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01/12/2020 | FRANCE | N°18BX03455

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 01 décembre 2020, 18BX03455


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Entreprise Construction Bâtiment Rénovation (ECBR) a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1602811 du 20 juin 2018, le tribunal a intégralement fait droit à la demande de décharge de la société ECBR.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistr

és le 17 septembre 2018, le 6 mars 2019, le 13 septembre 2019, le 7 avril 2020 et le 27 octobre 2020, le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Entreprise Construction Bâtiment Rénovation (ECBR) a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1602811 du 20 juin 2018, le tribunal a intégralement fait droit à la demande de décharge de la société ECBR.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 17 septembre 2018, le 6 mars 2019, le 13 septembre 2019, le 7 avril 2020 et le 27 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour dans le dernier état de ses conclusions :

1°) d'annuler le jugement n° 1602811 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a déchargé la société ECBR d'un montant de 78 134 euros ;

2°) de rétablir la société ECBR à raison des droits et pénalités en litige à hauteur de 78 314 euros.

Il soutient que :

- c'est à tort qu'il a délimité initialement à 34 417 euros le montant en litige qui est en réalité de 78 134 euros ;

- le jugement du tribunal est entaché d'une erreur matérielle qui n'a pas eu d'influence sur le sens de la décision rendue ; à l'issue de la vérification de comptabilité, l'administration a constaté des insuffisances de déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, a procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée déduite sans justificatifs et a constaté que la société avait déduit de la taxe sur la valeur ajoutée par anticipation ; toutefois, devant le tribunal, la société ECBR a seulement contesté les rappels de taxe résultant du rapprochement entre le chiffre d'affaires déclaré et celui figurant sur les déclarations de résultats ; les motifs du jugement du tribunal se prononcent uniquement sur ce dernier point ; toutefois, le dispositif du jugement décharge la société de l'ensemble des rappels de taxe, y compris ceux qui n'avaient pas été contestés devant lui ;

- cette erreur du tribunal fait grief à l'administration car elle permet à la société de solliciter la décharge de la totalité des rappels de taxe sur la valeur ajoutée alors que les motifs du jugement lui donnent seulement satisfaction pour la taxe rappelée à raison des discordances relevées sur les déclarations.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 janvier 2019, le 26 septembre 2019 et le 27 avril 2020, la société Entreprise Construction Bâtiment Rénovation (ECBR), représentée par Me D... et Me B..., conclut dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, au rejet de la requête du ministre et à ce que l'Etat lui restitue la somme de 200 000 euros en exécution du jugement ;

2°) à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Etat à lui restituer la somme de 165 583 euros en exécution du jugement ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête du ministre est irrecevable car elle tend à contester la décision du président du tribunal administratif de Bordeaux l'informant de ce que sa contestation du jugement du tribunal ne relève pas du recours en rectification d'erreur matérielle ; une telle décision ne constitue pas un acte juridictionnel susceptible d'être contesté devant la cour d'administrative d'appel ; par ailleurs, la requête d'appel du ministre n'est pas motivée en droit ;

- la requête du ministre n'est recevable qu'en tant qu'elle conclut à ce que la société lui verse la somme de 34 417 euros, demandée avant l'expiration du délai d'appel ; le ministre n'est donc pas recevable à solliciter un montant supplémentaire dans ses écritures en réplique présentées tardivement ;

- au fond, les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés ;

- il appartient à l'Etat d'assurer la complète exécution du jugement du tribunal en versant à la société la somme de 200 000 euros ou, subsidiairement, de 165 583 euros.

En application du II de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, la clôture de l'instruction initialement fixée au 6 avril 2020 a été repoussée au 23 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... A...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me E... B..., représentant la société Entreprise Construction Bâtiment Rénovation.

Une note en délibéré présentée pour la société Entreprise Construction Bâtiment Rénovation a été enregistrée le 5 novembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société Entreprise Construction Bâtiment Rénovation (ECBR) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. Des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés par une proposition de rectification du 11 décembre 2013 puis mis en recouvrement le 7 juillet 2014. Saisi par la société ECBR, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé cette dernière des rappels de taxe en litige par un jugement rendu le 20 juin 2018 dont le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel en tant que, par ce jugement, le tribunal a déchargé la société de l'intégralité des rappels de taxe sur la valeur ajoutée consécutifs à la vérification de comptabilité. De son côté, la société ECBR demande à la cour de rejeter la demande du ministre et de la rétablir " à raison des droits dont la décharge a été ordonnée par le tribunal administratif, que ce soit à la hauteur de 34 417 euros conformément à la requête initiale ou à hauteur de 78 134 euros suite au mémoire en réplique du service du 7 avril 2020 " et d'ordonner à l'Etat de lui restituer la somme de 200 000 euros. A titre subsidiaire, la société ECBR demande à la cour d'ordonner à l'Etat de lui reverser la somme de 165 583 euros.

Sur la requête du ministre :

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées par la société EBCR :

2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par une décision du 9 juillet 2018, le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté le recours en rectification d'erreur matérielle que le ministre a formé à l'encontre du jugement du 20 juin 2018 au motif que la contestation présentée ne relevait pas du champ d'application de ce recours. Toutefois, et contrairement à ce que soutient la société ECBR, l'appel du ministre n'est pas dirigé contre la décision, d'ailleurs non produite au dossier, du président du tribunal administratif de Bordeaux du 9 juillet 2018 mais contre le jugement du tribunal rendu le 20 juin 2018 dont il sollicite la réformation. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la décision du président du tribunal constitue un acte non juridictionnel qui ne peut être contesté par la voie de l'appel doit être écartée.

