mme A... C..., présidente-assesseure,

Mme K...-F... L... B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 décembre 2020.

La rapporteure,

Anne C...

La présidente,

Catherine G...

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°18BX02943


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02943
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-08;18bx02943 ?
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