La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2020 | FRANCE | N°18BX00076

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 17 novembre 2020, 18BX00076


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Colas Sud-ouest et la société AXA Corporate Solutions Assurance ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner SNCF Réseau à les indemniser des sommes mises à leur charge par la juridiction judiciaire au profit de SNCF Mobilités à la suite d'un accident survenu le 27 septembre 2010 au passage à niveau situé sur le chemin communal de Julias traversant la voie ferrée reliant Auch à Toulouse sur la commune de Gimont.

Par un jugement du 7 novembre 2017, le tribunal administrat

if de Pau a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en conna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Colas Sud-ouest et la société AXA Corporate Solutions Assurance ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner SNCF Réseau à les indemniser des sommes mises à leur charge par la juridiction judiciaire au profit de SNCF Mobilités à la suite d'un accident survenu le 27 septembre 2010 au passage à niveau situé sur le chemin communal de Julias traversant la voie ferrée reliant Auch à Toulouse sur la commune de Gimont.

Par un jugement du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions à fin d'indemnisation des préjudices subis par les passagers du train présentées par la société Axa Corporate Solutions Assurance, et a condamné SNCF Réseau à verser à la société Colas Sud-Ouest, propriétaire du camion percuté par un TER, et à la société Axa Corporate Solutions Assurance la somme de 614 147,29 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2015, avec capitalisation des intérêts échus à la date du 15 juin 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, à la société Colas Sud-ouest une somme de 420 euros et à la société Axa Corporate Solutions Assurance la somme de 4 741,73 euros, et enfin a mis à la charge de SNCF Réseau les frais d'expertise et une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2018, et des mémoires enregistrés les 29 janvier et 6 août 2020, SNCF Réseau, représentée par la SELARL Lexcase, demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 6 du jugement n° 1501289 du 7 novembre 2017 du tribunal administratif de Pau ;

2°) de mettre à la charge de la société Colas Sud Ouest et de la société Axa Corporate Solutions Assurance la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

SNCF Réseau soutient que :

- les premiers juges n'ont pas caractérisé un lien de causalité entre l'entretien du passage à niveau et le dommage subi, et n'ont d'ailleurs pas visé le moyen de défense ainsi soulevé par SNCF Réseau, auquel ils n'ont pas répondu ; le jugement est insuffisamment motivé ;

- l'accident résulte exclusivement du comportement du conducteur du camion de la société Colas Sud Ouest, qui s'est abstenu de vérifier que la voie était libre en regardant par la lunette arrière, compte tenu de la position en biais du camion par rapport au passage à niveau, et qui a traversé trop lentement alors qu'il pouvait éviter la collision en accélérant ; ce comportement est de nature à exonérer totalement SNCF Réseau, et non pas seulement à hauteur de 50 % des conséquences dommageables ; il n'y avait pas lieu pour le tribunal de privilégier le rapport du bureau d'enquête sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT), basé sur les déclarations non crédibles du chauffeur du camion, alors que l'expertise ultérieure a procédé à une reconstitution minutieuse des conditions de l'accident, depuis la cabine d'un camion similaire et non du sol, et en tenant compte de la puissance réelle des projecteurs lumineux du train ; ni la configuration des lieux, de laquelle découlerait un manque de visibilité selon le tribunal, ni l'absence de gardien ou de barrières au niveau du passage à niveau, n'apparaît comme la cause directe, et encore moins déterminante, de l'accident ;

- le tracé en lyre de la voie ne relève pas de la conception du passage à niveau mais de la responsabilité de la commune, qui n'a pas été attraite à la cause ;

- aucun défaut d'entretien ne peut lui être reproché alors que la réglementation en matière de signalisation a parfaitement été respectée, que les conditions de visibilité ont été assurées au-delà même des exigences réglementaires et que ce passage à niveau ne présentait aucun caractère excessivement préoccupant ou dangereux, qui aurait justifié sa suppression immédiate ou la prise de mesures supplémentaires en termes de sécurisation ; le prétendu défaut d'entretien de l'ouvrage concerne en réalité la voirie communale, alors que la responsabilité de la commune de Gimont n'a pas été recherchée ;

- les fautes de la société Colas sont de nature à l'exonérer totalement : le chauffeur a méconnu l'article R. 422-3 du code de la route en s'engageant sur un passage démuni de barrières sans s'être assuré qu'aucun train n'approchait et en traversant à une allure trop lente ; la société, qui avait elle-même procédé à la réfection de la voie, n'a pas sensibilisé son personnel aux caractéristiques de ce passage ; au demeurant, le chantier engagé depuis plusieurs mois peut permettre de présumer que les chauffeurs connaissaient les lieux ; le chauffeur pouvait demander l'aide du camion qui le suivait en convoi pour apprécier la visibilité, ce qu'il n'a pas fait ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en prenant pour référence le préjudice de SNCF Mobilités tel que fixé par la juridiction judiciaire, alors qu'il devait porter sa propre appréciation sur les conséquences dommageables de l'accident ; les demandes indemnitaires des sociétés Colas et AXA sont surévaluées ;

