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29/09/2020 | FRANCE | N°20BX00197

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 29 septembre 2020, 20BX00197


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 26 avril 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1904421 du 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 janvier 202

0, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 26 avril 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1904421 du 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 janvier 2020, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 décembre 2019 ;

2) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 26 avril 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a écarté comme inopérant son moyen tiré de la méconnaissance par le refus de titre de séjour des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il n'a pas sollicité un titre sur ce fondement ; il a en effet déposé, parallèlement à sa demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant, une demande de titre " vie privée et familiale " ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'étant majeur il ne peut plus bénéficier du regroupement familial, qu'il n'a plus aucune famille à Madagascar, que toute sa famille se trouve sur le territoire français, son père, sa mère et son frère ; il a aussi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né le 2 janvier 1995, de nationalité malgache, est entré en France le 30 août 2013 muni d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " valable jusqu'au 21 août 2014. Son titre de séjour portant la mention " étudiant " lui a été régulièrement renouvelé pour la période du 1er octobre 2014 au 1er octobre 2018. Le 24 septembre 2018, il a présenté une demande de renouvellement de son titre de séjour " étudiant ". M. D... relève appel du jugement du 6 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2019 du préfet de la Haute-Garonne qui a refusé de lui renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a reçu notification de l'arrêté en litige le 3 mai 2019 avec la mention des voies et délais de recours contre cet arrêté. Le requérant a adressé une demande d'aide juridictionnelle le 14 mai 2019, soit dans le délai de recours contentieux et le bureau de l'aide juridictionnelle a statué sur cette demande le 28 juin 2019. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de ce bureau, qui proroge le délai de recours, aurait été notifiée au requérant plus d'un mois avant la saisine du tribunal. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance doit être écartée.

Sur les conclusions en annulation de l'arrêté contesté :

En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour :

3. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Par ailleurs, le moyen tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'appui d'un recours formé contre une décision de refus de séjour motivée uniquement par une appréciation de la réalité et du sérieux des études poursuivies. Le même moyen est en revanche opérant à l'appui d'un recours formé contre une décision de refus de séjour opposée après que le préfet, statuant sur la demande de titre de séjour, a examiné d'office si l'étranger est susceptible de se voir délivrer un titre sur un autre fondement que les études poursuivies.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour uniquement en qualité d'étudiant étranger. S'il se prévaut d'une prise de rendez-vous fixé au 26 juin 2019 avec les services de la préfecture pour un changement de statut en vue de solliciter un titre de séjour " vie privée et familiale ", il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle demande aurait été présentée avant l'intervention de l'arrêté en litige du 26 avril 2019 dont les motifs ne font pas non plus apparaitre que le préfet a examiné le droit au séjour de M. D... au titre de la vie privée et familiale. Par suite, le préfet ne s'étant pas prononcé sur un fondement de délivrance d'un titre de séjour autre que celui de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le requérant ne peut utilement invoquer à l'encontre du refus de titre la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarder des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celle du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la légalité de la mesure d'éloignement et de la décision fixant le pays de destination :

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

6. Il est constant que M. D... est entré en France en août 2013, à l'âge de 18 ans, dans le but d'y suivre des études et qu'il a bénéficié à cette fin de titres de séjour " étudiant " régulièrement renouvelées jusqu'au 1er octobre 2018. S'il est vrai que par eux-mêmes, de tels titres, eu égard à leur objet, ne permettent pas au requérant de se prévaloir d'un droit au maintien de son séjour en France, il ressort toutefois des pièces du dossier que son père, sa mère et son frère résident régulièrement en France. Ainsi, la mère de M. D..., mariée à un ressortissant français, est titulaire d'une carte de résident et travaille au centre hospitalier universitaire de Mont-de-Marsan. Elle a aussi déposé une demande d'obtention de la nationalité française qui était en cours d'instruction à la date de la décision attaquée. Le père de M. D... vit en France où il exerce la profession de conducteur de taxi, a acquis la nationalité française et est marié avec une ressortissante française. Le frère de M. D..., entré en France dans le cadre du regroupement familial, est titulaire d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Ainsi, le requérant, dont la famille proche vit en France dans les conditions qui viennent d'être décrites, doit être regardé comme ayant dans ce pays, où il séjournait depuis plus de six ans à la date de la décision contestée, le centre de ses intérêts privés et familiaux. Dans ces conditions, M. D... est fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure d'éloignement a été prise et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, c'est à tort que le tribunal a rejeté les conclusions de M. D... tendant à l'annulation de la décision du 26 avril 2019 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, de la décision par laquelle il a fixé le pays de destination.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de destination.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas (...) ".

9. Le présent arrêt, qui prononce l'annulation de la mesure d'éloignement mais pas celle du refus de titre de séjour, n'implique pas nécessairement qu'il soit enjoint sous astreinte au préfet de délivrer au requérant un titre de séjour. En revanche, conformément aux dispositions précitées, il appartient au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'une nouvelle décision sur sa situation.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1904421 du 6 décembre 2019 du tribunal administratif de Toulouse, en tant qu'il a rejeté les conclusions de la requête de M. D... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination, est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 26 avril 2019 est annulé en tant qu'il fait obligation à M. D... de quitter le territoire français et fixe, par voie de conséquence, le pays de renvoi de la mesure d'éloignement.

Article 3 : Le préfet de la Haute-Garonne réexaminera la situation de M. D... et, dans l'attente, lui délivrera une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Article 4 : L'État versera à M. D... une somme de 1 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. B... A..., président assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

Le rapporteur,

Frédéric A...

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 20BX00197


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00197
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SEIGNALET MAUHOURAT

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-29;20bx00197 ?
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