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08/10/2020 | FRANCE | N°19BX04345

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 08 octobre 2020, 19BX04345


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... I... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 28 janvier 2019 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et décision fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1902049 du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 novembre 2019, M. F... I..., rep

résenté par Me J..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... I... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 28 janvier 2019 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et décision fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1902049 du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 novembre 2019, M. F... I..., représenté par Me J..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 28 janvier 2019 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et décision fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à un nouvel examen de sa demande dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice d'incompétence de son auteur ;

- il n'a pas soulevé devant le tribunal administratif le moyen tiré de ce qu'il pouvait bénéficier d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante de l'Union répondant aux conditions posées par les 1° ou 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation de son épouse, de celle de ses deux fils et de sa propre situation ;

- il peut bénéficier d'un titre de séjour en sa qualité d'ascendant direct à charge de ses deux fils, qui satisfont tous deux à la condition posée par le 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ; le tribunal administratif a fait une inexacte appréciation des dispositions des 1° et 2° de l'article L. 121-1 ;

- le tribunal administratif a pris à tort en considération le niveau de ses ressources propres pour rejeter sa demande d'annulation du refus de titre de séjour en litige ;

- l'arrêté attaqué méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses écritures de première instance qu'il joint à son mémoire.

M. I... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2019.

Par ordonnance du 20 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 août 2020 à 12:00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendu au cours de l'audience publique.

- le rapport de Mme D... G...,

- et les observations de Me J..., représentant M. I....

Considérant ce qui suit :

1. M. I..., de nationalité jordanienne, né le 19 juin 1960, est entré en Italie le 28 août 2017 sous couvert d'un visa Schengen de court séjour portant la mention " famille E... " valable 90 jours. Il est arrivé en France à une date indéterminée. Le 15 septembre 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissante française sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, son épouse étant arrivée en France au mois de juillet 2017 avec deux de ses fils. Après avoir constaté que l'épouse de M. I... était de nationalité espagnole, le préfet de la Gironde a examiné la demande dans le cadre de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un enfant du couple, ressortissant espagnol, présent en France depuis 2014, ayant déclaré prendre en charge son père et sa mère. Par arrêté du 28 janvier 2019, le préfet de la Gironde a rejeté la demande de titre de séjour de M. I..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ou de tout autre pays où il établit être légalement admissible. M. I... relève appel du jugement du 5 juillet 2019 par lesquels le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions en annulation :

2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° (...) ". Selon l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " (...) ". En vertu de l'article L. 121-4 de ce code, les membres de la famille d'un ressortissant de l'Union européenne qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peuvent faire l'objet d'un refus de délivrance d'une carte de séjour.

3. Le ressortissant d'un État tiers ne dispose d'un droit au séjour en France en qualité d'ascendant direct d'un ressortissant de l'Union européenne en application des dispositions combinées des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que dans la mesure où son descendant direct remplit lui-même les conditions fixées au 1° ou au 2° de l'article L. 121-1 du même code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont alternatives et non cumulatives. S'agissant du 1°, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, doit être regardé comme travailleur, au sens du droit de l'Union européenne, toute personne qui exerce une activité réelle et effective, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles présentent un caractère purement marginal et accessoire.

4. Il ressort des pièces du dossier que le fils du requérant, M. K... C... H..., de nationalité espagnole, a travaillé régulièrement au cours des années 2017 et 2018, comme ouvrier viticole, manoeuvre ou manutentionnaire, auprès de plusieurs employeurs, dont la société Proman et la SARL Amin Fityani. Le préfet de la Gironde indique ainsi que l'intéressé a exercé plusieurs activités professionnelles de fin mars 2017 à fin janvier 2018, puis de la mi-mars 2018 au 17 octobre 2018. Toutefois, et contrairement à ce que soutient le préfet, l'intéressé a également exercé une activité professionnelle après le mois d'octobre 2018, comme en témoignent les bulletins de salaire qu'il a produits concernant les mois de novembre 2018, décembre 2018 et janvier 2019, établis par la société Proman et portant sur des salaires nets respectifs de 1 470,05 euros, 1 509,53 euros et 1 659,93 euros. Il est par ailleurs constant que M. C... H... a déclaré un total de " salaires et assimilés " d'un montant de 9 977 euros pour l'année 2017 et de 9 837 euros pour l'année 2018. Dans ces conditions, son activité professionnelle, alors même qu'elle lui procure des revenus modestes, ne peut être regardée comme purement marginale et accessoire.

5. Le fils de M. I... devait, dès lors, être regardé comme exerçant en France une activité professionnelle réelle et effective et, par suite, comme remplissant la condition prévue au 1° de l'article L.121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. I..., dont le préfet de la Gironde ne conteste pas qu'il est à la charge de son fils, est ainsi fondé à soutenir qu'il remplissait les conditions prévues au 4° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier d'un droit à séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois et qu'en lui opposant un refus de titre de séjour, le préfet de la Gironde a fait une inexacte application des dispositions précitées des articles L. 121-1 et L. 121-3 dudit code.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que M. I... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 28 janvier 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 121-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : "carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " (...) ".

8. Pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, l'annulation prononcée par le présent arrêt, eu égard au motif qui la fonde, implique que, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, le préfet de la Gironde délivre à M. I... une carte de séjour temporaire portant la mention " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ", d'une durée de validité correspondant à la durée de séjour envisagée de M. I..., dans la limite de cinq années. Il y a lieu d'adresser au préfet de la Gironde une injonction en ce sens et de fixer à deux mois le délai imparti pour son exécution. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette mesure d'exécution de l'astreinte demandée par le requérant.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée de 1 200 euros à verser à Me J..., avocat de M. I..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1902049 du tribunal administratif de Bordeaux du 5 juillet 2019 et l'arrêté du préfet de la Gironde du 28 janvier 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de de la Gironde de délivrer à M. I... une carte de séjour temporaire portant la mention " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " selon les modalités indiquées au point 8.

Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. I... la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... I..., au ministre de l'Intérieur et à Me J.... Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme B... A..., présidente-assesseure,

Mme D... G..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2020.

Le rapporteur,

Sylvie G...

Le président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 19BX04345


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04345
Date de la décision : 08/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CHAMBERLAND POULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-08;19bx04345 ?
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