- l'expert a mal calculé l'indemnité pour désorganisation de l'activité ferroviaire par la rame endommagée, qui est prévue sur une base forfaitaire de 60 jours par le " Protocole d'évaluation des dommages consécutifs à des accidents causés par des tiers aux biens ferroviaires " signé le 1er juillet 2005 par SNCF Mobilités avec l'ensemble des assureurs du marché français ; l'indemnité accordée pour location d'une rame de remplacement X73544 pendant 304 jours doit être ramenée, alors que la SNCF a pu remplacer la rame en interne, de 95 164,16 euros à 18 782,40 euros ;

- l'achat d'une rame d'occasion pour remplacer celle qui n'était pas réparable ne pouvait être indemnisé alors que le protocole précité ne prévoit que l'indemnisation de la valeur du matériel endommagé, qui n'a pas été soumise à l'expert alors que SNCF Mobilités avait sollicité une indemnisation conforme aux règles fixées par le Protocole ; au demeurant, la prétendue facture d'achat n'est qu'une attestation de valeur nette comptable, le changement d'affectation du parc TER du Nord Pas de Calais à celui de Midi-Pyrénées n'emportant aucun déboursement de la somme de 981 216 euros, qui doit donc être exclue de l'indemnité ;

- par suite, les dommages subis par SNCF Mobilités, évalués par le tribunal de grande instance (TGI) d'Auch à 1 525 624,30 euros, doivent être ramenés à 468 022,73 euros au maximum, et l'assiette du recours, correspondant à la responsabilité de la société Colas fixée par le TGI à hauteur de 80 % compte tenu par ailleurs du freinage tardif du train, à 374 418,18 euros ;

- le tribunal administratif ayant établi un partage de responsabilité par moitié, il ne pouvait mettre les frais d'expertise et d'investigation entièrement à la charge de SNCF Réseau ;

- c'est également à tort que le tribunal a accueilli une demande de frais d'avocats devant le TGI, sans lien avec le litige soumis à la juridiction administrative ;

- c'est en revanche à bon droit qu'il a déclaré la juridiction administrative incompétente pour connaître des conclusions de la société Axa, laquelle est subrogée dans les droits des passagers du train, qui sont usagers du service public industriel et commercial. Leur préjudice n'est pas en lien direct avec l'état du passage à niveau. L'action relève du juge judiciaire, qui s'est déjà prononcé de manière définitive. Subsidiairement, SNCF Réseau a pourvu à un entretien normal du passage à niveau, et sa responsabilité ne pourrait être retenue qu'à titre résiduel au regard des fautes commises par le chauffeur du camion et le conducteur du train, alors qu'en outre le paiement des indemnités n'est pas justifié, non plus que leur bien-fondé.

Par des mémoires, enregistrés le 4 mai 2018 et le 16 avril 2020, la société Colas sud ouest et la société Axa Corporate Solutions Assurance, représentées par Me D..., concluent au rejet de la requête et par la voie de l'appel incident :

- à la réformation du jugement en tant qu'il a déclaré la juridiction administrative incompétente pour statuer sur les demandes d'Axa au titre du préjudice des passagers du TER et en tant qu'il a retenu une faute d'imprudence du conducteur du camion ;

- à la condamnation de SNCF Réseau à rembourser :

* à la société Axa Corporate Solutions Assurance la somme de 1.228.294,57 euros réglée à la SNCF Mobilités, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la requête et de la capitalisation des intérêts échus depuis un an ;

* à la société Axa Corporate Solutions Assurance la somme totale de 97 785,59 euros au titre de l'indemnisation des passagers du TER, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la requête et de la capitalisation des intérêts échus depuis un an ;

* à la société Colas Sud Ouest la somme de 10.253,31 euros au titre des frais de l'expertise judiciaire ;

* à la société Colas Sud Ouest la somme de 420 euros au titre des frais d'investigations en cours d'expertise ;

* à la société Axa Corporate Solutions Assurance la somme de 4.704,15 euros et la somme de 4.779,30 euros au titre des états de frais de ses avocats ;

* à la société Axa Corporate Solutions Assurance la somme de 40.000 euros en vertu de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les passagers du TER doivent être regardés comme des usagers ou des tiers par rapport au passage à niveau, qui est un ouvrage public, et la SNCF avait d'ailleurs soutenu la compétence de la juridiction administrative à leur égard devant le tribunal judiciaire ; le dommage n'a pas été subi à l'occasion de la prestation de service fournie par la SNCF ;

- le défaut de signalisation est à l'origine de l'accident ; le maire de Gimont avait alerté SNCF Réseau sur la dangerosité du passage, mais aucune décision n'avait été mise en oeuvre, alors que SNCF Réseau, en envisageant un feu intermittent annonçant l'arrivée d'un train, avait admis l'insuffisance de la sécurité ; après l'accident, SNCF Réseau a supprimé le passage à niveau et fait réaliser à ses frais une voie de désenclavement ; l'expert a bien relevé que la décision de SNCF Réseau avait été tardive, ce qui doit être interprété comme pointant une cause secondaire de l'accident ;

