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12/10/2020 | FRANCE | N°20BX00278

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 12 octobre 2020, 20BX00278


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2019 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et

, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des disp...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2019 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1903866 du 27 décembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2020, M. A... C..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2019 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a insuffisamment motivé sa réponse aux moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il n'a pas été procédé à un examen particulier de sa situation au regard de sa vie privée et familiale ;

- le préfet n'établit pas avoir accédé aux fichiers de police pour obtenir des renseignements sur son employeur, conformément aux exigences de l'article 40-9 du code de procédure pénale ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle, eu égard à l'intensité et de la stabilité de sa vie privée et familiale sur le territoire, de la durée de son séjour et de son insertion professionnelle ;

- le refus de viser son contrat de travail n'est pas motivé et est illégal ;

- il est entaché d'erreur de droit et d'un détournement de procédure. Il ne pouvait être retenu à son encontre des infractions commises par son employeur : l'arrêté méconnaît son droit à un procès équitable garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits et l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les principes de la présomption d'innocence et de la séparation des autorités administratives et judiciaires.

Par un mémoire enregistré le 4 juin 2020, la préfète de la Gironde demande à la cour de rejeter la requête de M. A... C....

Elle indique s'en remettre à son mémoire de première instance.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., de nationalité marocaine, né en 1994, déclare être entré irrégulièrement en France au cours du mois d'août 2014. Le 23 février 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-14 et L. 313-10-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Par un arrêté du 4 juillet 2019, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. M. A... C... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Bordeaux et relève appel du jugement du 27 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement

2. Il ressort des points 3 et 8 du jugement attaqué que les premiers juges ont écarté les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation commise sur la situation personnelle de M. A... C... en relevant qu'il ne démontrait pas l'intensité et la stabilité de ses liens en France, qu'il était célibataire, sans charge de famille et que, bien que l'un de ses frères réside en France, il n'était pas dépourvu de liens dans son pays d'origine. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments du requérant, ont suffisamment répondu à ces moyens et n'ont, par suite, pas entaché leur jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige vise les textes applicables à l'intéressé, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 313-10-1° et L. 313-14, l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8. L'arrêté en litige rappelle la nationalité de M. A... C... et les circonstances de fait relatives à sa situation administrative, notamment son entrée en France muni d'un visa de court séjour, à sa situation personnelle, ainsi qu'à sa situation vis-à-vis de l'emploi. S'agissant de sa vie privée et familiale, il indique notamment que M. A... C... ne démontre pas l'intensité et la stabilité de ses liens en France, qu'il est célibataire, sans charge de famille et que, bien que l'un de ses frères réside en France, il n'est pas dépourvu de liens dans son pays d'origine. S'agissant de sa situation professionnelle, il indique, notamment, que M. A... C... ne justifie pas d'un contrat de travail visé par les services chargés de l'emploi, que sa demande d'autorisation de travail en qualité d'aide-pâtissier à temps partiel ne peut être accueillie et que, par un courrier du 16 janvier 2019, l'Unité départementale de la Gironde de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail, de l'emploi de la Nouvelle-Aquitaine a émis un avis défavorable. Dans ces conditions, l'arrêté en litige, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles la préfète de la Gironde s'est fondée, est suffisamment motivé. Le caractère suffisant de cette motivation révèle en outre que la préfète a procédé à un examen personnel et circonstancié de la situation de l'intéressée au regard de sa vie privée et familiale et de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' (...) ".

5. L'accord franco-marocain renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en oeuvre. Il en va notamment ainsi, pour le titre de séjour " salarié " mentionné à l'article 3 cité ci-dessus délivré sur présentation d'un contrat de travail " visé par les autorités compétentes ", des dispositions des articles R. 5221-17 et suivants du code du travail, qui précisent les modalités selon lesquelles sont délivrées les autorisations de travail et les éléments d'appréciation en vertu desquels le préfet se prononce, au vu notamment du contrat de travail, pour accorder ou refuser une autorisation de travail.

6. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que la préfète a refusé de délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " à M. A... C... au motif qu'il s'est abstenu de produire le contrat de travail visé par les autorités compétentes exigé par les stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-marocain et au motif que son contrat de travail méconnaissait l'article R. 5221-20 du code du travail et que l'Unité départementale de la Gironde de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail, de l'emploi de la Nouvelle-Aquitaine a émis un avis défavorable le 16 janvier 2019. Il ressort des pièces du dossier que la préfète de la Gironde ne s'est pas fondée sur le fait que son employeur était défavorablement connu de ses services mais sur une pluralité de motifs tenant à l'ensemble de sa situation individuelle. Par suite, M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux serait fondé sur un motif lié aux infractions commises par son employeur et que la préfète de la Gironde aurait, ce faisant, méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En troisième lieu, le détournement de procédure n'est pas établi.

8. En quatrième lieu, M. A... C... ne peut utilement invoquer par voie d'exception l'illégalité de la décision implicite rejetant la demande d'autorisation de travail déposée par le gérant de la boulangerie des Capucins le 18 juillet 2019, dès lors qu'un tel refus est né postérieurement à l'arrêté en litige du 4 juillet 2019.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. A... C..., célibataire sans charge de famille, soutient qu'il réside habituellement en France où il se serait établi au mois d'août 2014 alors qu'il était âgé de 20 ans. Toutefois, bien que l'un de ses frères réside en France, il n'est pas dépourvu de liens dans son pays d'origine où résident ses parents et une partie de sa fratrie. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que M. A... C... exerce un emploi d'aide-pâtissier à temps partiel depuis 2016, cette circonstance ne suffit pas à considérer qu'il justifie d'une intégration particulière en France, alors qu'il était en situation irrégulière et qu'il n'a pas cherché à régulariser sa situation jusqu'au 23 février 2018. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, l'arrêté contesté ne porte pas une atteinte excessive à son droit à mener une vie privée et familiale normale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit être écarté.

11. Enfin, pour les mêmes motifs, la préfète de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale de M. A... C....

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions en injonction et celles présentées au titre des frais de procès doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C.... Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme F... H..., présidente-assesseure,

Mme D... B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 octobre 2020.

Le rapporteur,

Déborah B...Le président,

Didier ARTUSLe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00278


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00278
Date de la décision : 12/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : VANDENHOVE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-12;20bx00278 ?
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