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30/11/2020 | FRANCE | N°20BX01402

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 30 novembre 2020, 20BX01402


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... F... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1904013 du 10 avril 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une r

equête, enregistrée le 21 avril 2020, Mme A..., représentée par Me H..., demande à la cour :

1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... F... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1904013 du 10 avril 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2020, Mme A..., représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté du 18 juin 2019 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative et les frais de plaidoiries prévus par l'article L. 723-3 du code de la sécurité sociale.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait le principe du contradictoire ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 6-7 de l'accord franco-algérien, car la pathologie dont elle souffre nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- elles méconnait les articles 3-1 et 9 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- l'illégalité de la décision portant refus de séjour entraînera par voie de conséquence l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- l'illégalité de la décision portant refus de séjour entraînera par voie de conséquence l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi.

Par un mémoire, enregistré le 17 juillet 2020, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de rejeter la requête de Mme A....

Il soutient que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant n'est pas fondé et s'agissant des autres moyens repris en appel, il s'en remet à ses écritures de première instance.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 juin 2020.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... B..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... F... épouse A..., ressortissante algérienne née le 19 juillet 1986 à Oran (Algérie), est entrée en France le 22 décembre 2016 munie d'un passeport revêtu d'un visa délivré par le consulat d'Espagne à Oran. Elle s'est mariée le 27 avril 2018 avec M. A..., ressortissant algérien résidant en France sous couvert d'un certificat de résidence. Un enfant est né de cette union le 15 février 2019. Mme A... a déposé une demande de titre de séjour le 3 mai 2018 sur le fondement du 7° de l'article 6 de la convention franco-algérienne en raison de son état de santé. Par un arrêté du 18 juin 2019, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Toulouse et relève appel du jugement du 10 avril 2020 qui a rejeté sa demande.

Sur les conclusions en annulation:

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige vise les textes applicables à l'intéressée, l'accord franco algérien du 27 décembre 1968, notamment l'article 6-7, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, la convention de New York relative aux droits de l'enfant, notamment l'article 3, ainsi que le code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile. L'arrêté en litige rappelle la nationalité de Mme A... et les circonstances de fait relatives à sa situation administrative, notamment son entrée irrégulière en France munie d'un visa de court séjour délivrée par les autorités espagnoles, à sa situation personnelle et familiale, ainsi qu'à son état de santé. Dans ces conditions, l'arrêté en litige, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé, est suffisamment motivé. Le caractère suffisant de cette motivation confirme en outre que le préfet a effectivement procédé à un examen personnel et circonstancié de la situation de l'intéressée au regard de sa vie privée et familiale et de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

3. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire, moyen que Mme A... réitère en appel sans apporter d'élément nouveau.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

5. D'une part, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résident à un ressortissant algérien qui se prévaut de ces stipulations de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

6. D'autre part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

7. S'appropriant les termes de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 juillet 2018, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme A... au motif que, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine.

8. Pour contester cette appréciation, Mme A..., qui souffre d'une pancréatite chronique génétique et qui soutient que la prise en charge de cette maladie implique le contrôle de la douleur, un soutien nutritionnel, le traitement du diabète et une supplémentation en azyme pancréatique et qu'une chirurgie peut être indiquée pour prendre en charge les complications, verse au dossier des résultats d'analyses médicales, des ordonnances, des compte-rendu d'hospitalisation, des bulletins d'hospitalisation, des certificats médicaux. Toutefois, ces productions, en l'absence d'éléments plus circonstanciés, ne suffisent pas à établir que l'offre de soins et les caractéristiques du système de santé en Algérie ne lui permettraient pas de bénéficier dans ce pays d'un traitement approprié. Ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, la circonstance que le diagnostic de sa maladie n'a pu être posé qu'en juin 2017 par le professeur Buscail, chef de service de gastro-entérologie et nutrition du centre hospitalier universitaire de Rangueil à Toulouse ne permet pas à elle seule de considérer qu'elle ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Algérie. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté méconnaît les stipulations précitées de l'alinéa 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., entrée en France en décembre 2016 selon ses dires, a épousé le 27 avril 2018 un compatriote résidant sur le territoire français sous couvert d'un certificat de résidence algérien et a donné naissance à leur enfant, le 15 février 2019, à Toulouse. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée, qui s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français à l'expiration de son visa de court séjour, était mariée depuis environ un an à la date de l'arrêté contesté et ne justifie pas par la production d'une facture EDF datée du 26 mai 2017 d'une communauté de vie avec son époux, antérieure au mariage. Par ailleurs, ni la requérante ni son époux ne font état en France d'une quelconque insertion sociale ou professionnelle, ou d'autres liens familiaux. Par suite, compte-tenu des conditions d'entrée et de séjour en France de Mme A..., qui a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 30 ans et qui n'est pas dépourvue de liens dès lors que ses parents et ses neufs frères et soeur y résident, le préfet n'a pas, en lui refusant un titre de séjour, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

11. En cinquième lieu, le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

12. Mme A... avait en France à la date de la décision attaquée un fils de quatre mois dont elle s'occupait conjointement avec le père de cet enfant, qui bénéficiait d'un droit au séjour et d'une pension d'invalidité. Il est constant que l'exécution de la décision litigieuse a pour effet d'entrainer une séparation temporaire des membres de la famille. Toutefois, l'enfant et sa mère sont de même nationalité que le père et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient vocation à s'installer durablement en France ou que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer dans le pays d'origine des parents. Ainsi le préfet de la Haute-Garonne a pu, sans méconnaitre l'intérêt supérieur de l'enfant, prendre la décision d'obligation de quitter le territoire français litigieuse.

13. En dernier lieu, la requérante ne peut pas utilement invoquer les stipulations de l'article 9 de la convention internationale des Nations Unies sur les droits de l'enfant, qui créent seulement des obligations entre Etats.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juin 2019 du préfet de la Haute-Garonne. Il y a lieu de rejeter par voie de conséquence ses conclusions en injonction.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, les sommes que demande Mme A... au titre de ses frais d'instance et de plaidoirie.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... F... épouse A.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme E... G..., présidente-assesseure,

Mme D... B..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2020.

Le rapporteur,

Déborah B...Le président,

Didier ARTUSLe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°20BX01402 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01402
Date de la décision : 30/11/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : COHEN TAPIA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-30;20bx01402 ?
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