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16/11/2020 | FRANCE | N°19BX04708

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 16 novembre 2020, 19BX04708


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de l'arrêté du 3 décembre 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1901215 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2019, M. D......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de l'arrêté du 3 décembre 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1901215 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 juin 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un certificat de résidence mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre principal, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai en lui délivrant une attestation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1997 et L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve que son conseil renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- les juges de première instance ont commis une erreur de droit en écartant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il remplissait les conditions de cet article ;

- les juges de première instance ont commis une erreur de droit en écartant le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par le préfet concernant le prononcé et la durée de l'interdiction de retour ;

- la décision lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il renvoie à ses écritures en première instance.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... D..., ressortissant algérien né le 6 mars 1977, est entré en France le 25 janvier 2011 au moyen de son passeport revêtu d'un visa de court séjour. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 25 mai 2011. Il a ensuite obtenu un certificat de résidence algérien sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, régulièrement renouvelé jusqu'au 17 juillet 2015. Par une demande reçue en préfecture le 22 juin 2015, il en a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 18 septembre 2015, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de renouvellement de certificat de résidence, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Les recours juridictionnels formés à l'encontre de cet arrêté ont été rejetés. Le 30 juin 2017, M. D... a sollicité à nouveau la délivrance d'une carte de résidence sur le fondement de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 3 décembre 2018, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. D... a sollicité l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par une requête enregistrée le 29 novembre 2019, M. D... relève appel du jugement n° 1901215 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 décembre 2018.

En ce qui concerne la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".

3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège des médecins mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Il appartient au juge, pour contrôler si l'administration a correctement apprécié les possibilités d'accès effectif aux soins en Algérie, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments du dossier. Lorsque le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que les soins nécessaires étaient disponibles dans ce pays, il appartient à l'étranger d'apporter tous éléments probants de nature à contredire cette affirmation.

4. Il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui s'est prononcé sur sa situation a estimé, par un avis rendu le 24 mai 2018, que si l'état de santé de M. D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soin et aux caractéristiques du système de santé algérien. M. D... soutient être suivi pour un stress post-traumatique traité par olanzapine, levomepromazine, duloxetine, zopiclone et alprazolam. Il soutient que ni le zopiclone ni l'alprazolam qui lui sont prescrits ne bénéficient d'une autorisation de mise sur le marché algérien. Le préfet de la Gironde, qui renvoie à ses écritures présentées en première instance, soutient que le zopiclone est fréquemment remplacé par le zolpidem et que l'alprazolam peut être remplacé par le diazepam ou le prazepam présents dans la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques à usage de la médecine humaine au 1er juillet 2018. Si le diazepam et le prazepam figurent dans l'extrait de cette nomenclature produit en première instance par le préfet, tel n'est pas le cas du zolpidem. Il ressort toutefois de l'arrêté du 6 mars 2008, produit par M. D..., qu'il figure dans la liste des médicaments remboursables par les organismes de sécurité sociale algérienne arrêtée au 31 décembre 2007. M. D... produit des certificats médicaux indiquant, en des termes généraux, que les traitements qui lui sont indispensables ne sont pas disponibles en Algérie. Le certificat établi le 13 janvier 2019 par le docteur Louis Hayat, psychiâtre au sein de l'établissement public de santé de Ouaguenou, indique que " la plupart de ses médicaments ne sont pas disponibles en Algérie, pour cela le patient doit donc pouvoir bénéficier de la poursuite thérapeutique pour éviter tout risque de rechute suite à des substitutions médicales insuffisantes ou inefficaces ". Toutefois, ce certificat, au demeurant postérieur à la décision en litige, rédigé en des termes peu circonstanciés, ne permet pas d'établir que le zopiclone et l'alprazolam ne seraient pas substituables. Si M. D... soutient que le zopiclone, l'alprazolam et le duloxetine ne figurent pas dans la liste des médicaments remboursables par la sécurité sociale algérienne fixée par arrêtés des 6 mars 2008 et 10 janvier 2016, il ne démontre pas que, compte tenu de ses ressources financières, il ne pourrait avoir accès aux soins dont il a besoin en Algérie. Ainsi, M. D... n'apporte pas d'éléments suffisants pour remettre en cause l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien précité.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retourner sur le territoire français :

5. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes du huitième alinéa du même III dudit article : " (...) le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Gironde s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé se maintient en France en infraction à la mesure d'éloignement du 18 septembre 2015 et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de 34 ans. M. D... se limite à faire valoir qu'il n'a jamais représenté une menace pour l'ordre public et qu'il résidait, à la date de l'arrêté en litige, depuis huit ans en France et à soutenir qu'il n'a pas exécuté la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet le 18 septembre 2015 car son état de santé s'était dégradé. Dans ces conditions, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige est entaché d'une erreur d'appréciation et que c'est à tort que les juges de première instance ont écarté le moyen tiré de cette erreur.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code

de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

M. B... A..., président,

Mme E... G..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 novembre 2020.

La présidente-assesseure,

Fabienne G...

Le président-rapporteur,

Didier A...

Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°19BX04708 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04708
Date de la décision : 16/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Didier ARTUS
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : PERRIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-16;19bx04708 ?
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