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13/10/2020 | FRANCE | N°20BX00324

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 13 octobre 2020, 20BX00324


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2019 par lequel le préfet de La Réunion lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n°1901634 du 31 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a annulé cet arrêté et a enjoint à l'administration d

e supprimer, dans un délai de huit jours, le signalement dans ses fichiers de l'obligation...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2019 par lequel le préfet de La Réunion lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n°1901634 du 31 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a annulé cet arrêté et a enjoint à l'administration de supprimer, dans un délai de huit jours, le signalement dans ses fichiers de l'obligation de quitter le territoire français et de l'interdiction de retour de M. D....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 janvier 2020, le préfet de La Réunion demande à la cour d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le tribunal administratif de La Réunion du 31 décembre 2019.

Il soutient que :

- il ressort de l'application combinée des articles 3 et 8 de l'accord du 2 avril 2007 que les ressortissants mauriciens ne peuvent se prévaloir de cet accord afin d'exercer une activité professionnelle à La Réunion et doivent se soumettre aux procédures prévues par le droit commun en sollicitant une autorisation de travail auprès de la DIECCTE ;

- le magistrat désigné a commis une erreur de droit en considérant que l'accord franco-mauricien n'exigeait pas un titre de séjour pour le ressortissant mauricien entré dans le cadre de l'article 3 pour y exercer une activité lucrative alors qu'en l'espèce M. D... s'est rendu à plusieurs reprises à La Réunion pour y exercer une activité professionnelle sans justifier des documents requis, en méconnaissance de l'article L. 211-1 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2020, M. D..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- n'étant pas salarié mais co-gérant de sa société et n'exerçant aucune autre activité professionnelle à La Réunion, il n'est pas tenu, en application de l'article R. 5221-1 du code du travail, d'être titulaire d'une autorisation provisoire de travail ;

- depuis le 4 janvier 2014, il n'existe plus aucune démarche à effectuer pour les entrepreneurs étrangers souhaitant créer une entreprise en France sans y résider ;

- les ressortissants mauriciens bénéficient en application de l'article 3 de l'accord franco-mauricien du 2 avril 2017 d'une exemption de visa pour tout séjour d'une durée inférieure ou égale à quinze jours quel que soit le motif du séjour ;

- il était muni de l'ensemble des documents nécessaires justifiant de son identité, de son activité professionnelle et de l'intervention effectuée à La Réunion ;

- le préfet ne démontre pas l'erreur de droit commise par le magistrat désigné.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-mauricien du 2 avril 2007 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... E...,

- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... D..., ressortissant mauricien né le 27 juin 1962, est entré sur le territoire de La Réunion le 19 décembre 2019 pour un séjour d'une durée de cinq jours. Par un arrêté du 24 décembre 2019, le préfet de La Réunion lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Le préfet de La Réunion relève appel du jugement du 31 décembre 2019, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a annulé son arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné :

2. D'une part, aux termes de l'article 1er de l'accord franco-mauricien du 2 avril 2007 visant à faciliter la circulation des ressortissants mauriciens à La Réunion : " Tout ressortissant mauricien se trouvant sur le territoire de La Réunion doit pouvoir justifier d'une entrée régulière sur ce territoire au moyen d'un cachet apposé sur son document de voyage par les autorités chargées du contrôle aux frontières aux points de passage contrôlés dans les conditions fixées aux articles 3 et 4. A défaut, cette personne est réputée être en situation irrégulière ". Aux termes de l'article 3 : " Chaque ressortissant mauricien titulaire d'un passeport mauricien en cours de validité, présentant un billet de transport aller-retour Maurice-Réunion, bénéficie d'une exemption de l'obligation de visa pour des séjours d'une durée inférieure ou égale à 15 jours, dans la limite de 120 jours cumulés sur une période de 12 mois, sans limitation du nombre de séjours. Un délai de 7 jours devra être respecté entre chaque séjour ". Aux termes de l'article 4 : " Les séjours visés à l'article 3 n'ouvrent pas droit : / - au dépôt d'une demande de titre de séjour, / - à l'exercice d'une activité de commerçant ambulant. / Ces dernier étant soumis à l'obligation de visa consulaire de droit commun ". Aux termes de l'article 8 : " Toutes les autres dispositions du droit français relatives à l'entrée, au séjour et au travail des étrangers s'appliquent aux ressortissants mauriciens ".

