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13/10/2020 | FRANCE | N°18BX02412

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 13 octobre 2020, 18BX02412


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Polyclinique Saint-Georges a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 11 juillet 2016 par laquelle l'agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine a rejeté sa demande de financement au titre du programme " Hôpital numérique ", ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, ainsi que de condamner l'ARS à lui verser les sommes de 1 127 000 euros au titre du financement auquel elle estimait pouvoir prétendre et de 11 869 euros au

titre du coût de préparation du dossier de candidature.

Par un jugement n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Polyclinique Saint-Georges a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 11 juillet 2016 par laquelle l'agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine a rejeté sa demande de financement au titre du programme " Hôpital numérique ", ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, ainsi que de condamner l'ARS à lui verser les sommes de 1 127 000 euros au titre du financement auquel elle estimait pouvoir prétendre et de 11 869 euros au titre du coût de préparation du dossier de candidature.

Par un jugement n° 1700529 du 17 avril 2018, le tribunal administratif de Bordeaux, a annulé les décisions attaquées et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 juin 2018, la SA Polyclinique Saint-Georges, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires et sa demande tendant à l'allocation d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner l'ARS Nouvelle-Aquitaine à lui verser des indemnités

de 1 127 000 euros et 11 869 euros, ainsi qu'une somme de 2 500 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour l'instance devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'ARS Nouvelle-Aquitaine une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour l'instance d'appel.

Elle soutient que :

- en refusant " par défaut " de valider ses pièces justificatives, sans apporter de commentaire, l'ARS s'est abstenue du travail de validation qui lui incombe et a méconnu la procédure prévue par l'instruction du 4 juin 2013 (annexe 10) lui imposant de justifier la non-acceptation d'un pré-requis ; c'est à tort que le tribunal a estimé que l'ARS ne pouvait apporter qu'une réponse binaire, sans zone de commentaire, pour la validation des pièces justificatives des pré-requis et qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que l'ARS se serait abstenue d'analyser ces pièces;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il résulte des termes de la décision

du 11 juillet 2016 que l'ARS ne s'est pas fondée sur l'analyse des pièces justificatives des pré-requis pour rejeter son dossier, mais que ce rejet est fondé sur des motifs de respect de l'équilibre et de l'enveloppe de crédits, étrangers à la qualité des pièces justificatives et à l'atteinte des pré-requis ; dès lors que les pré-requis étaient atteints, aucun motif ne permettait à l'ARS de rejeter " par défaut " son dossier, qui était complet et recevable ;

- les considérations budgétaires générales opposées dans la décision du 11 juillet 2016 ne permettent pas de connaître la raison objective pour laquelle certains établissements ont été retenus au détriment des autres, alors que sur 70 dossiers déposés, 49 ont été rejetés pour le même motif et 21 ont été " présélectionnés " sur des critères arbitraires et non transparents ; ainsi, c'est en méconnaissance du principe d'égalité et des critères d'éligibilité fixés par l'instruction du 4 juin 2013 que sa demande, qui satisfaisait aux pré-requis, a été

rejetée ;

- l'ARS n'a fourni aucun renseignement sur les montants des financements accordés

ni sur les critères ayant présidé au choix des établissements bénéficiaires, lequel a méconnu

les principes généraux de transparence, d'égalité et de non-discrimination mentionnés

dans la circulaire DGOS/R1 n° 2011-154 du 22 avril 2011 ;

- en validant " non " par défaut alors que les pré-requis étaient atteints, l'ARS a méconnu la procédure et les règles de sélection fixées par l'instruction du 4 juin 2013;

- il y a lieu d'indemniser sa perte de chance de financement à hauteur du montant de la subvention demandée, soit 1 127 000 euros correspondant aux dépenses envisagées pour atteindre les cibles d'usage, alors qu'elle n'aurait pas engagé de crédits sans la perspective de subvention et que la perte de chance est importante puisque 15 sur les 21 établissements présélectionnés ont obtenu une subvention ; en outre, elle sollicite 11 869 euros correspondant à la valorisation du travail effectué par les trois cadres chargés du dossier d'informatisation ;

- dès lors que le tribunal a annulé les décisions attaquées, c'est à tort qu'il a rejeté sa demande tendant à l'allocation d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 22 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 21 juin 2019.

