La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2020 | FRANCE | N°18BX04480

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 20 octobre 2020, 18BX04480


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... D..., Mme K... D... épouse H... et Mme G... D... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 13 octobre 2016 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a rejeté leur demande tendant à la délivrance de certificats intra-communautaires en vue de la vente de quatre défenses d'ivoire.

Par un jugement n° 1605450 du 23 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête e

t un mémoire complémentaire enregistrés le 21 décembre 2018 et le 25 février 2019, M. D... et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... D..., Mme K... D... épouse H... et Mme G... D... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 13 octobre 2016 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a rejeté leur demande tendant à la délivrance de certificats intra-communautaires en vue de la vente de quatre défenses d'ivoire.

Par un jugement n° 1605450 du 23 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 21 décembre 2018 et le 25 février 2019, M. D... et autres, représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1605450 du 23 octobre 2018, du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler la décision du 13 octobre 2016 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a rejeté leur demande tendant à la délivrance de certificats intra-communautaires en vue de la vente de quatre défenses d'ivoire ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de leur délivrer les certificats intra-communautaires en vue de la vente des quatre défenses d'ivoire dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre la somme de 3 500 euros à la charge de l'Etat au titre des sommes exposées et non compris dans les dépens.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de viser et de répondre au moyen tiré de ce qu'ils auraient dû bénéficier des dérogations à l'interdiction du commerce de l'ivoire des éléphants et de la corne de rhinocéros sur le territoire français dès lors qu'ils ont acquis les défenses concernées avant l'interdiction du commerce d'ivoire des éléphants d'Afrique ;

- l'arrêté du préfet du 13 octobre 2016 est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne mentionne pas la possibilité de bénéficier des dérogations prévues par l'arrêté ministériel du 16 août 2016 relatif à l'interdiction du commerce de l'ivoire d'éléphants et de la corne de rhinocéros sur le territoire national ;

- l'arrêté du préfet constitue un retrait implicite de la décision de la DREAL en date du 21 mars 2016 ; ce retrait est irrégulier dès lors qu'il est intervenu plus de quatre mois après l'adoption de la décision leur accordant le certificat demandé ;

- il convient d'écarter l'application de l'arrêté du 16 août 2016 et d'appliquer directement celles du règlement (CE) n° 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce ; ils satisfont aux conditions prévues à l'article 8 de ce règlement et doivent ainsi se voir délivrer le certificat demandé.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- les conclusions à fin d'injonction devront être rejetées en tout état de cause en raison des dispositions de l'arrêté du 16 août 2016 portant interdiction du commerce de l'ivoire d'éléphants et de la corne de rhinocéros sur le territoire national.

Par ordonnance en date du 13 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 décembre 2019 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 modifié relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté ministériel du 19 février 2007 modifié fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ;

- l'arrêté interministériel du 16 août 2016 relatif à l'interdiction du commerce de l'ivoire d'éléphants et de la corne de rhinocéros sur le territoire national ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. J... I...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. D... et autres.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a sollicité auprès de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de la région Midi-Pyrénées, la délivrance de certificats intra-communautaires (CIC) afin de pouvoir vendre quatre défenses d'ivoire que son père lui a offertes ainsi qu'à ses soeurs en 1980. Par décision du 13 octobre 2016, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer les certificats sollicités. M. D... ainsi que ses soeurs, Mme D... épouse H... et Mme D... épouse A..., relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande d'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté ministériel du 16 août 2016 dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Sont interdits sur tout le territoire national et en tout temps le transport à des fins commerciales, le colportage, l'utilisation commerciale, la mise en vente, la vente ou l'achat de défenses et d'objets composés en tout ou partie d'ivoire des espèces suivantes : Eléphantidés / Eléphants d'Afrique (Loxondonta sp) (...) ". Aux termes de l'article 2 du même arrêté : " Des dérogations exceptionnelles aux interdictions fixées à l'article 1er peuvent être accordées dans les conditions prévues au e du 4° de l'article L. 411-2 et aux articles R. 411-6 à R. 411-14 du code de l'environnement, selon la procédure définie par l'arrêté du 19 février 2007 susvisé et, par exception à l'article 3 de cet arrêté, sans consultation préalable. / Ces dérogations ne peuvent concerner que le commerce et la restauration d'objets travaillés dont l'ancienneté antérieure au 1er juillet 1975, date d'entrée en vigueur de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, est établie. (...) ".

3. Les requérants soutiennent que le tribunal administratif a omis de répondre au moyen selon lequel ils possédaient les défenses d'éléphant bien avant 1976 et pouvaient donc légalement solliciter le certificat en permettant la vente, en application de l'article 2 précité de l'arrêté du 16 août 2016. Toutefois, il ressort des termes de leurs écritures de première instance que s'ils ont précisé que les défenses appartenaient à leur famille avant 1976, ils n'ont jamais invoqué la méconnaissance des dispositions de l'article 2 de l'arrêté interministériel du 16 août 2016. Par suite le moyen tiré du défaut de réponse dont serait entaché le jugement du tribunal administratif doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, la décision du préfet du 13 octobre 2016 qui précise que le refus de délivrance des certificats intracommunautaires résulte de l'intervention de l'arrêté interministériel du 16 août 2016 portant interdiction sur tout le territoire national du commerce de l'ivoire des éléphants et de la corne de rhinocéros, notamment des défenses brutes en ivoire d'éléphant, comporte les éléments de fait et de droit en constituant le fondement et est par suite suffisamment motivée alors même qu'elle ne préciserait pas l'existence des dérogations prévues à l'article 2 du même arrêté. Par suite, le moyen doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ".

