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20/10/2020 | FRANCE | N°18BX03434

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 20 octobre 2020, 18BX03434


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des cotisations sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, ainsi que de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1602228 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Pau a fait droit à sa demande et l'a déchargé des i

mpositions en litige.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des cotisations sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, ainsi que de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1602228 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Pau a fait droit à sa demande et l'a déchargé des impositions en litige.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 9 mai 2018 ;

2°) de remettre à la charge de M. B... les impositions en litige.

Il soutient que :

- M. B... a son foyer en France au sens de l'article 4B du code général des impôts ; même s'il dispose d'un logement au Gabon pour les besoins de son activité professionnelle, le centre de ses intérêts vitaux est en France et il doit aussi être regardé comme résident fiscal en France au sens de la convention fiscale franco-gabonaise ; c'est donc à tort que le tribunal a estimé qu'il n'était pas imposable en France sur ses revenus au cours des années en litige ;

- la procédure de rectification est régulière dès lors qu'elle doit uniquement faire état des années au titre desquelles l'impôt fait l'objet d'une reprise ;

- M. B... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces de sorte que l'administration n'avait pas à aviser l'intéressé de ce contrôle ; la possibilité de solliciter un recours hiérarchique ne s'applique pas dans le cadre d'un contrôle sur pièces ;

- l'administration a notifié à M. B... la proposition de rectification à l'adresse à Bayonne mentionnée sur les déclarations d'ensemble de son revenu ; le pli a été présenté, n'a pas été réclamé : il est donc réputé avoir accepté tacitement les rectifications en l'absence d'observations formulées dans un délai de trente jours il ne saurait se prévaloir de la faculté de saisir la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires ; les suppléments d'impôt ont donc été régulièrement mis en recouvrement ;

- les pénalités ont été régulièrement appliquées.

Par ordonnance du 2 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 3 février 2020 à 12h00.

La cour a été informée le 11 juin 2020 du décès de M. B... survenu le 13 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée le 20 septembre 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise, en vue d'éviter les doubles-impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Cabanne, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que lors de l'examen de la situation fiscale personnelle de Mme F..., l'administration fiscale a établi que M. B..., retraité de la société Total exerçant une activité libérale d'ingénierie en géophysique, avait fourni des prestations à la société britannique RPS Energy Ltd dont la rémunération avait été encaissée par Mme F.... A la suite d'un contrôle sur pièces des déclarations fiscales de M. B... pour les années 2012 et 2013, l'administration a constaté que M. B... n'avait pas déclaré ces bénéfices non commerciaux. Elle a alors procédé à l'imposition de ces revenus et mis à la charge de l'intéressé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Par la présente requête, le ministre de l'action et des comptes publics fait appel du jugement du 9 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Pau a fait droit à la demande de décharge de ces impositions de M. B....

2. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. ", et aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. (...) ".

3. Pour l'application des dispositions précitées du a du 1 de l'article 4 B du code général des impôts, telles qu'éclairées par les travaux préparatoires de la loi n° 76-1234 du 29 décembre 1976 dont elles sont issues, le foyer d'un contribuable célibataire, sans charge de famille, s'entend du lieu où il habite normalement et a le centre de sa vie personnelle, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles. Le lieu du séjour principal de ce contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où il ne dispose pas de foyer en France.

4. Aux termes des stipulations de l'article 4 de la convention franco-gabonaise du 20 septembre 1995 : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat contractant, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet Etat contractant que pour les revenus de sources situés dans cet Etat contractant ou pour la fortune qui y est située. 2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux Etats contractants, sa situation est réglée de la manière suivante : a. Cette personne est considérée comme un résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent : si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux Etats contractants, elle est considérée comme un résident de l'Etat contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ".

5. Il résulte de l'instruction que, pour la période considérée, M. B..., célibataire et sans charge de famille, était propriétaire d'un appartement situé au 2 square Léo Pouzac à Bayonne, pour lequel il acquittait les taxes d'habitation et foncière. Il a souscrit ses déclarations de revenus à cette adresse à laquelle il a déclaré résider à titre principal. Il possédait deux comptes bancaires en France sur lesquels il percevait notamment ses pensions de retraite. Les enfants majeurs de M. B... résident en France et il n'est pas contesté par M. B... qu'il entretenait au cours des années en litige une relation avec Mme F... qui réside en France. M. B... devait ainsi être regardé comme ayant en France le centre de sa vie personnelle, même s'il exerçait une activité au Gabon qui le conduisait à y séjourner temporairement, et par suite, comme ayant son foyer en France au sens de l'article 4B du code général des impôts.

6. Si M. B... s'est prévalu devant les premiers juges d'un logement à Libreville au Gabon qu'il a occupé pour les besoins de son activité professionnelle en qualité de géophysicien, pendant 224,5 jours en 2012 et 218 jours en 2013, il ne résulte pas de l'instruction ni des pièces produites par l'intéressé, comprenant un certificat d'emploi du 27 janvier 2014, un contrat de mise à disposition du 1er août 2011 et une lettre d'invitation du 5 novembre 2013, qu'il ait été assujetti à l'impôt au Gabon sur les revenus perçus de son activité ni même qu'il ait effectivement séjourné au Gabon pour les durées dont il a fait état. M. B... ne peut pas non plus soutenir qu'il aurait perçu des revenus de source gabonaise alors que ses prestations ont été rémunérées par une société britannique et ces revenus encaissés en France par Mme F.... Dans ces conditions, et dès lors que M. B... ne pouvait pas être regardé comme ayant été résident au Gabon au sens de la convention fiscale franco-gabonaise, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que M. B... n'était pas passible de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices non commerciaux qu'il a perçus au cours des années en litige.