Un mémoire en défense présenté par le ministre des solidarités et de la santé

a été enregistré le 10 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Beuve Dupuy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre chargé de la santé a lancé le programme " Hôpital numérique ", portant sur les années 2012 à 2017, destiné à amener les établissements de santé du secteur sanitaire à un " palier de maturité " de leurs systèmes d'information liés aux processus de soins, afin de permettre le partage et l'échange d'informations autour d'une prise en charge coordonnée du patient en assurant la sécurité des données. Ce programme incluait un " volet financement ", dont la mise en oeuvre, confiée aux agences régionales de santé (ARS) et précisée par une instruction de la ministre des affaires sociales et de la santé n° DGOS/PF/MSIOS/2013/225

du 4 juin 2013, avait pour objet de récompenser l'utilisation effective du système d'information hospitalier en attribuant un financement forfaitaire, selon l'activité et le ou les domaines couverts, versé a posteriori après justification de l'atteinte précise de cibles en matière d'usage. Parmi les critères d'éligibilité au soutien financier figurait la conformité aux 12 indicateurs des pré-requis du programme " Hôpital numérique ", évaluée par les ARS via l'outil informatique " dossier d'instruction des projets d'investissement système d'information " (DIPISI) utilisé pour l'instruction des demandes.

2. Après le rejet d'une première demande de financement en novembre 2015 au motif que ses indicateurs de pré-requis n'étaient pas totalement atteints, la SA Polyclinique Saint-Georges, établissement privé situé à Saint Georges de Didonne (Charente-Maritime) et spécialisé dans les activités chirurgicales, a déposé un nouveau dossier, rejeté par un courriel

du 11 juillet 2016 de l'ARS Aquitaine Limousin Poitou-Charentes, devenue Nouvelle-Aquitaine. La polyclinique a présenté le 9 septembre 2016 un recours gracieux et une demande indemnitaire demeurés sans réponse, puis a saisi le tribunal administratif de demandes d'annulation de la décision du 11 juillet 2016 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, ainsi que de condamnation de l'ARS Nouvelle-Aquitaine à lui verser les sommes de 1 127 000 euros au titre du financement auquel elle estimait pouvoir prétendre et de 11 869 euros au titre du coût de préparation du dossier de candidature. Elle relève appel du jugement du 17 avril 2018 en tant que le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir annulé la décision du 11 juillet 2016 pour défaut de toute mention permettant l'identification de son auteur, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux, a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les demandes indemnitaires :

3. En premier lieu, la SA Polyclinique Saint-Georges, qui fonde ses demandes sur la responsabilité pour faute de l'administration, soutient que l'ARS, en refusant " par défaut " de valider ses pièces justificatives de l'atteinte des indicateurs de pré-requis et en lui opposant des considérations budgétaires générales, a méconnu les règles de procédure définies par l'instruction de la ministre des affaires sociales et de la santé du 4 juin 2013.

4. L'instruction du 4 juin 2013 préconise le respect d'un équilibre dans la sélection des établissements en ce qui concerne leurs statuts et leurs activités et indique que les modalités de sélection sont fixées par le ministère chargé de la santé, lequel délègue la responsabilité de la sélection aux ARS dans le respect de l'enveloppe de financement qui leur est attribuée. Son annexe 1 précise qu'en fonction de la disponibilité de l'enveloppe, l'ARS sélectionne les établissements qui remplissent les critères d'éligibilité, qu'un équilibre est à respecter, au regard de la répartition régionale des établissements, en termes de catégories (publics, privés, établissements de santé privés d'intérêt collectif) et d'activités (médecine chirurgie obstétrique, soins de suite et de réadaptation, psychiatrie, hospitalisation à domicile), et que l'ARS doit indiquer à l'établissement les raisons de son refus : maîtrise de l'enveloppe, non atteinte des

pré-requis ou autres.

