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05/11/2020 | FRANCE | N°18BX02074

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 05 novembre 2020, 18BX02074


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Matthiessen Engineering a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler le contrat conclu entre la société Hartner et le syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères (SICTOM) de Champagne Berrichonne pour la fourniture et l'installation de deux trémies doseuses ouvre-sacs pour l'alimentation de deux chaînes de tri de déchets recyclables du centre de tri du SICTOM de Champagne Berrichonne situé à Issoudun, d'autre part, de condamner le SICTOM

de Champagne Berrichonne à lui verser, à titre principal, une somme de 48 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Matthiessen Engineering a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler le contrat conclu entre la société Hartner et le syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères (SICTOM) de Champagne Berrichonne pour la fourniture et l'installation de deux trémies doseuses ouvre-sacs pour l'alimentation de deux chaînes de tri de déchets recyclables du centre de tri du SICTOM de Champagne Berrichonne situé à Issoudun, d'autre part, de condamner le SICTOM de Champagne Berrichonne à lui verser, à titre principal, une somme de 48 696,69 euros au titre de son manque à gagner, et à titre subsidiaire une somme de 10 008 euros au titre des frais de présentation de son offre, et enfin, de mettre à la charge du SICTOM de Champagne Berrichonne une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1501203 du 22 mars 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 mai 2018 et 31 janvier 2020, la SARL Matthiessen Engineering et Me B..., liquidateur judiciaire de cette société, représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 mai 2018 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler le contrat conclu entre la société Hartner et le SICTOM de Champagne Berrichonne pour la fourniture et l'installation de deux trémies doseuses ouvre-sacs pour l'alimentation de deux chaînes de tri de déchets recyclables du centre de tri du SICTOM de Champagne Berrichonne situé à Issoudun ;

3°) de condamner le SICTOM de Champagne Berrichonne à payer à Me B..., liquidateur de la SARL Matthiessen Engineering la somme de 48 696, 68 euros au titre de son manque à gagner et la somme de 10 008 euros au titre de ses frais de présentation de son offre ;

4°) de condamner le SICTOM de Champagne Berrichonne au paiement des intérêts au taux légal à compter de la requête introductive d'instance du 13 juillet 2015, ainsi que les intérêts capitalisés ;

5°) de mettre à la charge du SICTOM de Champagne Berrichonne une somme de 5 000 euros à verser à Me B..., liquidateur judiciaire de la SARL Matthiessen Engineering en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'appel est recevable car il ressort de la jurisprudence judiciaire que le dirigeant d'une société demeure compétent pour la représenter en dépit du jugement d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire jusqu'au jugement de clôture de la liquidation judiciaire et que seul peut exciper de l'irrecevabilité du dirigeant, le liquidateur de la société ;

- la demande de première instance n'était pas tardive ;

- les premiers juges ont à juste titre estimé que la procédure suivie était irrégulière, dès lors que le choix de la valeur technique en fonction du volume de chargement n'était explicité dans aucun document de consultation ;

- ils ont à juste titre estimé que la procédure était irrégulière, dès lors que le SICTOM de Champagne Berrichonne s'était fondé au cours de l'analyse des offres du marché litigieux sur deux sous-critères non prévus dans les documents de consultation pour apprécier la valeur technique des offres ;

- toutefois, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le marché ayant été entièrement exécuté depuis deux ans à la date du jugement, il serait porté une atteinte excessive à l'intérêt général, s'ils annulaient ce marché ;

- compte tenu des manquements commis par le pouvoir adjudicateur, l'annulation de ce marché n'est pas de nature à porter une atteinte excessive à l'intérêt général ;

- la société Hartner n'étant que la dénomination commerciale de la société Eggersman, qui n'est pas un fabricant mais un revendeur, cette société n'a donc pas fabriqué les trémies doseuses, ce qui a été de nature à vicier le consentement du pouvoir adjudicateur ;

- par ailleurs, l'offre de la société Hartner aurait dû être éliminée car elle n'avait plus d'existence légale lorsqu'elle a présenté son offre. C'est la société Eggersmann qui a son existence légale au siège de cette société ;

- s'agissant de ses conclusions indemnitaires, son éviction du marché a été directement causée par les irrégularités commises ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle n'aurait pas eu une note supérieure sur le critère de la valeur technique ;

- elle n'était pas dépourvue de toute chance de remporter le marché et avait même des chances sérieuses de l'obtenir. Elle devait obtenir la note globale de 38/40 et la société Hartner dont l'offre était irrégulière, aurait dû obtenir la note de 34, 67 ;

- elle est donc fondée à demander la somme de 48 696, 68 euros au titre de son manque à gagner et la somme de 10 008 euros au titre de ses frais de présentation de son offre.