- la part de responsabilité de SNCF Réseau doit être fixée à 80 % du dommage, le reste relevant de la SNCF Mobilités ;

- la reconstitution opérée par l'expert n'est pas conforme à la réalité ; la SNCF lui avait caché le rapport du BEA-TT, qui comporte les déclarations du chauffeur du camion, et l'expert n'a pas voulu modifier ses conclusions lorsqu'il en a eu connaissance, alors que les conditions de traversée du passage à niveau ne permettent pas au chauffeur d'un poids lourd de percevoir correctement l'arrivée des trains côté Auch ;

- le chauffeur n'a pas commis de faute en empruntant cet itinéraire, qui était le plus court et autorisé aux poids lourds ; il a marqué le Stop, comme en a attesté le chauffeur du camion qui le suivait dans sa déclaration aux enquêteurs ; il n'avait pas à effectuer des manoeuvres pour se positionner perpendiculairement à la voie pour pallier le manque de visibilité, ni à se contorsionner pour regarder par la lunette arrière du véhicule ; aucune particularité du passage n'était signalée pour l'y inciter ; la lenteur de la traversée s'explique par l'anticipation du virage à 90 degrés qui suit le passage à niveau et le souci de ne pas accrocher le panneau Stop avec l'arrière du camion ; le sifflet du train, au demeurant actionné avec retard, était inaudible dans la cabine et rien n'exigeait une accélération dans la manoeuvre ;

- la société Colas ignorait la dangerosité du passage à niveau, les travaux qu'elle avait effectués se faisant en l'absence de trains ou avec une circulation à vitesse réduite ; c'était la première fois que son chauffeur franchissait le passage à niveau avec son camion ;

- le freinage tardif du conducteur du train a contribué aux dommages ; au demeurant SNCF Réseau ne peut pas invoquer la faute de la SNCF Mobilités, constituant un tiers, pour échapper partiellement à sa responsabilité ;

- si SNCF Réseau estime que la commune est également responsable, il lui appartient de lui demander de la garantir ;

- s'agissant des préjudices matériels, SNCF Réseau n'avait contesté ni pendant l'expertise ni devant le TGI d'Auch les conclusions de l'expert, et sa contestation apparaît ainsi tardive alors que Colas et Axa ont été condamnées conformément au rapport d'expertise, et ont réglé l'intégralité de ces sommes, qui constituent aujourd'hui leur préjudice ;

- au demeurant, les contestations ne sont pas fondées : s'agissant du calcul de l'indemnité d'immobilisation, l'expert a tenu compte de la somme forfaitaire de 313,04 euros mais pour la durée il a écarté de manière motivée les 60 jours de forfait pour retenir 10 mois, tenant compte des frais financiers supportés par la SNCF durant la phase de diagnostic technique tendant à déterminer si la rame endommagée était réparable ; sur l'achat d'une rame de remplacement X73762, il importe peu que la somme de 981.216, 81 euros ait été déboursée par un jeu d'écriture comptable, et non à la suite d'une " facture d'achat ". Cette dépense pour une rame d'occasion a bien été exposée par la SNCF Mobilités à la suite de la collision, pour remplacer la rame détruite ;

- il n'y a pas lieu de faire profiter SNCF Réseau de la compensation opérée par le TGI entre les créances de la SNCF Mobilités et celles de la société Colas ;

- Axa a indemnisé les passagers blessés du TER, d'abord de façon provisionnelle, puis définitivement par transactions après examen médical ; l'assureur a également remboursé les prestations versées aux victimes par les organismes sociaux ; le montant total s'élève à 97.785,59 euros ; le lien de causalité est suffisamment direct, et les quittances sont produites ;

- la société Colas a avancé les frais de l'expertise qui se sont élevés à 10 253,31 euros et a supporté les frais d'investigation pour 420 euros, et Axa a réglé les frais des avocats postulants pour Colas et Axa, mais aussi pour SNCF Mobilités.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu

- le code de la route ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 octobre 2020 :

- le rapport de Mme Girault, président ;

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public

- et les observations de Me E..., représentant SNCF Réseau.

Considérant ce qui suit :

1. Le 27 septembre 2010 vers 8h45, un camion de 32 tonnes chargé de grave émulsionnée appartenant à la société Colas Sud-Ouest (ci-après Colas) se dirigeait vers un chantier d'entretien de la communauté de communes d'Arrats Gimone en empruntant le chemin communal de Julias à Gimont (Gers) qui permet de franchir la voie unique de la ligne Toulouse-Auch sur le passage à niveau n° 76. S'étant engagé sur ce passage, qui est dépourvu de barrières et en dos d'âne du fait de la surélévation de la voie ferrée à cet endroit avec une pente de 10 %, il a été percuté en son milieu par un TER venant d'Auch et se dirigeant vers Toulouse. La voie ferrée a été endommagée, des dégâts importants ont été constatés sur le train qui a en partie déraillé, faisant 10 blessés, et le camion de la société Colas a été détruit et son chauffeur blessé. La société Colas a obtenu du tribunal administratif de Pau la désignation d'un expert, qui a déposé son rapport le 12 avril 2012, afin de rechercher les causes de l'accident et d'établir les préjudices.