5. Pour rejeter la demande de financement de la SA Polyclinique Saint-Georges, l'ARS a exposé qu'elle disposait d'une enveloppe de 3,6 millions d'euros, et qu'eu égard au grand nombre d'établissements (70) ayant déposé des dossiers, elle avait effectué une présélection au regard du respect de l'équilibre par territoire, par statut et activité, en se référant à l'instruction du 4 juin 2013. Elle a précisé que ces éléments n'avaient pas permis de retenir le dossier, puis indiqué que " l'outil DIPISI permettant d'indiquer uniquement " oui " ou " non " sur la validation des pièces justificatives des pré-requis, la réponse " non " a été indiquée par défaut. " Ainsi, le motif du rejet du dossier de la polyclinique n'est pas l'absence de validation des pré-requis sur l'outil DIPISI, mais l'insuffisance de l'enveloppe de crédits disponibles ayant conduit l'ARS à écarter les dossiers qu'elle n'avait pas présélectionnés. Ce motif, qui relève de la maîtrise de l'enveloppe, est expressément prévu par l'instruction du 4 juin 2013, laquelle ne fait pas obstacle à ce qu'une ARS confrontée à des demandes excédant ses capacités de financement opère une présélection des établissements candidats avant de contrôler les critères d'éligibilité, mais au contraire admet une telle démarche par un schéma indicatif des étapes de sélection proposant, dans l'ordre chronologique, de s'assurer de la disponibilité de l'enveloppe, d'étudier les dates prévisionnelles d'atteinte des cibles pour lesquelles l'établissement candidate, de vérifier l'adéquation de la candidature avec l'équilibre entre statuts d'établissements et activités, de contrôler les critères d'éligibilité, et enfin de sélectionner ou non l'établissement. Par suite, et quand bien même les pièces justificatives de l'atteinte des pré-requis auraient justifié la validation de la réponse " oui " sur l'outil DIPISI, la validation " par défaut " de la réponse " non " pour rejeter la demande au motif de l'insuffisance de l'enveloppe de crédits ne caractérise pas une faute de l'ARS dans la conduite de la procédure d'instruction du dossier de la SA Polyclinique Saint-Georges.

6. En deuxième lieu, la SA Polyclinique Saint-Georges, qui produit un courriel de l'ARS du 21 juillet 2016 indiquant avoir rejeté 49 dossiers à l'issue d'un premier arbitrage et en avoir " présélectionné " 21 pour un second arbitrage, fait valoir que les considérations budgétaires générales identiques opposées aux 49 établissements non retenus révéleraient qu'ils auraient été écartés sur des critères arbitraires et non transparents, en méconnaissance du principe d'égalité entre les candidats et des critères d'éligibilité prévus par l'instruction

du 4 juin 2013. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'ARS pouvait opérer une présélection compte tenu de l'insuffisance de l'enveloppe de crédits au regard du nombre de demandes dont elle était saisie, et écarter des demandes sans se prononcer sur les critères d'éligibilité. Par suite, cette présélection, envers laquelle aucune critique précise n'est formulée, ne révèle pas, par elle-même, une méconnaissance du principe d'égalité entre les candidats, lesquels n'avaient au demeurant aucun droit à l'attribution d'un financement, quand bien même ils auraient satisfait aux pré-requis.

7. En troisième lieu, l'ARS a produit en première instance la liste des 15 établissements bénéficiaires de financements, parmi lesquels figurent, conformément aux recommandations de l'instruction du 4 juin 2013, des établissements de santé publics et privés aux activités diverses, répartis sur l'ensemble du territoire de la région Nouvelle-Aquitaine, et dont un se situe au demeurant déjà en Charente-Maritime. Si la SA Polyclinique Saint-Georges fait valoir que les critères ayant présidé au choix de ces établissements bénéficiaires méconnaîtraient les principes généraux de transparence, d'égalité et de non-discrimination fixés par l'instruction

du 4 juin 2013, ce moyen, qui ne repose sur aucune argumentation en fait, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

8. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité pour faute de l'ARS Nouvelle-Aquitaine n'est pas engagée. Par suite, la SA Polyclinique Saint-Georges n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes indemnitaires.

Sur les frais exposés à l'occasion du litige :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'allouer une somme à la SA Polyclinique Saint-Georges au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige de première instance, quand bien même elle avait obtenu l'annulation pour vice de forme des décisions attaquées. La requérante, qui est la partie perdante en appel, n'est pas fondée à demander qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions précitées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA Polyclinique Saint-Georges est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Polyclinique Saint-Georges, à l'agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme G... F..., présidente,

Mme A... C..., présidente-assesseure,

Mme B... E..., conseillère.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.

La rapporteure,

Anne C...

La présidente,

Catherine F...La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 18BX02412


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02412
Date de la décision : 13/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - motifs.

Santé publique - Administration de la santé.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : SAINT LOUIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-13;18bx02412 ?
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