3. En deuxième lieu et contrairement à ce que soutient la société ECBR, la requête d'appel du ministre comporte les développements permettant de la faire regarder comme motivée en droit comme en fait. Par suite la fin de non-recevoir tirée de l'absence de motivation de la requête d'appel doit être écartée.

4. En troisième lieu, dans sa requête d'appel, le ministre de l'économie, des finances et de la relance a expressément demandé la réformation du jugement en tant qu'il a déchargé la société de la somme de 34 417 euros et a conclu à ce que cette somme soit remise à la charge de la société. Ce n'est que dans son mémoire en réplique enregistré le 7 avril 2020, postérieurement à l'expiration du délai d'appel, que le ministre a sollicité la réformation du jugement à hauteur de 78 134 euros et que cette somme soit remise à la charge de la société ECBR. En tant qu'elles portent sur un montant qui excède la somme de 34 417 euros, les conclusions d'appel du ministre sont tardives et, par suite, irrecevables, ainsi que le fait valoir la société intimée.

En ce qui concerne le fond :

5. Il résulte du dossier de première instance que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés à la société ECBR à la suite de la vérification de comptabilité avaient pour origine non seulement des insuffisances de déclarations de taxe sur la valeur ajoutée constatées au vu de leur comparaison avec le montant du chiffre d'affaires porté sur les déclarations de résultats mais aussi la déduction de taxe sans justificatifs ainsi que la déduction de taxe par anticipation.

6. Dans ses écritures devant le tribunal et conformément à sa réclamation préalable, la société ECBR a seulement contesté le premier motif des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, à savoir les insuffisances de déclarations de taxe collectée. Les développements contenus dans les deux mémoires en défense que l'administration a produits devant les premiers juges le 13 septembre 2016 et le 13 décembre 2016 ont également porté sur les insuffisances des montants mentionnés dans les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée. Quant aux motifs du jugement du tribunal, ils ne se prononcent, conformément au litige délimité par les parties, que sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée consécutifs aux insuffisances de déclarations. Pour autant, en indiquant à l'article 1er du dispositif de son jugement que la société ECBR " est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2010, 2011 et 2012 ", le tribunal a nécessairement déchargé la société de l'ensemble des rappels de taxe consécutifs à la vérification de comptabilité y compris de ceux résultant des déductions de cette taxe effectuées sans justification ou par anticipation alors que ces dernières opérations n'avaient pas été contestées devant lui dans l'instance n°1602811.

7. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que le tribunal administratif a accordé dans le dispositif de son jugement une décharge d'un montant supérieur à celui qui aurait dû découler des motifs de ce jugement et des conclusions dont le tribunal était saisi.

8. Il résulte de l'instruction que le montant total des rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés à la société ECBR, y compris ceux non contestés par celle-ci dans l'instance n° 1602811 devant le tribunal, s'élevait à 790 346 euros. En exécution du jugement rendu le 20 juin 2018, l'administration a prononcé au profit de la société ECBR un dégrèvement de 555 929 euros correspondant aux rappels de taxe consécutifs aux insuffisances de déclaration. Par ailleurs, l'administration a accordé à la société un autre dégrèvement de 156 285 euros par une décision du 9 septembre 2019 faisant suite à un jugement n° 1704713 du 5 juin 2019, dont l'administration n'a pas relevé appel, déchargeant la société ECBR des rappels d'impositions consécutifs à des opérations de déduction de taxe non justifiées. Il en résulte que la somme dont le tribunal a indûment déchargé la société ECBR à l'article 1er du jugement attaqué s'élève à 78 132 euros compte tenu des décisions de dégrèvements énumérées ci-dessus. Par suite, il y a lieu de rétablir la société ECBR à raison des impositions demeurant à sa charge au titre de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet et dont le montant a été délimité à 34 417 euros par l'Etat dans ses écritures antérieures à l'expiration du délai d'appel. Dès lors, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il prononce une décharge totale.

Sur les conclusions en exécution du jugement du tribunal présentées par la société ECBR :

9. Il résulte de l'instruction qu'après avoir été destinataire de trois avis de mise en recouvrement mettant à sa charge un montant total de 790 346 euros en droits et intérêts, la société ECBR a versé à l'Etat un acompte de 200 000 euros. Ainsi qu'il a été dit, la société ECBR n'était plus redevable envers l'Etat des rappels de taxe sur la valeur ajoutée consécutifs aux insuffisances de déclaration de taxe collectée et aux opérations de déduction de taxe opérées sans justification eu égard aux deux décisions de dégrèvement, mentionnées ci-dessus, d'un montant total de 712 214 euros. Par suite, la dette de taxe sur la valeur ajoutée de la société envers l'Etat s'établit à 78 132 euros (790 346 - 712 214 euros), laquelle doit toutefois être ramenée à 34 417 euros en raison de la délimitation financière du litige opérée par l'Etat dans sa requête d'appel. Dès lors, la société ECBR est fondée à demander que l'Etat lui restitue la somme de 165 583 euros (200 000 - 34 417).

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société ECBR présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1602811 du tribunal administratif de Bordeaux du 20 juin 2018 est annulé en tant qu'il a déchargé la société ECBR d'une somme de 34 417 euros au titre de rappels de taxe sur la valeur ajoutée.

Article 2 : La société ECBR est rétablie à la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de la somme de 34 417 euros.

Article 3 : L'Etat restituera à la société ECBR la somme de 165 583 euros.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société ECBR au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société à responsabilité limitée Entreprise Construction Bâtiment Rénovation. Copie pour information en sera délivrée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. C... A..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.

Le président,

Elisabeth Jayat La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 18BX03455


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03455
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19 Contributions et taxes.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS TAX TEAM et CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-01;18bx03455 ?
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