2. Le tribunal de grande instance (TGI) d'Auch, saisi par la société SNCF d'une demande indemnitaire contre la société Colas, s'est estimé incompétent, par une ordonnance de mise en état du 15 janvier 2015, pour statuer sur la demande en garantie de celle-ci dirigée contre l'établissement public Réseau ferré de France (RFF), aux droits duquel est venu l'établissement SNCF Réseau, puis la société SNCF Réseau. Par un jugement au fond du 16 mars 2016, devenu définitif, le TGI d'Auch a notamment condamné la société Colas sud-ouest, qu'il a reconnue responsable de l'accident à hauteur de 80 % compte tenu par ailleurs de la responsabilité de SNCF Mobilités du fait d'un freinage tardif par le conducteur du train, à indemniser dans cette mesure " la SNCF " des dommages matériels occasionnés au train et des préjudices économiques subis, pour un montant de 1 220 499,40 euros avec intérêts, outre les prestations d'accident du travail et les cotisations pour le conducteur et le contrôleur du train blessés, et en ordonnant une compensation avec les indemnités dues à la société Colas à hauteur de 38 606,35 euros en raison de la responsabilité partielle de SNCF Mobilités.

3. La société Colas et son assureur Axa Corporate Solutions Assurance (ci-après Axa) avaient entre-temps saisi le 15 juin 2015 le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à la condamnation de SNCF Réseau à les garantir des condamnations qui seraient prononcées par le TGI et à les indemniser de leurs préjudices. Par un jugement du 7 novembre 2017, le tribunal administratif a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions à fin de remboursement des indemnités versées aux passagers du train présentées par la société Axa, puis a estimé que SNCF Réseau était responsable pour moitié des conséquences dommageables de l'accident et l'a condamné à verser à la société Colas Sud Ouest et à la société Axa Corporate Solutions Assurance la somme de 614 147,29 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2015 avec capitalisation au 15 juin 2016 et à chaque échéance ultérieure, au titre des dommages matériels, outre une somme de 4 741,73 euros au bénéfice d'Axa pour ses frais d'avocats devant le TGI et une somme de 420 euros au bénéfice de la société Colas pour la location du camion utile à l'expertise, et a mis à la charge de SNCF Réseau l'intégralité des frais d'expertise. SNCF Réseau relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée, et demande subsidiairement une réduction des sommes mises à sa charge. Par la voie de l'appel incident, la société Colas et la société Axa demandent la réformation du jugement en tant qu'il a déclaré la juridiction administrative incompétente pour statuer sur les demandes d'Axa au titre du préjudice des passagers du TER et en tant qu'il a retenu une faute d'imprudence du conducteur du camion.

Sur la régularité du jugement :

En ce qui concerne la compétence de la juridiction administrative :

4. Le tribunal administratif a rejeté comme présentées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître les demandes de la société AXA, qui n'avaient pas été présentées à la juridiction judiciaire, tendant au remboursement par SNCF Réseau de la somme de 97 785,59 euros au titre des indemnités versées, en vertu de transactions, aux passagers du train et à leurs organismes de prévoyance. Il a retenu " qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître des dommages causés à un usager d'un service public industriel et commercial par une personne participant à l'exécution de ce service et à l'occasion de la fourniture de la prestation due par le service à l'usager " et " qu'en raison des liens existant entre un tel service et ses usagers, lesquels sont des liens de droit privé, les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour connaître de l'action formée par un usager contre les personnes chargées de l'exploitation du service ".

5. A la date de l'accident, Réseau ferré de France, établissement public créé en 1997, aux droits duquel est venu depuis la loi du 4 août 2014 l'établissement public SNCF Réseau, devenu aujourd'hui la société anonyme SNCF Réseau, était déjà propriétaire de l'infrastructure ferroviaire, et la circonstance que la SNCF en assurait pour son compte la maintenance ne permet pas de considérer que les deux personnes étaient responsables du service industriel et commercial de transport ferroviaire dont les passagers du train étaient usagers. Cependant l'accident est survenu à l'occasion de la prestation de transport que les passagers avaient acquise, et l'action de l'assureur de la société Colas, légalement subrogé par le code des assurances dans les droits des victimes qu'il a indemnisées, ne revêt pas le caractère d'une action récursoire poursuivant la réparation d'un préjudice propre, mais d'une action subrogatoire qui peut se voir opposer le régime de l'action que les victimes étaient susceptibles d'intenter. Dès lors que les passagers du train peuvent être regardés comme également usagers, indirectement mais nécessairement, du service public de mise à disposition de l'infrastructure ferroviaire, leur éventuelle action à l'encontre de SNCF Réseau aurait également dû être présentée devant la juridiction judiciaire. Par suite, la société AXA n'est pas fondée à se plaindre que le tribunal a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ses conclusions tendant au remboursement de la somme de 97 785,59 euros au titre des indemnités versées, en vertu de transactions, aux passagers du train et à leurs organismes de prévoyance.