Par un mémoire enregistré le 3 juillet 2018, le SICTOM de Champagne Berrichonne, représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de Me B... en sa qualité de liquidateur de la SARL Matthiessen Engineering ;

2°) de mettre à la charge de la SARL Matthiessen Engineering et de Me B... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la SARL Matthiessen Engineering et Me B... ne sont pas recevables à faire appel contre le jugement attaqué dès lors que Me B... n'est intervenu à aucun moment devant le tribunal administratif pour reprendre l'instance à la suite du jugement prononçant la liquidation judiciaire de la SARL Matthiessen Engineering du 6 décembre 2017 ;

- la demande de première instance présentée par la SARL Matthiessen Engineering tendant à l'annulation du marché en litige était tardive, car elle a été présentée plus de deux mois après l'accomplissement des mesures de publicité ;

- les moyens sont inopérants car sans rapport direct avec l'intérêt lésé et les manquements ne sont pas d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office ;

- la circonstance que les critères relatifs au délai et au service après-vente aient été modifiés par rapport au règlement de consultation n'a pas préjudicié à ses intérêts et ne présente pas le caractère de gravité requise ;

- s'agissant du critère valeur technique, l'analyse des offres prend en compte les impératifs demandés aux termes de l'article 6 du CCTP et le classement opéré selon ces impératifs et suivant les données fournies aux candidats. Le classement ne pourra qu'être confirmé ;

- l'offre de la SARL Matthiessen Engineering n'a pas été écartée de façon irrégulière ;

- le non-respect du règlement de consultation n'a pas lésé ses intérêts, mais l'a au contraire favorisée tant au regard du délai d'exécution que des modalités de garantie ;

- si l'irrégularité dans la conclusion du contrat était admise, le contrat a été exécuté et la résiliation du contrat porterait une atteinte manifestement excessive à l'intérêt général ;

- s'agissant de ses conclusions indemnitaires, la société Matthiessen Engineering ne prouve pas son manque à gagner, ni le lien de causalité avec l'irrégularité alléguée.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

-le code du commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A... ;

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;

- les observations de Me E..., représentant la SARL Matthiessen Engineering et Me B... et les observations de Me G..., représentant le SICTOM de Champagne Berrichonne.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères (SICTOM) de Champagne Berrichonne a, le 16 septembre 2014, publié un avis public d'appel à la concurrence pour la conclusion d'un marché public concernant la fourniture et l'installation de deux trémies doseuses ouvre-sacs pour l'alimentation de deux chaînes de tri de déchets recyclables pour le centre de tri situé à Issoudun (Indre). La date limite de réception des offres a été fixée au 20 octobre 2014. La commission d'analyse des offres s'est réunie le 21 octobre 2014 et a analysé les quatre offres qui avaient été adressées. Par un courrier du 19 novembre 2014, notifié le 24 novembre 2014, la SARL Matthiessen Engineering a été informée du rejet de son offre et de ce que le marché public avait été attribué à la SARL Hartner Engineering France. Par une décision du 29 novembre 2014, le SICTOM de Champagne Berrichonne a notifié à la SARL Hartner Engineering France l'attribution de ce marché. Estimant avoir été irrégulièrement évincée, la SARL Matthiessen Engineering a demandé au tribunal administratif de Limoges l'annulation du marché conclu entre le SICTOM de Champagne Berrichonne et la SARL Hartner Engineering France et la condamnation du SICTOM de Champagne Berrichonne à lui verser une somme globale de 48 696,68 euros au titre de son manque à gagner. Par un jugement du 22 mars 2018, dont la SARL Matthiessen Engineering relève appel, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d'une demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution du contrat. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini. Toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l'Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l'excès de pouvoir jusqu'à la conclusion du contrat, date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet.

3. Le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini. Les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office.

4. Saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation du marché en litige

5. Aux termes de l'article 28 du code des marchés publics alors en vigueur : " I. -Lorsque leur valeur estimée est inférieure aux seuils de procédure formalisée définis à l'article 26, les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés selon une procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat. / Le pouvoir adjudicateur peut négocier avec les candidats ayant présenté une offre. Cette négociation peut porter sur tous les éléments de l'offre, notamment sur le prix./ Pour la détermination de ces modalités, le pouvoir adjudicateur peut s'inspirer des procédures formalisées, sans pour autant que les marchés en cause soient alors soumis aux règles formelles qu'elles comportent. En revanche, s'il se réfère expressément à l'une de ces procédures formalisées, le pouvoir adjudicateur est tenu de l'appliquer dans son intégralité./ Quel que soit son choix, le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des opérateurs économiques plus de renseignements ou de documents que ceux prévus pour les procédures formalisées par les articles 45, 46 et 48 (...) ". L'article 53 du code des marchés publics alors en vigueur disposait que " I.- Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : / 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; / 2° Soit, compte tenu de l'objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix. / II.- Pour les marchés passés selon une procédure formalisée autre que le concours et lorsque plusieurs critères sont prévus, le pouvoir adjudicateur précise leur pondération./ Le poids de chaque critère peut être exprimé par une fourchette dont l'écart maximal est approprié./ Le pouvoir adjudicateur qui estime pouvoir démontrer que la pondération n'est pas possible notamment du fait de la complexité du marché, indique les critères par ordre décroissant d'importance./ Les critères ainsi que leur pondération ou leur hiérarchisation sont indiqués dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation (...) ". Les dispositions précitées de l'article 53 du code des marchés publics imposent au pouvoir adjudicateur d'informer les candidats des critères de sélection des offres ainsi que de leur pondération ou hiérarchisation. Si le pouvoir adjudicateur décide, pour mettre en oeuvre ces critères de sélection des offres, de faire usage de sous-critères également pondérés ou hiérarchisés, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. Le pouvoir adjudicateur n'est en revanche pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation des offres.

6. Il résulte de l'instruction, notamment de l'avis d'appel public à concurrence que le marché de fournitures portant sur l'acquisition et l'installation de deux trémies doseuses avec ouvre-sacs, devait être passé selon la procédure adaptée et attribué selon les critères de l'offre économiquement la plus avantageuse appréciée selon les critères énoncés dans le cahier des charges (règlement de consultation, lettre d'invitation ou document descriptif). Le règlement de consultation du marché en litige indiquait, dans son article 4.2, que le jugement des offres serait effectué selon quatre critères différents pondérés : le prix, la valeur technique, le délai global d'exécution et les modalités de garantie. Le critère du prix serait apprécié à hauteur de 40 %, celui de la valeur technique à hauteur de 40 %, celui du délai global d'exécution à hauteur de 15 % et celui du critère des modalités de garantie serait apprécié à hauteur de 5 %. Par ailleurs, l'article 4.3.1 du règlement de la consultation détaillait les modalités d'évaluation des critères. Le critère du prix serait jugé sur la base du montant total en euros (équipement + ou - reprise) figurant à l'acte d'engagement et selon une formule de notation développée dans l'article 4.3.1. L'article 4.3.2 du règlement de la consultation précisait que le critère de valeur technique devait être " évalué à partir des éléments du mémoire technique à remettre par le candidat ". Aux termes de l'article 4.3.3 du règlement, le critère du délai global d'exécution ne devait pas excéder seize semaines et être jugé sur la base du délai figurant dans l'acte d'engagement selon une formule de notation définie dans le même article et ce critère devait être apprécié selon deux sous-critères, le délai global pour 75 % et le délai d'immobilisation de l'usine pour 25 %. Enfin, l'article 4.3.4 du règlement de consultation indiquait que la valeur, sur 5 points, serait évaluée " à partir des éléments du mémoire technique à remettre par le candidat ".

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'analyse des offres, comme l'a relevé le tribunal administratif, que le critère du délai global d'exécution, au lieu d'être apprécié à hauteur de 15 % comme l'article 4. 2 du règlement de la consultation le prévoit, a été apprécié à hauteur de 10 %. Le rapport d'analyse des offres fait également apparaître que le critère relatif aux modalités de garantie, au lieu d'être apprécié à hauteur de 5 %, a été apprécié à hauteur de 10 %. Toutefois, s'agissant du délai global d'exécution, la SARL Matthiessen Engineering a obtenu la note de 6 et la SARL Hartner Engineering France la note de 9. Il s'ensuit qu'ainsi que l'a jugé le tribunal, la circonstance que ce critère ait été évalué à hauteur de 10 % au lieu de 15 % prévu dans le règlement de consultation a favorisé la société requérante dans l'attribution de sa note finale. De même, s'agissant du critère relatif aux modalités de garantie, évalué à hauteur de 10 % au lieu de 5 %, la SARL Matthiessen Engineering a obtenu une note de 8 comme la SARL Hartner Engineering France. Par suite, la méconnaissance des critères imposés par le règlement de la consultation n'a pas défavorisé la SARL Matthiessen Engineering dans l'attribution de sa note finale. Dès lors, ces irrégularités sont sans rapport direct avec l'éviction du marché de la SARL Matthiessen Engineering. Ils ne revêtent pas davantage un caractère de gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Par suite, la SARL Matthiessen Engineering, représentée par Me B..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a estimé qu'elle ne pouvait utilement invoquer ces irrégularités à l'appui de ses conclusions en annulation du marché en litige et de ses conclusions indemnitaires.

