La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/11/2020 | FRANCE | N°18BX00760

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 16 novembre 2020, 18BX00760


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner La Poste à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation des préjudices causés par ses fautes.

Par un jugement n° 1403988 du 18 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 février 2018 et 6 octobre 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tri

bunal administratif de Toulouse du 18 décembre 2017 ;

2°) de condamner La Poste à lui verser la somme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner La Poste à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation des préjudices causés par ses fautes.

Par un jugement n° 1403988 du 18 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 février 2018 et 6 octobre 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 décembre 2017 ;

2°) de condamner La Poste à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation des préjudices causés par ses fautes ;

3°) de de mettre à la charge de La Poste la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier pour viser un mémoire de La Poste qui ne lui a pas été communiqué, pour omission à statuer et pour insuffisance de motivation ;

- La Poste a commis une faute en procédant à un signalement, sur la base de l'article 40 du code de procédure pénale, calomnieux et non fondé, sans examen préalable et qui a conduit à un classement sans suite par le parquet d'Albi ;

- La Poste a commis également une faute en ne lui accordant aucune évolution de carrière malgré ses demandes, ses réussites aux examens et sa demande de VAE ; il a fait l'objet d'une discrimination syndicale ;

- il a subi un harcèlement moral de La Poste qui l'a dénigré auprès des agents et tenté de dissuader ceux-ci d'avoir recours à son assistance ;

- le refus de lui accorder la protection fonctionnelle est illégal et le comportement de La Poste à son égard peut être assimilé à une sanction déguisée ;

- il a subi un préjudice moral et des souffrances psychologiques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2020, La Poste, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- sa demande était irrecevable car l'action en responsabilité était prescrite en application de l'article 2224 du code civil ;

- aucun des moyens n'est fondé.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de demandes tendant à la réparation d'éventuelles conséquences dommageables de l'acte par lequel une autorité administrative, un officier public ou un fonctionnaire avise, en application des dispositions de 1' article 40 du code de procédure pénale, le procureur de la République.

Des observations pour M. A... en réponse à ce moyen d'ordre public ont été enregistrées le 8 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2010-997 du 26 août 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... F...,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté par La Poste en 1983, titularisé puis reclassifié dans le grade de cadre de second niveau en 1993. Il a été détaché permanent au sein du syndicat CGT du Tarn en 2000. Estimant que La Poste avait commis différentes fautes à son encontre, M. A... a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant à la condamnation de son employeur à réparer le préjudice moral qu'il a subi. M. A... relève appel du jugement du 18 décembre 2017 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que La Poste a produit un 3ème mémoire en défense enregistré au tribunal administratif de Toulouse le 29 novembre 2017. Ce mémoire ne contenait aucun élément nouveau sur lequel les premiers juges se seraient fondés pour rendre leur jugement. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en s'abstenant de lui communiquer ce mémoire les premiers juges auraient méconnu le principe du contradictoire.

4. En second lieu, M. A... soutient, sans plus de précision, que le tribunal administratif de Toulouse n'aurait pas pris en compte l'ensemble de ses moyens et aurait répondu à des moyens non soulevés. Toutefois, en s'abstenant d'indiquer quels sont les moyens concernés, le requérant ne met pas le juge en mesure d'apprécier la portée et le bien-fondé de ce moyen.

5. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement, qui est suffisamment motivé, serait irrégulier.

Sur la responsabilité de La Poste :

En ce qui concerne la faute de La Poste pour avoir procédé à un signalement, sur la base de l'article 40 du code de procédure pénale :

6. Aux termes de l'article 40 du code de procédure pénale : " (...) Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ".

7. Sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber à l'Etat ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative. En revanche, celle-ci ne saurait connaître de demandes tendant à la réparation d'éventuelles conséquences dommageables de l'acte par lequel une autorité administrative, un officier public ou un fonctionnaire avise, en application des dispositions précitées de l'article 40 du code de procédure pénale, le procureur de la République, dès lors que l'appréciation de cet avis n'est pas dissociable de celle que peut porter l'autorité judiciaire sur l'acte de poursuite ultérieur.

8. M. A... demande l'indemnisation de préjudices qu'il aurait subis du fait des conséquences dommageables qui résulteraient de faits délictueux non établis à l'origine de la saisine du procureur de la République sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale. Il résulte de ce qui a été rappelé au point 7 qu'il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de connaître d'une telle demande.