En ce qui concerne la motivation du jugement:

6. Alors même que le jugement ne vise pas un moyen de défense de SNCF Réseau contestant le lien de causalité entre un défaut de signalisation et l'accident, la manière dont les premiers juges ont écarté la faute du chauffeur du camion à s'engager sur le passage, au point 6 du jugement, pour ne retenir que celle résultant d'un défaut d'accélération pour dégager la voie, au point 10, de nature à exonérer partiellement SNCF Réseau de la responsabilité sans encourue, démontre qu'ils l'ont pris en compte et ont estimé que le défaut de signalisation suffisante était bien partiellement à l'origine de l'accident. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation du jugement doit être écarté.

7. La circonstance que le tribunal a examiné, comme il lui appartenait de le faire, l'existence éventuelle d'un cas de force majeure en estimant que la survenance d'un accident entre un véhicule traversant le passage à niveau et un train ne revêtait ni un caractère imprévisible, ni un caractère d'intensité irrésistible, ne caractérise pas, contrairement à ce que soutient SNCF Réseau, la réponse à un moyen de défense qui n'avait pas été soulevé, ce qui au demeurant ne pouvait entacher d'irrégularité le jugement.

Sur la responsabilité :

8. Les dommages causés aux usagers des ouvrages publics peuvent engager la responsabilité du maître de l'ouvrage, lorsqu'ils sont directement imputables à un défaut d'entretien normal de cet ouvrage, lequel inclut notamment la signalisation de ses caractéristiques et de son éventuelle dangerosité. La preuve de cet entretien normal incombe au maître d'ouvrage, qui, pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur lui, doit établir soit qu'il n'y a pas eu de défaut d'entretien, soit l'existence d'une faute de la victime ou d'un événement de force majeure.

9. Il résulte de l'instruction qu'en arrivant de la RD 120, les véhicules rencontrent successivement un panneau de type A8 annonçant un passage à niveau sans barrières, des balises rouges et blanches à 150, 100 et 50 mètres, et enfin après avoir longé la voie ferrée sur 45 mètres environ, un virage à angle droit, où la voie communale, d'une largeur de trois mètres, s'élargit à 5 mètres, aboutissant sur un panneau à croix de St André avec un STOP. Puis ils traversent la voie ferrée sur un passage en léger dos d'âne, et doivent à nouveau virer à angle droit à la sortie du passage à niveau pour longer la voie ferrée de l'autre côté avant d'atteindre le hameau de Junias. Cette configuration de la route en forme de lyre conduit les véhicules de fort gabarit à se présenter de biais sur le passage, compte tenu de la manoeuvre supplémentaire qu'impliquerait un positionnement perpendiculaire à la voie ferrée, ce qui réduit la visibilité sur leur droite. Il ressort des déclarations du chauffeur du camion au bureau d'enquête accident-transports terrestres (ci-après BEA-TT) qu'il a marqué le Stop imposé par le panneau placé au droit du passage, s'est penché sur son volant pour vérifier la voie sur sa droite, puis s'est rassis et a enclenché le dispositif anti-patinage compte tenu du dos d'âne, puis la manoeuvre de traversée à petite vitesse. Pour conclure à sa responsabilité principale dans l'accident, l'expert, qui a procédé le 31 août 2011 à une reconstitution de l'accident avec un camion similaire à celui accidenté, mais avec un chauffeur différent, le conducteur originel ayant été mis à la retraite, a estimé qu'il devait s'assurer de l'arrivée d'un train par la lunette arrière du véhicule, qui donnait une visibilité sur plus de 300 mètres à droite, et qu'une fois engagé perpendiculairement à la voie, ce qui permettait de voir le train arriver, il aurait dû accélérer, ce qui aurait permis de dégager le passage avant l'arrivée du train. Si le tribunal a reconnu la seconde faute, il n'était pas tenu par les conclusions de l'expertise et a estimé que la première n'était pas caractérisée compte tenu d'une part de la configuration particulière des lieux, dont l'expert reconnaît qu'elle exigeait une attention spéciale, et d'autre part de la visibilité difficile à droite et des contorsions inhabituelles nécessaires pour que le chauffeur s'assure de l'absence d'arrivée d'un train venant d'Auch.