6. Les requérants soutiennent que la décision en litige du 13 octobre 2016 doit s'analyser comme procédant au retrait implicite de la décision d'octroi du certificat résultant d'un courriel qui leur a été adressé le 21 mars 2016 par le service instruisant leur demande. Il ressort toutefois de la teneur de ce mail qu'il se bornait à informer les requérants que la personne instruisant leur demande avait reçu l'aval pour délivrer le certificat, sous réserve de la production de " photos nettes " des défenses d'éléphant. Ce courriel qui n'a qu'une portée informative quant à l'évolution de l'instruction de la demande de certificats intra-communautaires, indique très clairement que ces certificats ne sont pas encore délivrés et ne constitue pas un acte décisoire dont les requérants pourraient se prévaloir. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que l'arrêté du 13 octobre 2016 a procédé illégalement au retrait d'une décision individuelle créatrice de droit. Par suite, le moyen doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes du règlement n° 338/97 du Conseil de l'Union Européenne du 9 décembre 1996 susvisé : " (...) (3) considérant que les dispositions du présent règlement ne préjugent pas des mesures plus strictes pouvant être prises ou maintenues par les États membres, dans le respect du traité, notamment en ce qui concerne la détention de spécimens d'espèces relevant du présent règlement; (...) ". Aux termes de l'article 1er de ce même règlement : " L'objectif du présent règlement est de protéger les espèces de faune et de flore sauvages et d'assurer leur conservation en contrôlant leur commerce conformément aux articles suivants. / Le présent règlement s'applique dans le respect des objectifs, principes et dispositions de la convention définie à l'article 2. ". Aux termes de l'article 2 de ce règlement : " Définitions - Aux fins du présent règlement, on entend par : (...) t) " spécimen " : tout animal ou toute plante, vivant ou mort appartenant aux espèces inscrites aux annexes A à D, ou toute partie ou tout produit obtenu à partir de ceux-ci, incorporé ou non dans d'autres marchandises, ainsi que toute autre marchandise dans le cas où il ressort d'un document justificatif, de l'emballage ou d'une marque ou étiquette ou de tout autre élément qu'il s'agit de parties ou de produits d'animaux ou de plantes de ces espèces, sauf si ces parties ou produits sont spécifiquement exemptés de l'application des dispositions du présent règlement ou des dispositions relatives à l'annexe à laquelle l'espèce concernée est inscrite par une indication dans ce sens contenue dans les annexes concernées. (...). ". Aux termes de l'article 8 de ce règlement : " Il est interdit d'acheter, de proposer d'acheter, d'acquérir à des fins commerciales, d'exposer à des fins commerciales, d'utiliser dans un but lucratif et de vendre, de détenir pour la vente, de mettre en vente ou de transporter pour la vente des spécimens d'espèces inscrites à l'annexe A. (...) 3. Conformément aux exigences des autres actes législatifs communautaires relatifs à la conservation de la faune et de la flore sauvages, il peut être dérogé aux interdictions prévues au paragraphe 1 à condition d'obtenir de l'organe de gestion de l'État membre dans lequel les spécimens se trouvent un certificat à cet effet, délivré cas par cas, lorsque les spécimens : / a) ont été acquis ou introduits dans la Communauté avant l'entrée en vigueur, pour les spécimens concernés, des dispositions relatives aux espèces inscrites à l'annexe I de la convention [convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES)] (...) ". Aux termes de l'article 11 du même règlement, enfin : " 1. Sans préjudice des mesures plus strictes que les États membres peuvent adopter ou maintenir, les permis et les certificats délivrés par les autorités compétentes des États membres au titre du présent règlement sont valables dans l'ensemble de la Communauté. (...) ".

8. Il résulte des dispositions précitées du règlement n° 338/97 du 9 décembre 1996 que le commerce des espèces de la flore et la faune protégées, telle l'ivoire d'éléphant, est en principe interdit mais que les Etats membres de l'Union européenne peuvent accorder des dérogations aux interdictions des activités commerciales prévues au paragraphe 1 de l'article 8 de ce règlement dans les limites définies par le paragraphe 3 du même article. Ce règlement prévoit expressément la possibilité pour les Etats membres d'adopter ou de maintenir des mesures plus strictes que celles qu'il fixe. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté interministériel du 16 août 2016, par lequel la France a restreint le champ des dérogations accordées à l'interdiction du commerce de l'ivoire d'éléphants, et notamment de l'éléphant d'Afrique (Loxondonta sp) dont il n'est pas contesté qu'il entre dans le champ d'application du point 1°) de l'article 8 de ce règlement, méconnait les dispositions du point 3°) du même article de ce règlement qui leur serait seul applicable. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du règlement lequel serait seul applicable à leur demande, doit être écarté.

9. En dernier lieu, les dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 16 août 2016 n'autorisent la délivrance de dérogations exceptionnelles que pour le commerce et la restauration d'objets travaillés dont l'ancienneté est antérieure au 1er juillet 1975. La demande de certificats intra-communautaires des consorts D... portant sur des défenses d'éléphant non travaillées et donc de l'ivoire brut, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, à le supposer soulevé, doit être écarté comme inopérant.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt de rejet n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par les requérants doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... et autres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... D..., à Mme K... D... épouse H..., à Mme G... D... épouse A... et au ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme E... C..., présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. J... I..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 octobre 2020.

Le rapporteur,

Stéphane I... La présidente,

Evelyne C...

Le greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX04480


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04480
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-045-06-04 Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : ADAMAS - AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-20;18bx04480 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award