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10/11/2020 | FRANCE | N°18BX03352

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 10 novembre 2020, 18BX03352


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL DISCO a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 29 février 2012 et des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1601175 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 3 et 27 septembre 201

8 et le 31 juillet 2019, la SARL DISCO, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL DISCO a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 29 février 2012 et des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1601175 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 3 et 27 septembre 2018 et le 31 juillet 2019, la SARL DISCO, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601175 du 26 juin 2018 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 29 février 2012 et des intérêts de retard correspondants pour un montant total de 308 762 euros ;

3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que les marchandises vendues dans des pays de l'union européenne et hors union sont exonérées de TVA au titre des livraisons intracommunautaires ; c'est à tort que le tribunal a considéré que les documents justificatifs n'établissaient pas le caractère effectif de la livraison des marchandises hors de France alors qu'il cite l'avis de la commission départementale précisant que l'administration ne conteste pas que toutes les livraisons ont été effectuées hors de France ; elle justifie par les pièces qu'elle produit que les livraisons hors de France sont effectives, de la réalité des flux physiques entre les différents intervenants et du paiement effectif du produit par le client final à la société Disco.

Par des mémoires en défense enregistrés le 1er avril 2019 et 3 septembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 août 2020 la clôture d'instruction a été fixée au 10 septembre 2020 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... D...,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant de la SARL DISCO.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL DISCO, qui a pour activité le commerce de gros de bouteilles, capsules et bouchons pour vins et spiritueux, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2009 au 29 février 2012 à l'issue de laquelle l'administration lui notifié, selon la procédure contradictoire, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 29 février 2012. Elle relève appel du jugement en date du 26 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a refusé de lui accorder la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée.

Sur le bien-fondé :

En ce qui concerne les livraisons intracommunautaires :

2. Aux termes de l'article 258 du code général des impôts : " I- Le lieu de livraison de biens meubles corporels est réputé se situer en France lorsque le bien se trouve en France ; a) Au moment de l'expédition ou du transport par le vendeur, par l'acquéreur, ou pour leur compte, à destination de l'acquéreur ; b) Lors du montage ou de l'installation par le vendeur ou pour son compte ; c) Lors de la mise à disposition de l'acquéreur; en l'absence d'expédition ou de transport (...) ". L'article 262 ter du code général des impôts dispose que : " I. Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des livraisons intracommunautaires de biens est notamment subordonnée à la condition, d'une part, que l'acquéreur desdits biens soit assujetti à cette taxe ou ait la qualité de personne morale non assujettie et ne bénéficiant pas dans l'Etat membre dans lequel elle est établie d'un régime dérogatoire l'autorisant à ne pas soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée ses acquisitions intracommunautaires et, d'autre part, que le bien ait été expédié ou transporté hors de France par le vendeur, par l'acquéreur ou par un tiers pour leur compte, à destination d'un autre Etat membre. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération. S'agissant de la réalité de la livraison d'une marchandise sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, pour l'application des dispositions précitées de l'article 262 ter du code général des impôts, seul le redevable de la taxe sur la valeur ajouté est en mesure de produire les documents afférents au transport de la marchandise, lorsqu'il l'a lui-même assuré, ou tout document de nature à justifier la livraison effective de la marchandise, lorsque le transport a été assuré par l'acquéreur.

3. La SARL DISCO soutient que les factures adressées à la société Accelerated Brands AS, domiciliée à Oslo en Norvège et ne disposant à l'époque pas de numéro intracommunautaire, pour un montant de 215 564,72 euros ont été régulièrement exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'elles sont afférentes à des livraisons intracommunautaires. Il résulte de l'instruction que la SARL DISCO a facturé la fourniture des matières dites " sèches " nécessaires à la fabrication des bouteilles de cognac distribuées sous la marque Soerlie par la société Accelarated Brands AS, constituées des bouteilles en verre, de la sérigraphie de ces bouteilles, des bouchons et de leur sérigraphie, des caisses de transport et des cornières. Ces produits sont livrés à la société ELS, située en France, laquelle procède à la mise en bouteille du cognac et qui est, également, sous-entrepositaire pour le compte de la société Pages Vedrenne qui assure pour sa part la fourniture du liquide et son expédition au client final, en l'espèce, les sociétés Gebr. Heinemann (Allemagne) ou Systembolaget AB (Suède) et, de manière marginale, en dehors de l'Union européenne, à la société VSD Logistic AS (Norvège).

4. Il résulte de l'instruction que les documents produits par la société requérante comportent des différences tant entre les prix mentionnés sur les bons de commandes et ceux figurant sur les factures, que sur les quantités, exprimées en palette sur la facture et en nombre de bouteilles sur les autres documents et qu'ils ne permettent donc pas d'établir une corrélation directe entre les exportations réalisées et les produits facturés. Par suite, ainsi que l'a estimé à juste titre le tribunal administratif, la SARL DISCO n'établit pas le caractère effectif de la livraison hors de France des marchandises facturées et ne peut donc bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par les dispositions précitées de l'article 262 ter du code général des impôts.

