Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Les Bateaux Toulousains a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté préfectoral du 28 août 2014 portant règlement particulier de police de la navigation intérieure sur les plans d'eau de la Garonne ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 30 octobre 2014.
Par un jugement n° 1501106 du 5 avril 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 juin 2018 et 26 novembre 2019, la SARL Garonne venue aux droits de la SARL Les Bateaux Toulousains, et la SARL Les Bons Tuyaux et Services, représentées par Me B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 avril 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 28 août 2014 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 30 octobre 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros à chacune des sociétés appelantes, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la direction départementale des territoires n'a pas transmis au préfet de la Haute-Garonne l'ensemble des débats ni transcrit dans ses comptes rendus la totalité des remarques faites par les usagers professionnels lors des réunions de concertation préparatoires ; le ministère de la transition écologique et solidaire, chargé des transports sous couvert du préfet, a été induit en erreur par les rapport tronqués de la DDT, en méconnaissance de l'article 2.3.1.2 de la circulaire du 1er août 2013 ;
- le travail de concertation n'a pas été effectué dans le respect des conditions posées par l'article 2.3.3 de la circulaire du 1er août 2013 en ce que les instances syndicales du comité des armateurs fluviaux ou de la Chambre nationale de la batellerie artisanale n'ont pas été invitées aux premières réunions de concertation alors que la circulaire les cite nommément en qualité de sachant à consulter pour améliorer les nouveaux règlements particuliers de police ; certaines propositions et remarques des participants à la consultation n'ont pas été retenues dans la version finale de règlement particulier de police de navigation intérieure ;
- l'information concernant les tirants d'air et d'eau à l'étiage et aux plus hautes zones navigables (PHEN) fait défaut dans le RPP, en méconnaissance du règlement général de police de la navigation interne (RGPNI) ;
- l'arrêté méconnait le principe d'égalité au regard de la différence de traitement instaurée entre d'une part les embarcations destinées à la pratique encadrée de l'aviron, du canoë-kayak et autres sports assimilables, pour lesquels la navigation est interdite à une côte de 1,40 mètre et d'autre part, les autres usagers de la voie d'eau, pour lesquels la navigation est interdite à une côte de 1 mètre à l'échelle du Pont Neuf ; les risques des embâcles à Saint-Pierre est considéré par la préfecture comme un danger sans toutefois préciser quelle serait la quantité et la dimension des dites " embâcles dangereuses " ; il n'y a aucune information sur le mouillage et la hauteur libre, ni de signalisation réglementaire ; aucun avis à la batellerie concernant les crues n'a jamais été pris par la direction départementale des territoires alors que le RGPN le prévoit ;
- l'administration ne justifie pas le choix de la vitesse du courant par rapport à la berge aux PHEN de 1 m est d'environ 3,5 km/h à Toulouse alors que sur tous les autres cours d'eau de Midi-Pyrénées, de France ou d'Europe, cette vitesse aux plus hautes eaux navigables atteint entre 8 et 15 km/h ; la limitation de la vitesse à 8 km/h instaurée pour les embarcations à moteur sur le plan d'eau n° 2 dit du " bras inférieur " devrait s'appliquer à tous les usagers ;
- l'arrêté méconnait les dispositions du paragraphe 1 de l'article 6 de l'arrêté fixant les restrictions et les interdictions à la navigation en ce que les mesures de l'écluse Saint-Michel sont erronées et que l'interdiction de passage de l'écluse au-delà de la cote de 1 mètre à l'échelle du Pont-Neuf aurait dû être émise uniquement de façon temporaire par voie d'avis à la batellerie ; l'administration applique via le RPPNI, une restriction abusive des conditions de navigation au détriment des bateaux professionnels contraire aux pratiques et usages de la navigation.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 octobre 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Garonne et la SARL Les Bons Tuyaux et Services ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- les observations de M. A..., gérant de la société Les Bons Tuyaux et Services.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 28 août 2014, le préfet de la Haute-Garonne a adopté le règlement particulier de police de la navigation intérieure sur les plans d'eau de la Garonne dans la traversée de Toulouse. La SARL Garonne, venue aux droits de la SARL Les Bateaux Toulousains, et la SARL Les Bons Tuyaux et Services relèvent appel du jugement du 5 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision implicite du rejet du recours gracieux formé le 30 avril 2014.