7. Il y a donc lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce (...) jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ".

9. Il résulte de l'instruction que M. B... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces, consécutif à l'examen de la situation fiscale personnelle de Mme F..., ainsi que le mentionne la proposition de rectification qui lui a été notifiée. A la suite de ce contrôle, le service fiscal lui a adressé une proposition de rectification en date du 13 août 2015 l'informant d'un rehaussement de ses bénéfices non commerciaux au titre des années 2012 et 2013. Ces impositions ont été mises en recouvrement le 14 décembre 2015.

10. Le pli contenant la proposition de rectification du 13 août 2015 a été présenté à la dernière adresse déclarée par M. B... à l'administration fiscale, 2 square Léo Pouzac à Bayonne, le requérant n'établissant ni même alléguant avoir indiqué une autre adresse à l'administration. L'accusé de réception postal mentionne une date de présentation du pli le13 août 2015, porte la mention " pli avisé et non réclamé " et une date de mise en instance au 17 août 2015. Les mentions portées sur ce document sont, en conséquence, suffisamment claires, précises et concordantes pour établir la régularité de la notification. La circonstance que l'administration a fait parvenir par courriel à M. B... et à sa demande, le 18 décembre 2015, une copie de la proposition de rectification est ainsi sans incidence sur la régularité de la notification du document.

11. Le service a ainsi régulièrement exercé, en 2015, un droit de reprise sur les impositions dues au titre des années 2012 et 2013 qui n'étaient pas prescrites.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances (...). A cette fin elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés (...) Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ".

13. Ainsi qu'il a été précisé au point 10, les impositions contestées procèdent d'un contrôle sur pièces et non d'une vérification de comptabilité ou de l'examen de la situation fiscale personnelle de M. B.... Dès lors, M. B... ne peut utilement soutenir que la procédure est irrégulière en l'absence d'avis de vérification de comptabilité ou d'examen contradictoire de sa situation fiscale. Il ne peut davantage utilement soutenir qu'il aurait été privé de la faculté de présenter le recours hiérarchique prévu à l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, cette garantie étant réservée par la loi aux procédures de vérification.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Et aux termes de l'article L. 59 du même livre : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, (...). ".

15. Il résulte de l'instruction que, en dépit du fait que M. B... n'a pas déclaré les bénéfices non commerciaux en litige, l'administration l'a fait bénéficier de la procédure contradictoire.

16. La proposition de rectification du 13 août 2015 mentionne que les rectifications portent sur les bénéfices non commerciaux des années 2012 et 2013 qui n'ont pas été déclarés par M. B..., les informations obtenues au cours de l'examen de la situation fiscale personnelle de Mme F... qui ont donné lieu au contrôle sur pièces consécutif des déclarations fiscales de M. B..., et les bases d'imposition pour chaque année considérée, après déduction des frais et de la rémunération de Mme F... admise comme intermédiaire. Les rectifications étant consécutives à un contrôle sur pièces, la proposition de rectification n'avait pas à mentionner une période de contrôle. Elle est ainsi suffisamment motivée.

17. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que M. B... aurait demandé que lui soit communiquée la réponse à la demande d'assistance administrative internationale concernant Mme F.... Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.

18. Enfin, il est constant que M. B..., qui n'a pas réclamé la proposition de rectification régulièrement mise en instance après sa présentation, n'a pas présenté d'observations dans le délai de trente jours qui lui était imparti en vertu de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales. Dans ces conditions, il doit être regardé comme ayant tacitement accepté les rectifications. Faute de désaccord exprimé sur ces rectifications, l'administration n'était pas tenue de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires avant la mise en recouvrement des impositions. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales ne peut, par suite, qu'être écarté.

Sur les intérêts de retard et les pénalités :

19. Si M. B... conteste les intérêts de retard et les pénalités mis à sa charge, il résulte de l'instruction qu'il n'a pas déclaré les revenus en litige dans les délais impartis et que l'administration fiscale pouvait donc lui appliquer les intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts, ainsi que les pénalités de 10 % prévues aux articles 1728-1 et 1758 A du même code.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a prononcé la décharge des impositions en litige et à demander la remise à la charge de M. B... desdites impositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1602228 en date du 9 mai 2018 du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 2 : M. B... est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu, des contributions sociales au titre des années 2012 et 2013 et la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013 est remise à sa charge.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à M. A... B....

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... C..., présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 octobre 2020.

Le président-assesseur,

Dominique FerrariLa présidente,

Evelyne C...La greffière,

Sylvie Hayet La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX03434 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03434
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Philippe POUZOULET
Rapporteur public ?: Mme CABANNE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-20;18bx03434 ?
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