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08/10/2020 | FRANCE | N°20BX00085

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 08 octobre 2020, 20BX00085


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 7 août 2019 par laquelle le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1901977 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 janvier 2020, M. F... A..., représenté par Me B..., demande

à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2019 du tribunal administratif de Poitiers ;
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 7 août 2019 par laquelle le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1901977 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 janvier 2020, M. F... A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2019 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Deux-Sèvres du 7 août 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêté à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour, fondée sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sans en notifier une copie, est insuffisamment motivé ; il ne pourra pas bénéficier du traitement approprié à son état de santé en Albanie ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ; elle méconnaît les dispositions du 10 ° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

Par ordonnance du 20 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 août 2020 à 12:00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... G... a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant albanais né le 25 juin 1965, est entré en France le 11 juillet 2017 selon ses déclarations, accompagné de son épouse et de leurs trois enfants. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'OFPRA le 31 octobre 2017, décision confirmée par la CNDA le 28 septembre 2018. Par un arrêté du 6 novembre 2018, le préfet des Deux-Sèvres a pris à son encontre une décision de refus de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de retour. Par un courrier du 29 octobre 2018, M. A... a présenté une autre demande de titre de séjour fondée sur son état de santé, qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet née le 2 mars 2019. Le 6 mai 2019, le requérant a déposé une nouvelle demande de titre de séjour sur le même fondement. Par arrêté du 7 août 2019, le préfet des Deux-Sèvres a refusé de délivrer le titre de séjour sollicité par M. A... et l'a obligé à quitter le territoire en fixant le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 17 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par M. A... à l'appui du moyen tiré de l'impossibilité pour lui de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de titre de séjour par une motivation suffisante au regard des conditions de délivrance du titre en cause.

Sur la légalité de l'arrêté du 17 décembre 2019 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision de refus de titre en litige qu'elle comporte tous les éléments de droit et de fait qui la fondent, permettant à son destinataire d'en contester utilement les termes, s'agissant notamment de son état de santé et de la possibilité d'accéder effectivement à un traitement approprié en Albanie. A cet égard, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que la copie de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) devrait être joint à la décision de refus de titre de séjour adoptée sur le fondement des dispositions de l'article L 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. De plus, s'il appartient au préfet, lorsqu'il statue sur une demande de carte de séjour, de s'assurer que l'avis a été rendu par le collège de médecins conformément aux règles procédurales fixées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par l'arrêté du 27 décembre 2016, il ne saurait en revanche porter d'appréciation sur le respect, par ledit collège, des orientations générales définies par l'arrêté du 5 janvier 2017, en raison du respect du secret médical qui interdit aux médecins de donner à l'administration, de manière directe ou indirecte, aucune information sur la nature des pathologies dont souffre l'étranger. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait dû fournir plus de précisions sur la motivation de l'avis du collège des médecins de l'OFII relativement à son état de santé.

4. En second lieu, aux termes de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

5. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.

6. Par son avis du 25 juin 2019, le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a présenté, le 26 août 2018, une colique néphrétique gauche qui a nécessité plusieurs interventions chirurgicales dont la dernière aurait été réalisée le 3 mai 2019, soit préalablement à la date de l'avis du collège des médecins de l'OFII. Si l'intéressé fait également état d'une facture du tibia opérée le 27 octobre 2019, soit postérieurement à l'intervention de l'arrêté en litige, il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier qu'elle aurait nécessité un traitement et un suivi post-opératoire spécifiques, insusceptibles d'être poursuivis en Albanie. Les études et rapports cités par M. A..., s'ils relèvent les difficultés rencontrées par ce pays au plan politique et économique, ainsi que la nécessité de réformer le système de santé et de renforcer l'accès aux soins, ne permettent pas à démontrer l'impossibilité effective, pour M. A..., d'accéder aux soins nécessités par son état de santé. L'impossibilité économique d'accéder à de tels soins n'est pas davantage démontrée en l'absence de tout élément relatif tant au coût des médicaments non remboursables en Albanie que des ressources du requérant et de son épouse. Enfin, le moyen tiré de l'impossibilité de voyager se rapporte à l'exécution de la mesure d'éloignement et ne peut être utilement invoqué pour contester la légalité de la décision de refus de titre de séjour. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour méconnaîtrait les dispositions du 11 ° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

9. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile doit être écarté pour les motifs exposés au point 7 ci-dessus.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Dès lors que son épouse et leurs trois enfants, tous de nationalité albanaise, se trouvent en situation irrégulière en France, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait en France le centre de ses intérêts privés et familiaux et serait dépourvu d'attaches en Albanie. La durée de deux ans de son séjour, les efforts d'intégration qu'il a consentis ainsi que la scolarisation de ses enfants, ne suffisent pas à faire regarder le refus de titre de séjour qui lui est opposé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, contraire aux stipulations précitées, ou comme étant entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet des Deux-Sèvres du 7 août 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme D... C..., présidente-assesseure,

Mme E... G..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2020.

Le rapporteur,

Sylvie G...

Le président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 20BX00085


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00085
Date de la décision : 08/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : ROBIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-08;20bx00085 ?
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