10. Il résulte également de l'instruction que la commune de Gimont avait envisagé dès 2007 la suppression de trois des quatre passages à niveaux sur son territoire, ce qui a ultérieurement été fait, et la sécurisation du passage à niveau 76, qui dessert quelques maisons et permet le passage d'engins agricoles, par l'étude de mise en place d'une barrière automatique avec feu. S'il est constant que le chemin de Junias n'est fréquenté que par moins d'une centaine de véhicules par jour, ce qui n'avait pas conduit SNCF Réseau à classer le passage à niveau 76 parmi les 216 passages préoccupants à doter rapidement de barrières de sécurité, il est constant que des travaux de réfection de la voie ferrée avaient permis une augmentation de la vitesse des trains, qui s'approchaient de la limite de 90 km/h applicable à ce type de voie unique, et que les usagers s'étaient plaints de risques pour leur sécurité tant auprès de la commune, qui a réitéré en mars 2009 sa demande auprès de RFF, que de la région. Réseau Ferré de France avait d'ailleurs admis en réponse, par lettre du 29 juillet 2009 au maire, que ce passage à niveau pourrait être l'un des premiers à bénéficier d'un nouveau système de signalisation automatique lumineuse sans barrières sous la forme d'un feu rouge clignotant déclenché par l'arrivée du train, proposant l'installation du dispositif SAL 0 à la fin de l'année 2010 ou au cours de l'année 2011. SNCF Réseau était donc conscient de l'insuffisance du dispositif de protection de ce passage à niveau bien avant l'accident du 27 septembre 2010, et ne peut utilement souligner que la circonstance que le passage à niveau 76 a finalement été fermé en 2013 avec prise en charge des travaux d'aménagement d'une voie de dérivation par SNCF Réseau ne serait pas à elle seule de nature à démontrer un défaut d'entretien normal. La circonstance que les constatations de l'expert aient permis de conclure que les normes applicables aux passages sans barrière étaient en l'occurrence respectées, notamment en ce qui concerne les distances de visibilité compte tenu d'une vitesse des trains entre 40 et 90 km/h, ne dispensait pas Réseau Ferré de France, puis SNCF Réseau d'examiner concrètement les conditions de dangerosité du passage en cause. Ainsi, au regard de la configuration très particulière de la voie routière traversant le passage à niveau et des doutes qui apparaissent ressortir des conclusions comparées de l'enquête du BEA-TT et de la reconstitution de l'accident opérée par l'expert quant à la possibilité effective de visualiser l'arrivée d'un train venant d'Auch à 88 Km/h dans un temps compatible avec la traversée d'un poids lourd depuis l'arrêt au Stop jusqu'au virage à 90 degrés qui suit le passage, SNCF Réseau n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu sa responsabilité pour défaut de signalisation appropriée, lequel est effectivement à l'origine de l'accident et ne saurait être imputé à la commune propriétaire de la voie routière.

11. SNCF Réseau soutient cependant que le lien de causalité entre les conditions de franchissement du passage et l'accident n'est pas établi, et que celui-ci est exclusivement imputable aux fautes du chauffeur du camion, tandis que la société Colas nie toute faute dans le comportement de son employé.

12. Aux termes de l'article R. 422-3 du code de la route: " I. - Lorsqu'une voie ferrée est établie sur une route ou la traverse à niveau, la priorité de passage appartient aux matériels circulant normalement sur cette voie ferrée (...) II. - Aucun conducteur ne doit s'engager sur un passage à niveau si son véhicule risque, du fait de ses caractéristiques techniques ou des conditions de circulation, d'y être immobilisé (...). Lorsqu'un passage à niveau n'est muni ni de barrières, ni de demi-barrières, ni de signal lumineux, aucun usager ne doit s'y engager sans s'être assuré qu'aucun train n'approche. (...) III. - Tout conducteur doit, à l'approche d'un train, dégager immédiatement la voie ferrée de manière à lui livrer passage ". Il résulte du rapport du BEA-TT que les déclarations du chauffeur sur son arrêt au Stop, mentionnées ci-dessus, sont corroborées par celles du chauffeur du camion qui le suivait en convoi, et la circonstance qu'il n'ait pas vu le TER arriver n'établit pas qu'il se serait abstenu de vérifier l'approche éventuelle d'un train sur la voie.

13. SNCF Réseau relève en outre que l'absence d'accélération du chauffeur au milieu du passage, retenue par le tribunal, était à elle seule de nature à entraîner l'accident. Il ressort de la reconstitution opérée par l'expert que le train arrivant à la vitesse de 88 Km /h aurait mis 12,5 secondes pour franchir les 300 mètres séparant le panneau S, lui imposant d'actionner l'avertisseur sonore, du passage à niveau, et que le conducteur a vu le camion sur le passage alors que le train était à hauteur de ce panneau, ce qui démontre que la traversée du camion, finalement percuté en son milieu, a été extrêmement lente. L'expérience en cours d'expertise a permis de démontrer que le franchissement s'exécutait normalement en 8 secondes et qu'une accélération était possible pour le franchir en 6,5 secondes, ce qui aurait été de nature à éviter l'accident, ou à en limiter les conséquences dommageables. Il n'est pas contesté que le chauffeur n'a pas accéléré à l'approche du train, qu'il pouvait parfaitement voir une fois engagé perpendiculairement à la voie ferrée, alors que les lumières du train étaient allumées, même si l'expert a relevé par ailleurs que le sifflet d'alerte actionné à deux reprises par le conducteur du train alors qu'il était déjà très proche était inaudible depuis la cabine du camion. Dans ces conditions, et compte tenu du temps variable mis par le chauffeur initial, puis par le chauffeur engagé pour l'expertise, à redémarrer au Stop, le lien entre le défaut de signalisation appropriée et l'accident doit être regardé comme établi.