Sur la légalité de l'arrêté du 28 août 2014 :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Il ressort des pièces du dossier que préalablement à l'intervention de l'arrêté contesté, trois ateliers, relatifs à la navigation, au partage des usages et à la signalisation, ont été organisés avec des élus ainsi que des représentants des services du Grand Toulouse, des services techniques compétents et des usagers et qu'une nouvelle réunion de synthèse de ces différents ateliers a été organisée le 26 juillet 2013. Il ressort également des pièces du dossier que la direction départementale des territoires a transmis au préfet de la Haute-Garonne les procès-verbaux des réunions de ces ateliers de concertation. Si les appelantes font valoir que les services de la direction départementale des territoires n'ont pas transcrit dans les comptes rendus la totalité des remarques faites par les professionnels lors des réunions de concertation, elles n'apportent aucune précision quant aux observations ou propositions qui auraient été omises et qui auraient été de nature à modifier l'appréciation de l'autorité compétente. Par ailleurs, la circonstance que certaines propositions n'auraient pas été reprises dans le règlement particulier de police n'entache pas d'irrégularité la procédure de concertation. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, le comité des armateurs fluviaux et la chambre nationale de la batellerie artisanale ont été invités à participer à la concertation. Dans ces conditions, et en tout état de cause, les dispositions de la circulaire du 1er août 2013 relative à la mise en oeuvre du règlement général de police de la navigation intérieure et des règlements particuliers de police pris pour son application, qui prévoient l'organisation d'une consultation associant tous les principaux acteurs intéressés, n'ont pas été méconnues. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a écarté les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure de concertation.
En ce qui concerne la légalité interne :
3. Aux termes de l'article R. 4241-9 du code des transports : " Le conducteur veille à ce que la longueur, la largeur, le tirant d'air et le tirant d'eau de son bateau soient compatibles avec les caractéristiques des eaux intérieures et des ouvrages d'art, notamment la longueur, la largeur, le mouillage et la hauteur libre. / Sauf dispositions prévues par les règlements particuliers de police ou autorisation délivrée en application de l'article R. 4241-35, la hauteur maximale des superstructures des bateaux, accessoires et équipements inclus, au-dessus du plan d'enfoncement du bateau à vide, ne peut dépasser quinze mètres. / Les règlements particuliers de police peuvent également fixer, sur certaines sections d'eau intérieure, les dimensions que les bateaux ne doivent pas excéder, chargement compris ". Aux termes de l'article R. 4241-25 du code des transports : " Le conducteur d'un bateau renforce les amarres de son bateau en périodes de glaces ou de crues. / La glace est brisée autour de la flottaison par le conducteur ou sous sa responsabilité. / Les règlements particuliers de police fixent, le cas échéant, les conditions dans lesquelles la navigation est restreinte ou interdite pendant ces périodes ".
4. Si les sociétés appelantes soutiennent que l'absence de mention dans le règlement particulier de police des informations relatives aux tirants d'air et d'eau à l'étiage et aux plus hautes eaux navigables est contraire au règlement général de police de la navigation intérieure, elles n'apportent pas de précisions suffisantes mettant la cour à même d'apprécier le bien-fondé de ce moyen. Au demeurant, conformément à l'article R. 4241-9 du code des transports, le règlement particulier de police détermine, en son article 6, les dimensions que les bateaux ne doivent pas excéder afin de passer certains ouvrages. En outre, l'article 2 du règlement édicte, ainsi que le prévoit l'article R. 4241-25 précité, les restrictions et interdictions à la navigation et fixe notamment la cote des plus hautes eaux navigables à l'échelle du Pont-Neuf. Ainsi, le moyen tiré du caractère incomplet des informations contenues dans le règlement particulier de police de la navigation doit être écarté.
5. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que soit réglées de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il soit dérogé à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier. Compte tenu de la situation différente dans laquelle se trouvent les embarcations destinées à la pratique encadrée de l'aviron, du canoë-kayak et autres sports assimilables, qui peuvent facilement quitter le plan d'eau en cas de crue sans passer par l'écluse Saint-Pierre, et les autres embarcations de gros gabarit, qui sont contraintes de passer par cette écluse, le règlement particulier de police de la navigation n'a pas, en prévoyant une interdiction de navigation à une côte de 1,40 mètre à l'échelle du Pont-Neuf pour les menues embarcations et de 1 mètre pour les autres usagers de la voie d'eau, introduit entre les différents usagers une différence de traitement disproportionnée au regard de la différence de situation qui existe entre eux. Par suite, le moyen tiré de la violation du principe d'égalité doit être écarté.
