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03/11/2020 | FRANCE | N°18BX02885

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 03 novembre 2020, 18BX02885


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ADS Investissement a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à raison des opérations immobilières réalisées entre 2010 et 2012 ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondants et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1601433 du 29 mai 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demand

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Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 jui...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ADS Investissement a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à raison des opérations immobilières réalisées entre 2010 et 2012 ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondants et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1601433 du 29 mai 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 juillet 2018 et 8 mars 2019, la société ADS Investissement, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 29 mai 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondants ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité dès lors que, d'une part, la proposition de rectification est insuffisamment motivée en l'absence d'individualisation des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) par lots et immeubles concernés, que cette motivation est erronée et contradictoire, et que d'autre part, elle a été privée d'un débat oral et contradictoire sur la question de la production d'un immeuble neuf au sens de l'article 257-1-2 du code général des impôts ;

- en application de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales, elle doit être déchargée de la totalité des impositions en litige ;

- l'imposition n'est pas fondée ; les cessions ont été imposées à tort à la TVA en l'absence de production d'immeuble neuf ;

- il y avait lieu de tenir compte de la rectification des actes notariés erronés ;

- l'imposition est dépourvue de base légale dès lors que la qualification des opérations de rénovation en production d'immeuble neuf ne pouvait se fonder sur le 7° de l'article 257 du code général des impôts, abrogé par la loi n°2010-237 du 9 mars 2010, les travaux de rénovation et les ventes étant postérieures à cette date ; le tribunal ne pouvait en conséquence faire application de ces mêmes dispositions ;

- le tribunal ne pouvait se fonder sur les dispositions des articles 257-I-2 du code général des impôts (CGI) et 245 A de l'annexe II du CGI pour rejeter sa demande alors que l'examen des conditions posées par ces dispositions avait permis à l'administration de conclure à l'absence de réalisation d'un immeuble neuf ;

- la vente en l'état futur d'achèvement, qui constitue un mode particulier de cession et du paiement du prix, ne préjuge en rien de la qualification d'immeuble neuf ou rénové d'un bien revendu.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 février 2019 et 2 mars 2020, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie et des finances, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 mars 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société ADS Investissement qui exerce une activité de marchands de biens, a acquis en décembre 2008 et avril 2010 deux ensembles immobiliers qu'elle a rénovés et revendus en lots entre le 25 août 2010 et le 16 novembre 2011. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er octobre 2010 au 30 novembre 2012 étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée à la période du 1er janvier 2012 au 31 janvier 2013, à l'issue de laquelle, par proposition de rectification datée du 25 avril 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis d'une majoration de 40 % ainsi que d'intérêts de retard, lui ont été notifiés, pour un montant total de 73 146 euros et mis en recouvrement le 12 novembre 2013. Après l'admission partielle, par décision du 5 novembre 2014 de sa réclamation préalable, la société a sollicité du tribunal administratif de Poitiers la décharge des rappels maintenus à sa charge. La société ADS Investissement relève appel du jugement du 29 mai 2018 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la fin de non-recevoir opposé par le ministre :

2. Aux termes de l'article R. 200-2, alinéa 2 du livre des procédures fiscales : " Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration ".

3. Il résulte de l'instruction que dans sa réclamation du 24 décembre 2013, la société requérante a limité sa demande en décharge aux seuls rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs aux cessions des lots de l'immeuble du 10 Rempart de l'Est pour un montant de 67 387 euros. L'administration fiscale expose, sans être contredite, avoir accordé un dégrèvement d'un montant de 671 euros en droits et 8 euros en pénalités au titre de l'année 2012, ramenant le quantum des impositions en litige à la somme de 66 708 euros. La société ADS Investissement demande dans sa requête un dégrèvement complémentaire de 6 438 euros. Par suite, les conclusions de la requête tendant à obtenir la décharge de ces impositions supplémentaires ne sont pas recevables.

Sur le bien-fondé du surplus des impositions en litige :

4. La société ADS Investissement a acquis le 30 décembre 2008 un immeuble à usage de bureaux situé 10 Rempart de l'Est à Angoulême pour lequel elle a obtenu un permis de construire en vue de réaliser des travaux d'aménagement intérieur accompagnés d'un changement de destination des locaux permettant de le transformer en immeuble d'habitation comportant sept lots constitués d'appartements à usage d'habitation. La société a entrepris, à compter du mois d'octobre 2010, des travaux de rénovation et de restauration de l'immeuble et cédé cinq lots d'appartements à usage d'habitation à partir du mois de janvier 2011. La cession du lot n°2 n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, l'acte notarié mentionnant que l'appartement en état futur d'achèvement était considéré comme achevé depuis plus de cinq ans. Il résulte de l'instruction qu'en dépit des mentions dans les actes notariés des lots 5, 1, 3 et 6 cédés selon lesquelles " L'immeuble (...) fait l'objet d'une opération de rénovation-construction (...) Cette rénovation-construction a une double conséquence : - l'une fiscale : compte tenu de l'ampleur des travaux assimilable à une véritable opération de construction, l'ampleur des travaux envisagés est telle que cette opération se trouve, dans son intégralité, dans le champ d'application de l'article 257-7° du code général des impôts et donc soumise au régime fiscal des ventes en l'état futur d'achèvement des constructions nouvelles tant au niveau de la taxe sur la valeur ajoutée que de l'exonération de taxe foncière ", aucune des opérations n'a donné lieu à paiement de la taxe sur le prix de cession. A l'issue des investigations, considérant que ces ventes d'immeubles étaient assimilables à des livraisons d'immeubles neufs, achevés depuis cinq ans au plus, l'administration fiscale a, en application du 2 du I de l'article 257 du code général des impôts, appliqué la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total des cessions.

