La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2020 | FRANCE | N°20BX01064

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 20 octobre 2020, 20BX01064


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 mars 2019 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours à destination du pays dont il a la nationalité.

Par un jugement n° 1902448 du 9 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 mars 20

20, M. F... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 mars 2019 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours à destination du pays dont il a la nationalité.

Par un jugement n° 1902448 du 9 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 mars 2020, M. F... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 9 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 mars 2019 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours à destination du pays dont il a la nationalité;

3°) d'enjoindre à la préfete de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le jugement omet de statuer sur le moyen tiré de l'erreur de droit commis par le préfet en refusant de regarder la demande comme tendant à la délivrance d'une admission exceptionnelle au séjour ;

- le jugement est entaché de contradiction de ses motifs s'agissant de l'application de l'article L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- cette insuffisance de motivation révèle que la préfète de la Gironde n'a pas réalisé un examen réel et sérieux de sa situation dès lors qu'il n'a pas sollicité de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10-2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais une régularisation à titre exceptionnel de sa situation ;

- la préfète a commis une erreur de droit en ne se prononçant pas sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en ce qu'elle est fondée sur un refus de séjour lui-même illégal ;

- elle méconnaît les dispositions l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 juillet 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. C... F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2020.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. H... G..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... F..., ressortissant congolais, déclare être entré sur le territoire français en janvier 2015. Il a bénéficié d'un titre de séjour mention " étudiant " du 31 janvier 2017 au 30 janvier 2018 en vue de l'obtention du CAP de peintre. Le 26 octobre 2017, il a demandé un changement de statut et a sollicité un titre de séjour en qualité de " travailleur temporaire ". Par la présente requête, il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 14 mars 2019 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté cette demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, M. C... F... a fait valoir, dans ses écritures de première instance, qu'en se prononçant sur les demandes de titre de séjour tendant à obtenir la carte de séjour " travailleur temporaire " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au lieu de les regarder, compte tenu de sa situation et des éléments figurant dans son dossier, comme tendant à obtenir cette même carte de séjour au titre de l'admission exceptionnelle au séjour prévue par les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de la Gironde n'a pas procédé à un examen sérieux de sa demande et a commis une erreur de droit.

3. Contrairement à ce qu'il soutient, le tribunal qui a visé dans son jugement le moyen ainsi soulevé, y a suffisamment répondu, en retenant, à son point 4, qu'il ressortait des pièces du dossier que M. C... F... avait sollicité le bénéfice d'une carte de séjour " travailleur temporaire " et non son admission au séjour à titre exceptionnel.

4. En second lieu, le tribunal n'a pas entaché son jugement de contradiction en répondant au moyen soulevé dans sa requête par M. C... F..., tiré de la violation par l'arrêté préfectoral de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même qu'il avait précédemment considéré que celui-ci n'avait pas sollicité un titre de séjour sur ce fondement. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité du jugement doivent être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de titre :

5. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 2° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou dans les cas prévus aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du même code, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 dudit code. Cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d'un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement. Elle porte la mention "travailleur temporaire" (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée (...) aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

6. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constitue le fondement. Il vise ainsi la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les articles L. 313-10, L. 313-11, L. 511-1 et L. 513-2. L'arrêté précise ensuite les conditions de l'entrée et du séjour en France de M. C... F..., la délivrance du titre de séjour mention " étudiant " dont il a bénéficié à titre exceptionnel, qu'il est célibataire et sans charge de famille en France, est demeuré hors de France jusqu'à ses 16 ans et l'absence d'élément justifiant de liens personnels et familiaux intenses et anciens avec la France. L'arrêté en litige relève également que l'appelant n'établit pas être exposé à des peines ou traitements personnels réels et actuels contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, la préfète de la Gironde, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des circonstances de fait caractérisant la situation de l'intéressé, a suffisamment motivé en droit et en fait son arrêté du 14 mars 2019. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... F..., qui était alors titulaire d'un titre de séjour " étudiant " a sollicité le 26 octobre 2017 un changement de statut et la délivrance d'un " titre de séjour travailleur temporaire " en faisant principalement état de ses activités professionnelles par le biais d'agences d'intérim et du refus opposé par Pôle Emploi faute de carte de séjour. Suite à plusieurs courriers l'invitant à produire la demande d'autorisation de travail de son éventuel employeur, il a précisé à l'administration ne travailler qu'occasionnellement en région parisienne auprès d'agences d'intérim pour des missions de courte durée. En interprétant cette demande comme tendant à l'obtention de la carte de séjour temporaire " travailleur temporaire " en application des seules dispositions du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non comme tendant à l'obtention de la même carte de séjour au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, prévue par les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du même code, la préfète de la Gironde n'a commis aucune erreur de droit et n'a pas entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé, ainsi que l'a estimé à juste titre le tribunal administratif. La seule circonstance que l'arrêté en litige se prononce sur la possibilité pour M. C... F... de bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du point 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas révélateur d'un défaut d'examen sérieux.

8. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, il ressort des pièces du dossier que M. C... F... n'a pas présenté de demande de régularisation sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 ou de l'article L 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, d'une part, la circonstance que, selon les termes de l'arrêté en litige, la préfète ait estimé qu'il n'entrait dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'ait pas vérifié, au titre de son pouvoir discrétionnaire, si l'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressé par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répondait à des considérations humanitaires ou se justifiait au regard de motifs exceptionnels avant d'examiner s'il justifiait de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " est sans influence sur la légalité de la décision critiquée.

9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le requérant, arrivé en France à l'âge de 16 ans, a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, a obtenu un CAP de peintre en juin 2016 et exerce désormais son activité professionnelle dans le cadre de contrats à durée déterminée de très courte durée. S'il est présent sur le territoire français depuis quatre années, ni les éléments dont il fait état, ni ceux révélés par les pièces du dossier ne constituent des motifs exceptionnels ou des circonstances humanitaires de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

10. En quatrième lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile énonce que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

11. M. C... F... se prévaut de sa présence en France depuis quatre ans et de son intégration sur le territoire français, où il a notamment réalisé ses études ainsi que de son isolement en République démocratique du Congo à la suite du décès de son père. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant, qui est célibataire et sans charge de famille, disposerait d'attaches familiales en France ou justifierait y avoir des liens personnels intenses, anciens et stables. Par ailleurs, il n'est pas dépourvu de tout lien dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 16 ans. Compte tenu des conditions et de la durée du séjour de l'intéressé en France, la décision en litige ne porte pas au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui la fondent. Elle ne méconnait pas davantage les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, la préfète de la Gironde n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 10, que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

13. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10, la décision en litige ne porte pas au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui la fondent et ne méconnait donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de ce qui précède que M. C... F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction et celles fondées sur les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent donc être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... F..., au ministre de l'intérieur et à Me B....

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme E... D..., présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. H... G..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 octobre 2020.

Le rapporteur,

Stéphane G... La présidente,

Evelyne D...Le greffier,

Sylvie Hayet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01064


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01064
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : AYMARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-20;20bx01064 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award