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16/11/2020 | FRANCE | N°20BX01457

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 16 novembre 2020, 20BX01457


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence.

Par un jugement n° 2000512 du 6 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par u

ne requête et un mémoire enregistrés les 28 avril et 5 juillet 2020, M. A..., représenté par Me C..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence.

Par un jugement n° 2000512 du 6 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 avril et 5 juillet 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du 27 janvier 2020 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne d'enregistrer sa demande d'asile et de lui remettre une attestation de demandeur d'asile en procédure normale dans le délai de

vingt-quatre heures suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard ou, en tout état de cause, de procéder au réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de l'étendue du litige :

- il a été privé de l'exercice des droits inhérents à la procédure Dublin, car la prolongation du délai de transfert n'est pas justifiée par une fuite caractérisée. Le préfet ne précise pas les raisons pour lesquelles M. A... aurait été déclaré en fuite. La déclaration de fuite ne peut être retenue par la cour, de sorte que le délai de transfert de six mois ne peut être considéré comme ayant été prolongé de douze mois supplémentaires.

S'agissant de la décision portant transfert aux autorités italiennes :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé ;

- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant assignation à résidence :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute de perspective raisonnable d'éloignement.

Par un courrier enregistré le 26 mai 2020, accompagné de pièces justificatives, le préfet de la Haute-Garonne a informé la cour que la décision de transfert en litige a fait l'objet d'une décision de prolongation.

M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 16 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du

26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats-membres par un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme D... B... a été entendu au cours de l'audience publique

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sierra-léonais né le 2 avril 1992, déclare être entré irrégulièrement en France le 20 juillet 2019 afin d'y solliciter l'asile. A l'occasion de l'enregistrement de son dossier complet, il a été constaté qu'il avait déposé une demande similaire en Italie le 10 avril 2017. Le 21 août 2019, le préfet de la Haute-Garonne a adressé aux autorités italiennes une demande de reprise en charge de M. A... que les autorités italiennes ont accepté par un accord du 2 septembre 2019. Par deux arrêtés en date du 27 janvier 2020, le préfet de la Haute-Garonne a décidé de son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence. M. A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler ces arrêtés et relève appel du jugement du 6 février 2020 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions en annulation :

2. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".

3. D'une part, il résulte de ces dispositions que lorsque le délai de six mois fixé pour l'exécution de la mesure de transfert a été interrompu par l'introduction d'un recours, il recommence à courir à compter de la décision juridictionnelle qui n'est plus susceptible de faire obstacle à la mise en oeuvre de la procédure de remise. Quel que soit le sens de la décision rendue par le premier juge, ce délai court à compter de la notification du jugement à l'administration qui, l'appel étant dépourvu de caractère suspensif, rend à nouveau la mesure de transfert susceptible d'exécution.

4. D'autre part, le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié. S'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit, en principe, autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'article L. 742-3 de ce code prévoit que l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat puisse faire l'objet d'un transfert vers l'Etat qui est responsable de cet examen en application des dispositions du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Ce transfert peut avoir lieu pendant une période de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge, susceptible d'être portée à douze ou dix-huit mois dans les conditions prévues à l'article 29 de ce règlement si l'intéressé " prend la fuite ", cette notion devant s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant.

5. Il ressort des pièces du dossier que le délai initial de six mois dont disposait le préfet de la Haute-Garonne pour procéder à l'exécution de sa décision de transférer M. A... vers l'Italie a été interrompu par la saisine du magistrat désigné par le président du tribunal administratif. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement rendu le 6 février 2020, soit le 19 février 2020.

6. Il ressort des pièces du dossier et notamment des indications apportées dans le cadre de l'instruction par le préfet de la Haute-Garonne que ce dernier a déclaré M. A... en fuite et indique avoir informé les autorités italiennes d'un report du délai de transfert de l'intéressé jusqu'au 6 août 2021. Toutefois, M. A... conteste s'être trouvé en fuite au sens du 2 de l'article 29 précité du règlement n° 604/2013 et le préfet n'apporte aucun élément permettant de caractériser la situation de fuite de l'intéressé. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet de la Haute-Garonne l'a déclaré en fuite et a prolongé le délai d'exécution de la décision de transfert jusqu'au 6 août 2021.

7. Il résulte de ce qui précède que le délai d'exécution de la décision de transfert auprès des autorités italiennes expirait au 19 août 2019. Ainsi, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. A... à la date du

19 août 2019. A cette date, la décision de transfert est devenue caduque et ne pouvait plus être légalement exécutée. Cette caducité étant intervenue postérieurement à l'introduction de l'appel, le litige relatif à la légalité des mesures administratives attaquées doit, en l'espèce, être regardé dans son ensemble comme n'ayant plus d'objet. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... aux fins d'annulation, et d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande M. A... au titre de ses frais d'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par M. A....

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme F... G..., présidente-assesseure,

Mme D... B..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 novembre 2020.

Le rapporteur,

Déborah B...Le président,

Didier ARTUSLe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01457


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01457
Date de la décision : 16/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Séjour des étrangers - Restrictions apportées au séjour - Assignation à résidence.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-16;20bx01457 ?
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