6. Les moyens invoqués à l'appui des conclusions tendant à l'annulation du règlement particulier de police de la navigation intérieure tirés du manque d'information sur le mouillage et la hauteur libre, de l'absence de signalisation règlementaire et du défaut d'avis à la batellerie concernant les crues ne sont pas assortis de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
7. Les sociétés appelantes se bornent à faire valoir que l'administration ne justifie pas la cote de 1 mètre à l'échelle du Pont-Neuf. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'eu égard à la différence de débit et de vitesse du courant au pont Saint-Pierre entre une hauteur de 1 mètre et de 1,40 mètre au Pont-Neuf, le risque que des embâcles viennent bloquer le mécanisme de fermeture de l'écluse de Saint-Pierre, seule brèche existante dans le système d'endiguement de la ville de Toulouse, explique l'interdiction de navigation pour une hauteur d'eau supérieure à 1 mètre à l'échelle du Pont-Neuf prévue par l'article 2 du règlement particulier de police.
8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de l'atelier de concertation du 5 décembre 2012 relatif au partage des usages, que l'option de privilégier les usages sportifs et de loisirs sur le plan d'eau n° 2 dit du " bras inférieur " entre le pont Saint-Michel et l'embarcadère du stadium a été retenue. Au regard de l'intérêt général qui s'attache à garantir la sécurité de ces menues embarcations, la différence de traitement consistant à limiter à 8 km/h la vitesse des seules embarcations à moteur sur cette section d'eau n'apparait pas disproportionnée au regard des risques de collision susceptibles de causer des dommages corporels et matériels graves. Au surplus, la limitation de cette vitesse est justifiée par la protection des berges du plan d'eau contre les phénomènes d'érosion, causés par l'effet de succion généré par les remous des bateaux ayant un fort tirant d'eau. La circonstance que les limitations de vitesse seraient moins importantes sur d'autres secteurs navigables des départements voisins n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par l'autorité compétente sur les risques liés à une vitesse supérieure à 8 km/h sur le secteur dont il s'agit qui ne présente pas les mêmes caractéristiques. Dans ces conditions, en limitant la vitesse des embarcations à moteur à 8 km/h sur le plan d'eau n° 2 dit du " bras inférieur ", le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
9. Si les sociétés appelantes font valoir que les dimensions de l'écluse de Saint-Michel, soit une longueur utile de 29,70 mètres et une largeur utile de 6 mètres, fixées au paragraphe 1 de l'article 6 du règlement attaqué, sont erronées, la seule production d'un constat d'huissier dressé le 2 juillet 2014 ne suffit pas à remettre en cause les mesures effectuées par un ingénieur spécialiste des ouvrages hydromécaniques contenues dans le rapport d'étude rendu le 25 septembre 2006 et modifié le 22 décembre 2006. Contrairement au constat d'huissier produit par les appelantes, les dimensions inscrites dans le règlement particulier de police tiennent compte de l'espace nécessaire pour la giration des portes de l'écluse et pour la commodité des opérations d'amarrage et de manoeuvre des bateaux. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait dont serait entaché l'article 6 du règlement attaqué quant aux dimensions de l'écluse Saint-Michel doit être écarté.
10. Aux termes de l'article A. 4241-26 du code des transports : " 1. Les mesures temporaires édictées par le préfet en application de l'article A. 4241-26, et celles édictées par le gestionnaire en application du décret n° 2012-1556 du 28 décembre 2012 déterminant la liste des mesures temporaires d'interruption ou de modification des conditions de la navigation pouvant être prises par le gestionnaire de la voie d'eau, pris en application de l'article L. 4241-3, sont diffusées par voie d'avis à la batellerie (...) ".
11. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, le préfet de la Haute-Garonne pouvait légalement, en application des dispositions de l'article R. 4241-25 du code des transports citées au point 3, édicter des restrictions et interdictions à la navigation en période de crue au sein du règlement particulier de police. La circonstance que des mesures temporaires d'interruption ou de modification puissent être prises par le gestionnaire de la voie d'eau et diffusées par voie d'avis à la batellerie ne fait pas obstacle à ce que le règlement particulier de police puisse déterminer, en son article 6, les modalités de franchissement de l'écluse Saint-Pierre. Enfin, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les interdictions édictées pour le passage des écluses puissent être regardées comme étant abusives ou contraires aux " pratiques et usages de la navigation ".
12. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Garonne et la SARL Les Bons Tuyaux et Services ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 août 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a adopté le règlement particulier de police de la navigation intérieure sur les plans d'eau de la Garonne dans la traversée de Toulouse.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande les sociétés appelantes au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Garonne et la SARL Les Bons Tuyaux et Services est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Garonne et la SARL Les Bons Tuyaux et Services et à la ministre de la transition écologique.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.
Le rapporteur,
C...Le président,
Marianne Hardy
Le greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 18BX02193 2