8. En second lieu, l'article 4.3.2 du règlement de consultation précise que le critère de la valeur technique était apprécié " à partir des éléments du mémoire technique à remettre par le candidat ". L'article 6 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) stipule : " Les trémies devront avoir une capacité minimum de 20m3. Elles devront avoir un débit d'au moins de 3T/h. Les candidats fourniront au titre de leur offre une fiche technique détaillée et tous les plans et croquis nécessaires à la bonne appréhension du matériel utilisé ". Il résulte de l'instruction, notamment de l'analyse technique des offres que l'évaluation de la valeur technique s'est faite en fonction du volume de chargement défini par une formule mathématique et du débit, également défini par une formule mathématique. Toutefois, le pouvoir adjudicateur s'est borné à mettre en oeuvre ces deux sous-critères de notation en fonction d'éléments figurant dans le CCTP qui avaient été portés à la connaissance des candidats. Par suite, cette circonstance a été sans incidence sur l'appréciation des offres contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Limoges. Le SICTOM de Champagne Berrichonne est fondé dès lors, à soutenir que le marché litigieux n'a pas été passé en méconnaissance des dispositions de l'article 53 du code des marchés publics.

9. En troisième lieu, aux termes du I de l'article 52 du code des marchés publics : " Avant de procéder à l'examen des candidatures, le pouvoir adjudicateur qui constate que des pièces dont la production était réclamée sont absentes ou incomplètes peut demander à tous les candidats concernés de compléter leur dossier de candidature dans un délai identique pour tous et qui ne saurait être supérieur à dix jours. Il peut demander aux candidats n'ayant pas justifié de la capacité juridique leur permettant de déposer leur candidature de régulariser leur dossier dans les mêmes conditions. Il en informe les autres candidats qui ont la possibilité de compléter leur candidature dans le même délai. / Les candidats qui ne peuvent soumissionner à un marché en application des dispositions de l'article 43 (...) ne sont pas admis à participer à la suite de la procédure de passation du marché. / Les candidatures qui n'ont pas été écartées en application des dispositions de l'alinéa précédent sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l'avis d'appel public à la concurrence, ou, s'il s'agit d'une procédure dispensée de l'envoi d'un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées. Aux termes de l'article L. 237-2 du code du commerce : " (...) La dissolution d'une société ne produit ses effets à l'égard des tiers qu'à compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce et des sociétés ".

10. Si la SARL Matthiessen Engineering soutient que la candidature de la société Hartner Engineering France aurait dû être éliminée au motif qu'elle n'avait plus d'existence juridique lorsqu'elle a candidaté, il résulte toutefois des dispositions précitées du code du commerce que la dissolution d'une société est opposable aux tiers à compter de sa publication au registre du commerce et des sociétés. Par suite, la radiation pouvant être rétroactive au regard de sa publication, la seule circonstance invoquée par la société appelante que la société Hartmann ait été radiée du registre du commerce et des sociétés à compter du 22 septembre 2014, alors que la réception des offres était fixée jusqu'au 20 octobre 2014, ne permet pas d'établir que cette société avait fait l'objet d'une radiation publiée à cette date.

11. Enfin, si la SARL Matthiessen Engineering soutient que le marché a en réalité été attribué à une autre société, la société Eggersmann, qui n'a pas la qualité de fabricant des trémies mais de revendeur et que cette circonstance aurait eu pour effet de vicier le consentement du SICTOM de Champagne Berrichonne, elle n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de ces allégations.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par le SICTOM de Champagne Berrichonne, que la SARL Matthiessen Engineering représentée par Me B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du marché litigieux et ses conclusions indemnitaires.

Sur les frais d'instance

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du SICTOM de Champagne Berrichonne, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demandent la SARL Matthiessen Engineering et Me B... au titre de leurs frais d'instance. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de mettre à la charge de la SARL Matthiessen Engineering et de Me B... la somme que demande le SICTOM de Champagne Berrichonne au titre de ses frais d'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Matthiessen Engineering et de Me B... et les conclusions du SICTOM de Champagne Berrichonne, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Matthiessen Engineering, à Me C... B..., à la SARL Hartner Engeneering France et au SICTOM de Champagne Berrichonne.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme F... H..., présidente-assesseure,

Mme D... A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2020.

Le rapporteur,

Déborah A...Le président,

Didier ARTUSLe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02074


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02074
Date de la décision : 05/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SELARL Jean Philippe DEVEVEY

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-05;18bx02074 ?
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