En ce qui concerne les livraisons extracommunautaires :

5. L'article 262 du code général des impôts, dans sa version applicable, dispose que : " I. Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° les livraisons de biens expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte, en dehors de la Communauté européenne ainsi que les prestations de services directement liées à l'exportation ; 2° les livraisons de biens expédiés ou transportés par l'acheteur qui n'est pas établi en France, ou pour son compte, hors de la Communauté européenne (...) ". L'article 74 de l'annexe III au même code prévoit que : " 1. Les livraisons réalisées par les assujettis et portant sur des objets ou marchandises exportés sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée à condition : c. que l'assujetti exportateur établisse pour chaque envoi une déclaration d'exportation, conforme au modèle donné par l'administration et détienne à l'appui de sa comptabilité ou du registre prévu au a l'exemplaire numéro 3 de la déclaration d'exportation visé par l'autorité douanière compétente, conformément au code des douanes communautaires et ses dispositions d'application. (...) Toutefois, lorsque la sortie du territoire communautaire effectuée à partir de la France est réalisée par l'entremise d'un intermédiaire agissant au nom et pour le compte d'autrui désigné comme expéditeur des biens sur la déclaration d'exportation, ou lorsque des opérateurs interviennent dans une livraison commune de marchandises à l'exportation, ou en cas de groupage, les assujettis exportateurs qui ne figurent pas dans la rubrique exportateur de la déclaration en douane mettent à l'appui de leur comptabilité ou du registre prévu au a un exemplaire de leurs factures visées par la personne habilitée ou autorisée à déclarer en douane et annotées des références permettant d'identifier la déclaration en douane correspondante. (...) d. que, dans les cas où l'assujetti exportateur ne produit pas les justificatifs prévus au c et, à l'exclusion des opérations mentionnées aux quatrième à huitième alinéas du I de l'article 262 du code général des impôts, il mette à l'appui de sa comptabilité ou du registre mentionné au a l'un des éléments de preuve alternatifs ci-après, pour justifier de la sortie des biens expédiés vers un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne, un territoire mentionné au 1° de l'article 256-0 du code général des impôts ou un département d'outre-mer : 4° les documents mentionnés à l'article 302 M du code général des impôts, émis sur support papier ou transmis par voie électronique dans le cadre du système d'informatisation du suivi des mouvements de produits soumis à accises visés par le bureau des douanes du point de sortie de la Communauté ou de tout autre élément de preuve alternatif accepté par l'administration chargée de la surveillance des mouvements de produits soumis à accises... ". Il résulte de la combinaison des textes qui précèdent que la SARL DISCO ne pouvait se prévaloir de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 262 du code général des impôts à raison des exportations qu'elle soutenait avoir réalisées au cours de la période en litige au profit de clients établis en dehors de la Communauté européenne qu'à la condition d'établir la réalité des opérations d'exportation par la production des pièces justificatives mentionnées ci-dessus et de la déclaration d'exportation des biens dûment visée par le service des douanes.

6. Il résulte de l'instruction que la SARL DISCO a facturé, en exonération de TVA, la fourniture de bouteilles de verre nu sérigraphiées à la société Voli Spirtis LLC située aux Etats-Unis, pour un montant total de 436 977,67 euros. Elle soutient que ces bouteilles ont ensuite été livrées à la SARL Maison Roullet-Fransac, négociant en spiritueux, domiciliée en France, afin d'être remplies avec de la vodka et exportées aux Etats-Unis. L'administration a remis en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée de ces transactions aux motifs de l'absence de présentation pour chaque lot de bouteilles des factures visées par le service des douanes, conformément à l'article 74 de l'annexe III au code général des impôts, et de l'absence d'élément établissant l'exportation des bouteilles facturées.

7. S'il n'est pas contesté que des bouteilles de vodka ont été exportées hors de l'Union européenne par la SARL Maison Roullet-Fransac, il résulte de l'instruction que la SARL DISCO, qui ne produit pas les déclarations d'exportation dûment visées par le service des douanes conformément à l'article 74 précité de l'annexe III au code général des impôts, n'établit pas, ainsi que l'a estimé à juste titre le tribunal administratif, en l'absence de correspondance de date, de prix et de marchandise entre les factures en litige, les factures établies par la SARL Maison Roullet-Fransac et les documents administratifs d'accompagnement, la réalité de l'exportation des bouteilles facturées à la société Voli Spirtis LLC. Elle ne peut donc bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par les dispositions précitées de l'article 262 du code général des impôts. La circonstance invoquée par la requérante que ces bouteilles de vodka ne pourraient être commercialisées au sein de l'Union européenne est sur ce point indifférente dès lors qu'elle ne constitue pas un élément suffisant pour démontrer la réalité de l'exportation de ces marchandises.

8. Il résulte de ce qui précède que la SARL DISCO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doivent dès lors être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL DISCO est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL DISCO et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée du contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme B... A..., présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. E... D..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 novembre 2020.

Le rapporteur,

Stéphane D... La présidente,

Evelyne A...Le greffier,

Sylvie Hayet La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 18BX03352


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03352
Date de la décision : 10/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SELARL JURICA

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-10;18bx03352 ?
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