14. La circonstance que la société Colas n'ait pas mis en garde ses préposés sur les dangers du passage à niveau litigieux, dont il n'est au demeurant pas démontré qu'elle aurait eu connaissance, ne saurait exonérer SNCF Réseau de sa responsabilité, et Celle-ci ne peut davantage utilement relever la faute du conducteur du train pour retard à enclencher le freinage d'urgence, qui relève du fait de la SNCF Mobilités, tiers au présent litige, laquelle faute a au demeurant déjà été prise en compte par le TGI d'Auch et a permis de limiter à 80 % des dommages le montant des condamnations dont la société Colas et son assureur demandent réparation.

15. Il résulte de ce qui précède que le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant SNCF Réseau à prendre en charge la moitié des conséquences de l'accident litigieux pour les requérantes. Les conclusions de celles-ci tendant à relever cette proportion ne peuvent donc qu'être rejetées également.

Sur les préjudices :

16. L'étendue de la réparation incombant à une personne publique en raison d'un accident dont elle est reconnue responsable ne dépend pas de l'appréciation qu'a pu faire l'autorité judiciaire de l'importance des conséquences dommageables dudit accident à l'occasion d'un litige dans lequel la personne publique n'a pas été partie, mais doit être déterminée par le juge administratif compte tenu des règles afférentes à la responsabilité des personnes publiques. Par suite SNCF Réseau, qui n'était plus partie au litige devant la juridiction judiciaire lors du jugement au fond sur les demandes des sociétés Colas et Axa dès lors que le juge de la mise en état avait déclaré la juridiction judiciaire incompétente à son égard, est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas examiné les différents chefs de préjudice allégués, en se bornant à mettre à sa charge la moitié des sommes que le TGI d'Auch avait condamné la société Colas et la société Axa à verser à la société SNCF Mobilités.

17. SNCF Réseau conteste une partie seulement des coûts retenus par l'expert et le tribunal, en particulier ceux afférents au remplacement des rames endommagées. Il résulte de l'instruction que le TER était constitué de deux rames automotrices couplées, dont la première a été détruite dans des proportions la rendant irréparable, et la seconde a été réparée.

18. En premier lieu, sur la durée d'indemnisation d'une automotrice de remplacement X73544, SNCF Réseau relève que l'expert, et à sa suite le tribunal, a retenu 10 mois alors que le " Protocole d'évaluation des dommages consécutifs à des accidents causés par des tiers aux biens ferroviaires ", signé par la SNCF et des groupements de sociétés d'assurance le 1er juillet 2005, limitait une telle indemnisation à un forfait de 60 jours. S'il est constant que la procédure contradictoire prévue par ledit protocole pour le chiffrage amiable des dommages n'a pas été appliquée, l'expert judiciaire pouvait néanmoins se référer aux modalités d'établissement des préjudices fixées par ledit protocole, ce qu'il a fait en l'espèce. Il a refusé d'entériner le prix de remplacement de 340 126 euros sur un an proposé par SNCF mobilités en remarquant que la durée entre l'expertise de cette rame et la décision de ne pas la réparer, dix mois après, était excessive. Il s'est donc borné à retenir un préjudice lié à " l'annuité au véhicule/jour du protocole ", soit la somme actualisée et non contestée de 313,04 euros par jour, qu'il a calculée pour 10 mois à 95 164,16 euros. Cependant, il ressort du protocole que celui-ci distingue les biens techniquement réparables, pour lesquels l'indemnité pour immobilisation du matériel endommagé est égale au produit du montant de l'indemnité journalière par la durée d'immobilisation, et ceux qui ne sont pas réparés, pour lesquels " l'indemnité pour désorganisation de l'activité ferroviaire " est égale au produit du montant de l'indemnité journalière par une durée de désorganisation qui est forfaitaire par type de matériels. Par suite, et alors même que SNCF Réseau n'avait pas critiqué pendant l'expertise les modalités retenues par l'expert en opérant une confusion entre ces deux cas, cet établissement, qui était défendeur en première instance et peut soulever tout moyen au soutien de ses conclusions d'appel, est recevable et fondé à soutenir que l'indemnité due à ce titre devait être limitée, conformément à l'annexe au protocole détaillant les indemnités par catégorie de matériels, à soixante jours, soit 18 782,40 euros.