En ce qui concerne la discrimination syndicale :

9. Aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 : " (...) Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions (...) syndicales (...) ".

10. Il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

11. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont jugé pertinemment les juges de première instance, que M. A... a bénéficié d'avancements d'échelon, de changements d'indice réguliers, d'augmentations de salaire et de primes annuelles conformes à ce qui était attribué aux agents de La Poste dans des fonctions équivalentes. Il a en outre fait l'objet d'une proposition de réintégration sur un poste de niveau supérieur à celui qu'il détenait lors de son détachement en tant que permanent syndical, en qualité de responsable de gestion ressources humaines groupe A, La Poste lui indiquant, par lettre du 5 octobre 2009, reconnaitre ses compétences et ses qualités managériales. Par ailleurs, si La Poste a refusé de prendre en charge sa demande de validation des acquis de l'expérience (VAE), il résulte de l'instruction que ce refus était motivé par la circonstance que ce cursus n'était pas prioritaire et que le budget ne permettait pas sa prise en compte. Enfin en se bornant à indiquer qu'il a obtenu à trois reprises une note éliminatoire aux oraux des concours internes auxquels il s'est présenté, il ne démontre pas la volonté de ses supérieurs de faire obstacle à toute promotion en sa faveur. En conséquence, M. A... n'est pas fondé à soutenir que La Poste aurait commis une faute en faisant obstruction à l'évolution normale de sa carrière du fait de son appartenance syndicale.

En ce qui concerne le harcèlement moral :

12. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les discriminations alléguées ou les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

13. M. A... fait valoir qu'il a été victime d'un harcèlement moral de la part de son employeur en bloquant sa carrière, en le diffamant et en le dénigrant auprès des agents de La Poste. Toutefois, les attestations qu'il produit, rédigées en des termes stéréotypés et répétitifs, ne traduisent pas une volonté caractérisée de la direction de La Poste de le dénigrer et ne dépassent pas le cadre des oppositions et tensions qui peuvent naître entre les syndicats et les directions des établissements. En outre et ainsi qu'il a été dit au point 10 M. A... n'a pas fait l'objet de discrimination syndicale. S'il évoque la circonstance qu'il a fait l'objet d'un signalement auprès du procureur de la République qui a conduit à un classement sans suite, il résulte de l'instruction que l'information erronée donnée par des agents de La Poste sur le comportement de M. A... a été transmise au procureur de la République par un agent des services fiscaux et non par La Poste. Enfin, si M. A... a déposé une plainte avec constitution de partie civile, à raison de faits de dénonciation calomnieuse commise par son employeur à la suite de ce signalement, une ordonnance de non-lieu a été rendue par le juge d'instruction au motif notamment de l'absence d'élément intentionnel caractérisant l'infraction signalée. Par suite, les faits allégués par M. A... ne suffisent pas à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral du requérant ni d'une volonté de lui nuire personnellement. Dans ces conditions, M. A... n'apporte pas d'éléments suffisamment probants pour permettre de regarder comme au moins plausible le harcèlement moral dont il se prétend victime de la part de La Poste.

En ce qui concerne le refus de lui accorder la protection fonctionnelle :

14. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, dans sa version applicable au litige : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions (...) d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire (...) dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle. ".

15. Il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a déjà été dit, que M. A... aurait fait l'objet d'agissements constitutifs de harcèlement moral, ni de discrimination syndicale ni davantage de sanction déguisée, ni surtout qu'il aurait sollicité le bénéfice de la protection prévue par les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 précité.

16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception de prescription opposée en défense, que La Poste n'ayant pas commis les fautes invoquées, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de La Poste à l'indemniser des préjudices en résultant.

Sur les frais liés à l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de La Poste au titre des frais non compris dans les dépens dès lors qu'elle n'est pas dans la présente instance la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... la somme que La Poste demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de La Poste au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à La Poste.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme C... F..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 novembre 2020.

La rapporteure,

Fabienne F... Le président,

Didier ARTUS Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 18BX00760


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP HERALD, ANCIENNEMENT GRANRUT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 16/11/2020
Date de l'import : 28/11/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18BX00760
Numéro NOR : CETATEXT000042531905 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-16;18bx00760 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award