3. D'autre part, le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 211-1 du même code : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; (...) 3° Des documents nécessaires à l'exercice d'une activité professionnelle s'il se propose d'en exercer une ". Aux termes de l'article L. 313-10 du même code : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". (...) 2° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou dans les cas prévus aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du même code, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 dudit code. Cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d'un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement. Elle porte la mention " travailleur temporaire " ; 3° Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention " entrepreneur/ profession libérale " (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Enfin, aux termes de son article D. 5221-2-1 : " En application de l'article L. 5221-2-1 du code du travail, n'est pas soumis à la condition prévue au 2° de l'article L. 5221-2 du même code l'étranger qui entre en France afin d'y exercer une activité salariée pour une durée inférieure ou égale à trois mois dans les domaines suivants : /1° Les manifestations sportives, culturelles, artistiques et scientifiques ; / 2° Les colloques, séminaires et salons professionnels ; / 3° La production et la diffusion cinématographiques, audiovisuelles, du spectacle et de l'édition phonographique, lorsqu'il est artiste du spectacle ou personnel technique attaché directement à la production ou à la réalisation ; /4° Le mannequinat et la pose artistique ; / 5° Les services à la personne et les employés de maison pendant le séjour en France de leurs employeurs particuliers ; / 6° Les missions d'audit et d'expertise en informatique, gestion, finance, assurance, architecture et ingénierie, lorsqu'il est détaché en application des dispositions de l'article L. 1262-1 du code du travail ; / 7° Les activités d'enseignement dispensées, à titre occasionnel, par des professeurs invités. "

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions et stipulations qu'un ressortissant mauricien désireux d'exercer sur le territoire de la Réunion une activité professionnelle salariée ne relevant pas des domaines définis à l'article D. 5221-2-1 du code du travail, doit justifier d'un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou d'une autorisation de travail alors même que la durée de son séjour serait inférieure à trois mois. Si les ressortissants mauriciens bénéficient, en application de l'article 3 de l'accord du 2 avril 2007, d'une exemption de l'obligation de visa pour les séjours d'une durée inférieure ou égale à quinze jours, cette circonstance ne les dispense pas de solliciter auprès des autorités administratives les documents prévus au 3° de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'exercice d'une activité salariée ou le titre de séjour prévu au 3° de l'article L. 313-10 du même code pour l'exercice d'une activité non salariée.

5. En l'espèce, il ressort des procès-verbaux d'audition des 23 et 24 décembre 2019, faisant foi jusqu'à preuve du contraire, que M. D... effectue régulièrement des déplacements à La Réunion dans le cadre du développement de l'activité de la société Ved Holistiques Réunion dont il a déclaré être le cogérant majoritaire. M. D... a admis assurer des séances de Reiki lors de ses déplacements, lesquelles sont dispensées contre rémunération selon les déclarations recueillies par la police auprès de clients. Si M. D... conteste exercer une activité professionnelle salariée contre rémunération en se prévalant de sa qualité de cogérant de la société Ved Holistiques Réunion, tel qu'indiqué dans les statuts de la société en date du 14 janvier 2019, sur une page non numérotée comprise entre la page 6 et 7, cette mention est contredite par l'article 13 des statuts et l'extrait du Kbis du 6 février 2019 qui mentionnent comme seul gérant de la société M. F... alors en outre que M. D... n'a pas été en mesure de donner une quelconque information sur les modalités de gestion et de fonctionnement de la société lors de son audition. A supposer même qu'il ait la qualité de gérant, cette circonstance ne le dispensait pas de solliciter la délivrance du titre de séjour entrepreneur/ profession libérale prévue au 3° de l'article L. 313-10 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant l'exercice d'une activité non salariée. Si l'entrée de M. D... sur le territoire de La Réunion a été validée par un cachet apposé par la police aux frontières sur son passeport, sur présentation de son billet aller-retour, il n'est pas allégué et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait conformé aux dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'il aurait obtenu le titre de séjour prévu au 3° de l'article L. 313-10 précité. Il était dès lors en situation de séjour irrégulier au regard des stipulations et dispositions précitées. Par suite, c'est à tort que le magistrat désigné a annulé l'arrêté du préfet de La Réunion portant obligation de quitter le territoire français au motif que l'intéressé ne se trouvait pas en situation de séjour irrégulier.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de La Réunion.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, la décision contestée comporte les considérations de droit qui en constituent le fondement et vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fonde, et notamment les articles L. 511-1 et L. 211-1. Au titre des considérations de fait, elle mentionne les conditions d'entrée sur le territoire français du requérant, rappelle qu'il ne remplit pas les conditions d'entrée sur le territoire fixées par l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour lui permettant l'exercice d'une activité professionnelle non salariée. Elle indique, en outre, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée aux droits, à la situation personnelle et à la vie familiale de l'intéressé, qui n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans le pays dont il est ressortissant. Dès lors le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté.