19. En deuxième lieu, le remplacement définitif de la même machine a été assuré par une automotrice d'occasion X73762 en provenance de la région Pas de Calais, pour laquelle une attestation du directeur délégué pour cette région a indiqué une valeur nette comptable de 981 216,81 euros. Toutefois, ce seul document n'est pas de nature à justifier le préjudice de la SNCF Mobilités, alors que l'indemnisation des biens matériels techniquement non réparables se fait, selon le point 2.3.1.2.2 du protocole précité, en fonction de leur valeur à la date de l'accident, diminuée du produit des pièces récupérées ou vendues " à ferrailler ", et non du coût de leur remplacement. Si l'expert a bien estimé les pièces récupérables à déduire à 10 000 euros, il a appliqué cette réfaction au coût de remplacement du matériel. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est ni établi ni même allégué que l'automotrice détruite aurait conservé une valeur nette comptable, ce qu'il appartenait à SNCF Mobilités de démontrer lors de l'expertise et devant la juridiction judiciaire, SNCF Réseau est fondé à demander que l'assiette de calcul de l'indemnité mise à sa charge soit réduite de 971 216,81 euros, compte tenu de la déduction des pièces à ferrailler retenue par l'expert.

20. Il résulte de ce qui précède que l'assiette de l'indemnité retenue par l'expert et par le tribunal administratif pour les dommages aux biens matériels doit être ramenée de 1 525 630 euros à 478 031,43 euros, auxquels s'ajoutent les préjudices de la SNCF au titre des prestations et charges supportées en raison des accidents du travail du conducteur et du contrôleur du train pour un montant total de 2 813,17 euros, soit une base totale de 480 844,60 euros. Il n'y pas lieu de déduire la somme accordée par le TGI à la société Colas au titre de la destruction du camion, qui relève d'une simple compensation entre créances réciproques ordonnée par cette juridiction. Le fait d'un tiers n'étant pas exonératoire en matière de dommages de travaux publics, il n'y a pas davantage lieu de déduire 20 % au titre de la part de responsabilité de la SNCF Mobilités, dont le montant de la réparation telle que déterminé par le TGI a au demeurant déjà tenu compte. Par suite, compte tenu du partage de responsabilité entre SNCF Réseau et la société Colas retenu, la somme qui doit être mise à la charge de SNCF Réseau doit être ramenée à la moitié de 480 844,60 euros, soit 240 422,30 euros.

21. En troisième lieu, les frais d'expertise et d'investigation avancés par SNCF Réseau pour les sommes respectives de 10 253,31 euros et 420 euros, et intégralement laissés à sa charge par le jugement, doivent, ainsi qu'elle le soutient, être supportés à parts égales conformément au partage de responsabilité avec la société Colas.

22. En quatrième lieu, SNCF Réseau est également fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement a mis à sa charge les frais d'avocats postulants devant le tribunal de grande instance réglés par Axa, pour un montant, au demeurant inexpliqué, de 4 741,73 euros, lesquels sont sans lien avec le litige devant la juridiction administrative. La société Axa, qui a au demeurant obtenu du TGI une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, n'est donc pas fondée à demander que la somme retenue par le tribunal administratif soit portée à 9 483,44 euros pour couvrir les frais d'avocats postulants, incluant d'ailleurs selon son choix un droit proportionnel au litige, qu'elle a réglé tant au profit de Colas et son assureur qu'au profit de SNCF Mobilités devant le tribunal de grande instance.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

23. C'est à bon droit que le tribunal, qui a reconnu la responsabilité de SNCF Réseau, a mis à sa charge des frais à verser aux requérantes de première instance. Par suite, la société SNCF Réseau n'est pas fondée à demander l'annulation de l'article 6 du jugement.

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société SNCF Réseau, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance d'appel, soit condamnée à verser aux sociétés Colas et Axa les sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de ces dernières une somme de 2 000 euros à verser à SNCF Réseau sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE

Article 1er : La somme que SNCF Réseau a été condamné à verser à la société Colas sud-ouest et à la société Axa Corporate Solutions Assurance par l'article 2 du jugement est ramenée de 614 147,29 euros à 240 422,30 euros.

Article 2 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 10 253,31 euros et les frais d'investigation en cours d'expertise de 420 euros sont mis par moitié à la charge de SNCF Réseau et de la société Colas.

Article 3 : L'article 3 du jugement accordant à Axa une somme de 4 741,73 euros est annulé.

Article 4 : Le surplus du jugement est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Les sociétés Colas et Axa verseront une somme globale de 2 000 euros à SNCF Réseau au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties en première instance et en appel est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme SNCF Réseau, à la société Colas Sud-Ouest et à la société Axa Corporate Solutions Assurance. Copie en sera adressée pour information à M. B..., expert.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme A... C..., présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, conseiller.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.

La présidente assesseure,

Anne C...

Le président- rapporteur,

Catherine GiraultLe greffier,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

No 18BX00076 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00076
Date de la décision : 17/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics - Conception et aménagement de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : SELARL LEXCASE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-17;18bx00076 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award