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03/11/2020 | FRANCE | N°19BX04896,19BX04898

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 03 novembre 2020, 19BX04896,19BX04898


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... E... épouse I... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, par une requête enregistrée sous le n° 1902947, d'annuler l'arrêté du 6 mai 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de renvoi.

M. A... I... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, par une requête enregistrée sous le n° 1902948, d'annuler l'arrêté du 6 mai 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne

lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... E... épouse I... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, par une requête enregistrée sous le n° 1902947, d'annuler l'arrêté du 6 mai 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de renvoi.

M. A... I... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, par une requête enregistrée sous le n° 1902948, d'annuler l'arrêté du 6 mai 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de renvoi.

Par des jugements nos 1902947 et 1902948 du 10 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ces requêtes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 26 décembre 2019 sous le n° 19BX04896, Mme E... épouse I..., représentée par Me K..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902947 du tribunal administratif de Toulouse du 10 juillet 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 mai 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé un pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, à titre principal, de l'admettre au séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, " ainsi que les entiers dépens ".

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation dès lors, notamment, qu'elle ne vise pas l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, notamment de l'intérêt supérieur de ses enfants ;

- elle méconnaît l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet s'est estimé à tort lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle eu égard notamment aux risques qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation à cet égard ;

- elle méconnaît également le premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'un défaut de motivation en fait ;

- elle est dépourvue de base légale compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu des risques auxquels elle serait exposée en cas de retour dans son pays d'origine, dès lors que son mari a été victime de racket de la part du groupe lié à Al Qaida dénommé TTP Pakistan (les Talibans du Pakistan), qui aurait incendié son commerce.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... épouse I... ne sont pas fondés.

Mme E... épouse I... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 novembre 2019.

II. Par une requête, enregistrée le 26 décembre 2019 sous le n° 19BX04898, M. I..., représenté par Me K..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902948 du tribunal administratif de Toulouse du 10 juillet 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 mai 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé un pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, à titre principal, de l'admettre au séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, " ainsi que les entiers dépens ".

Il présente les mêmes moyens que son épouse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. I... ne sont pas fondés.

M. I... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme G... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme I..., ressortissants pakistanais, sont entrés sur le territoire français le 4 février 2017 accompagnés de leurs quatre enfants. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 octobre 2017, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 17 mai 2018. Par deux arrêtés du 6 mai 2019, le préfet de la Haute-Garonne leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Par deux requêtes aux moyens identiques, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. et Mme I... relèvent appel des jugements du 10 juillet 2019 par lesquels le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

2. Les décisions attaquées visent notamment l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionnent que les requérants ne disposent pas de liens personnels et familiaux en France anciens, intenses et stables, que leurs enfants mineurs n'ont pas la nationalité française, qu'il n'est pas porté à leur situation personnelle et familiale une atteinte disproportionnée et qu'il n'existe pas d'obstacle à ce qu'ils quittent le territoire français. Ces décisions sont, par suite, suffisamment motivées, nonobstant l'absence de visa de la convention internationale des droits de l'enfant.

3. Cette motivation révèle qu'il a été procédé à un examen particulier de la situation des requérants et de leurs enfants.

4. Les requérants reprennent en appel le moyen qu'ils avaient invoqué en première instance tiré de ce que les décisions d'éloignement dont ils ont fait l'objet méconnaissent l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet s'est estimé, à tort, lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ayant rejeté leur demande d'asile. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif retenu par le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme I... sont entrés en France au mois de février 2017 avec leurs quatre enfants nés respectivement en 2000, 2001, 2004 et 2007, désormais tous scolarisés, et que leur fils aîné, qui était en deuxième année de CAP d'électricien, fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. Ils ne se prévalent d'aucune attache familiale en France ni n'établissent l'impossibilité de reconstituer leur cellule familiale ailleurs qu'en France. Compte tenu de la durée assez brève et des conditions de séjour en France des requérants, qui ne disposent ni de ressources ni d'un logement propre, et quand bien même ils bénéficient de parrainages républicains, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris les arrêtés attaqués. Il n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché les décisions attaquées d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants.

7. M. et Mme I... ne sauraient utilement se prévaloir des risques qu'ils encourent en cas de retour dans leur pays d'origine au soutien des conclusions qu'ils présentent tendant à l'annulation des décisions les obligeant à quitter le territoire français, qui n'ont ni pour objet ni pour effet de les contraindre à retourner au Pakistan.

8. Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. Si M. et Mme I... établissent que leurs trois enfants mineurs sont scolarisés en France, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient continuer de l'être ailleurs que sur le territoire français. Dans ces conditions, les décisions litigieuses n'ayant ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de leurs parents, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :

10. Les décisions attaquées mentionnent que les requérants n'établissent pas être exposés à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le pays dont ils sont ressortissants. Elles sont, dans ces conditions, suffisamment motivées contrairement à ce que soutiennent les requérants.

11. Les moyens dirigés contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français ayant été précédemment écartés, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le pays de renvoi seraient dépourvues de base légale.

12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) ".

13. M. et Mme I... se bornent à reprendre en appel, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui leur ont été opposés par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à bon droit, par le premier juge.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme I... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 6 mai 2019. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles relatives aux dépens, au demeurant inexistants, et tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme I... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E... épouse I..., à M. A... I... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme J... H..., présidente,

Mme B... D..., présidente-assesseure,

Mme C... G..., conseillère.

Lu en audience publique, le 3 novembre 2020.

La rapporteure,

Kolia G...

La présidente,

Catherine H...

Le greffier,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 19BX04896 ; 19BX04898


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04896,19BX04898
Date de la décision : 03/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-03;19bx04896.19bx04898 ?
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