8. En deuxième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse non aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de sa méconnaissance par l'arrêté contesté, pris par une autorité d'un Etat membre, est inopérant. En revanche, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient donc aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. En outre, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.

9. Il ressort des procès-verbaux d'audition dressés les 23 et 24 décembre 2019 que le requérant, informé de ce qu'il pouvait faire l'objet d'une décision d'éloignement, a été mis à même de présenter, de manière utile et effective, ses observations sur les conditions de son séjour, sur sa situation personnelle et sur la perspective de son éloignement à destination de son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu et du principe du contradictoire doit être écarté.

10. Eu égard à ce qui a été dit aux points 4 et 5, le préfet n'a pas entaché sa décision d'éloignement d'un détournement de procédure ou de pouvoir.

Sur la légalité de la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :

11. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. _ L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) ".

12. Il ressort des mentions de l'arrêté en litige que, pour refuser d'accorder un délai de départ à M. D..., le préfet de La Réunion s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé ne présentait pas de garantie de représentation suffisante. Toutefois, il n'est pas contesté que M. D... était titulaire d'un passeport en cours de validité ainsi qu'un billet d'avion retour à destination de l'Ile Maurice. Il n'est pas soutenu ni même allégué que M. D... représenterait une menace à l'ordre public au sens des dispositions du 1° du II de l'article L.511-1. Dans ces conditions, M. D... est fondé à soutenir que le refus d'un délai de départ volontaire est entaché d'une erreur d'appréciation de nature à en justifier l'annulation. Le préfet n'est, dès lors, pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal l'a annulé.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

13. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour.

14. Il résulte des termes de l'arrêté en litige que, pour fixer à trois ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français opposée à M. D..., le préfet de La Réunion s'est fondé sur la durée de présence sur le territoire de l'intéressé et l'absence de ses liens personnels et familiaux. Toutefois, ces seuls motifs retenus ne sont pas de nature à justifier la durée maximale de l'interdiction sur le territoire français prise à l'encontre de M. D.... Par suite en fixant à trois ans la durée de cette interdiction de retour sur le territoire français, le préfet a méconnu les dispositions précitées. Le préfet n'est, par suite, pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal a annulé cette décision.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de La Réunion est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a annulé ses décisions en date du 24 décembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme que M. D... demande au titre des frais qu'il a exposés.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1901634 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion en date du 31 décembre 2019 est annulé en tant qu'il a annulé les décisions du préfet de La Réunion en date du 24 décembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de La Réunion tendant à l'annulation des décisions du préfet de La Réunion en date du 24 décembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont rejetées.

Article 3 : Le surplus de la requête du préfet de La Réunion est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de M. D... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... D.... Copie en sera adressée au préfet de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme C... E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.

Le rapporteur,

Birsen E...Le président,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

7

N°20BX00324


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00324
Date de la décision : 13/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CABINET ALI - MAGAMOOTOO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-13;20bx00324 ?
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