5. L'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 9 mars 2010 dispose que : " I. - Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent. (...) 2. Sont considérés : (...) 2° Comme immeubles neufs, les immeubles qui ne sont pas achevés depuis plus de cinq années, qu'ils résultent d'une construction nouvelle ou de travaux portant sur des immeubles existants qui ont consisté en une surélévation ou qui ont rendu à l'état neuf : a) Soit la majorité des fondations ; b) Soit la majorité des éléments hors fondations déterminant la résistance et la rigidité de l'ouvrage ; c) Soit la majorité de la consistance des façades hors ravalement ; d) Soit l'ensemble des éléments de second oeuvre tels qu'énumérés par décret en Conseil d'Etat, dans une proportion fixée par ce décret qui ne peut être inférieure à la moitié pour chacun d'entre eux. (...) ". L'article 245 A de l'annexe II au code général des impôts précise que : " I. - Pour l'application du d du 2° du 2 du I de l'article 257 du code général des impôts, les éléments de second oeuvre à prendre en compte sont les suivants : a. les planchers ne déterminant pas la résistance ou la rigidité de l'ouvrage ; b. les huisseries extérieures ; c. les cloisons intérieures ; d. les installations sanitaires et de plomberie ; e. les installations électriques ; f. et, pour les opérations réalisées en métropole, le système de chauffage. II. - La proportion prévue au d du 2° du 2 du I de l'article 257 du code général des impôts est fixée à deux tiers pour chacun des éléments mentionnés au I. ". Si en principe s'agissant d'une opération de construction, la vente en l'état de futur achèvement porte sur la livraison d'un immeuble neuf, en cas de vente en l'état de futur achèvement portant sur une opération de reconstruction-réhabilitation, les travaux en cause ne peuvent être regardés comme concourant à la production d'un immeuble neuf que si ces derniers répondent aux conditions fixées au 2° de l'article 257-I-2 du code général des impôts.

6. Il résulte des dispositions précitées que constituent des travaux concourant à la production d'un immeuble neuf, notamment ceux qui ont rendu à l'état neuf, dans une proportion d'au moins deux tiers, chacun des éléments de second oeuvre que sont, selon la liste figurant à l'article 245 A de l'annexe II au code général des impôts : les planchers ne déterminant pas la résistance ou la rigidité de l'ouvrage, les huisseries extérieures, les cloisons intérieures, les installations sanitaires et de plomberie, ainsi que les installations électriques et, pour la métropole, le système de chauffage.

7. Pour contester les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, la société ADS Investissement, fait valoir que la vérificatrice a admis, dans son courriel du 21 mars 2013, au vu du courrier qu'elle lui a adressé le 7 mars 2013 et du fichier détaillant la nature des travaux réalisés, que les travaux réalisés sur l'immeuble situé 10 Rempart de l'Est ne concouraient pas à la livraison d'un immeuble neuf en l'absence de travaux remplissant la condition de proportion des deux tiers, et que la cession des lots devait en conséquence être soumise au régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, en vertu des dispositions de l'article 268 du code général des impôts. S'il était loisible à la vérificatrice de faire évoluer son analyse, il n'est pas contesté, que cette question n'a fait l'objet d'aucun autre débat à la suite de cette prise de position initiale.

8. S'il résulte de la proposition de rectification que l'administration fiscale a visé le 2 du I de l'article 257 du code général des impôts, sans toutefois, viser le d) du 2° de cet article et énuméré en page 5 les travaux de second oeuvre qui ont été réalisées, il ne ressort ni de cette proposition de rectification ni des écritures en défense que chacun des six lots du second oeuvre aurait été rendu à l'état neuf dans la proportion d'au moins deux tiers, s'agissant en particulier des planchers et du système de chauffage, ces deux catégories de travaux ayant été expressément contestées par la société requérante dans son courrier du 7 mars 2013 précité. A cet égard, la circonstance que les contrats de cession initiaux font référence à des travaux de grande ampleur et à des opérations de vente en l'état de futur achèvement, ne dispensait pas l'administration de vérifier si les travaux de reconstruction-réhabilitation répondaient au seuil de deux tiers fixé par l'article 245 A de l'annexe II au code général des impôts si elle avait entendu appliquer ce texte. Dans ces conditions, et en l'absence de tout élément permettant de considérer que la condition prévue à cet article serait remplie, ce que ne soutient d'ailleurs pas expressément l'administration, la société ADS Investissement, est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration et les premiers juges ont estimé que ces travaux entraient dans le champ du 2° du 2 du I de l'article 257 du code général des impôts.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que la société ADS Investissent est seulement fondée à demander la décharge partielle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à l'immeuble 10 Rempart de l'Est restant en litige, correspondant à une réduction en droits et pénalités de 66 708 euros. Il y a lieu de réformer dans cette seule mesure le jugement du tribunal administratif de Poitiers.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société ADS Investissement et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La société ADS Investissement est déchargée, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés à raison des opérations immobilières réalisées entre 2010 et 2012 concernant l'immeuble situé 10 Rempart de l'Est à Angoulême, à hauteur de la somme de 66 708 euros.

Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 29 mai 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société ADS Investissement la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société ADS Investissement est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société ADS Investissement et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme C... A..., présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 novembre 2020.

Le rapporteur,

Birsen Sarac-DeleigneLa présidente,

Elisabeth A...

Le greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 18BX02885


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02885
Date de la décision : 03/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : FIDAL ANGOULEME

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-03;18bx02885 ?
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