La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2020 | FRANCE | N°19BX00490

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 29 septembre 2020, 19BX00490


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... J..., M. A... D... et Mme F... E... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 13 février 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Latresne a approuvé le plan local d'urbanisme, en sa totalité ou, à tout le moins, en ce qu'elle a grevé les parcelles cadastrées AM n° 1129a, AM n° 638 et AM n° 1129 d'un emplacement réservé n° 18, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1703718 du 6 décembre

2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... J..., M. A... D... et Mme F... E... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 13 février 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Latresne a approuvé le plan local d'urbanisme, en sa totalité ou, à tout le moins, en ce qu'elle a grevé les parcelles cadastrées AM n° 1129a, AM n° 638 et AM n° 1129 d'un emplacement réservé n° 18, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1703718 du 6 décembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 février 2019, M. J..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la délibération du 13 février 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Latresne a approuvé le plan local d'urbanisme en ce qu'elle a grevé les parcelles cadastrées AM n° 638 et AM n° 1129 dont il est propriétaire d'un emplacement réservé n° 18, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête d'appel est recevable car présentée dans le délai d'appel ;

- le tracé de l'emplacement réservé n° 18 n'a pas été soumis à enquête publique contrairement aux dispositions de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme ; après la fin de l'enquête publique, le commissaire enquêteur a interrogé le maire sur la lisibilité du plan de zonage et sur le tracé exact des emplacements réservés et le maire a donné un tracé de l'emplacement réservé n° 19 qui n'était pas celui figurant dans le plan de zonage arrêté et c'est ce nouveau tracé qui a été retenu pour l'emplacement réservé portant finalement le n° 18 ; cette modification après enquête n'est pas justifiée par le résultat de l'enquête ; elle méconnaît les articles L. 151-19 et L. 151-21 du code de l'urbanisme ;

- le tracé de cet emplacement réservé est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; dans son tracé initialement retenu, l'emplacement réservé, destiné à la création d'une voie de désenclavement de 10 mètres de large et au renforcement du réseau pluvial, longeait les parcelles au niveau des limites cadastrales alors que dans son tracé approuvé, il traverse certaines parcelles en leur milieu, ce qui n'est pas cohérent et ce qui est préjudiciable pour les propriétaires ; cette option a pour effet d'obliger à la création d'un nouveau carrefour potentiellement dangereux eu égard à la configuration des lieux ; cette succession de carrefours augmentera la dangerosité pour les automobilistes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2019, la commune de Latresne, représentée par la SCP CGCB et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. J... le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Par un courrier du 12 mars 2020, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article L. 6009 du code de l'urbanisme et invitées à présenter leurs observations sur ce point.

Par mémoire enregistré le 18 mars 2020, la commune de Latresne a présenté ses observations sur la mise en oeuvre de la procédure prévue par l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I... C...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., représentant M. J... et de Me B..., représentant la commune de Latresne.

Considérant ce qui suit :

1. Après l'annulation par le tribunal administratif de Bordeaux, les 16 avril 2015 et 30 juin 2015, du plan local d'urbanisme de la commune de Latresne approuvé le 28 février 2013, la commune a décidé la transformation de son plan d'occupation des sols en plan local d'urbanisme. Le plan local d'urbanisme a été approuvé par délibération du 13 février 2017. Trois propriétaires de parcelles situées sur le territoire de la commune, dont M. J..., ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation de la délibération du 13 février 2017, en sa totalité ou, à tout le moins, en ce qu'elle a grevé les parcelles cadastrées AM n° 1129a, AM n° 638 et AM n° 1129 d'un emplacement réservé n° 18, et à l'annulation de la décision implicite rejetant leur recours gracieux. M. J... fait appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté la demande et conclut à l'annulation de la délibération du 13 février 2017 en ce qu'elle a " grevé " les parcelles cadastrées AM n° 638 et AM n° 1129, dont il est propriétaire, d'un emplacement réservé n° 18, et de la décision implicite rejetant son recours gracieux. En qualité de propriétaire de parcelles situées sur le territoire de la commune, il a intérêt à l'annulation des décisions contestées en tant qu'elles portent sur l'approbation de l'emplacement réservé n° 18, alors même que, contrairement à ce qu'il soutient, cet emplacement réservé n'empiète pas sur sa propriété.

Sur la légalité des décisions contestées :

2. Aux termes de l'article L. 153-19 du code de l'urbanisme : " Le projet de plan local d'urbanisme arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou le maire ". En application de l'article L. 153-21 du même code, à l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par le conseil municipal lorsque le document d'urbanisme est élaboré sous la responsabilité de la commune.

3. Il est constant que le tracé de l'emplacement réservé qui portait initialement le numéro 19, et correspondant à un projet de création d'une voie de désenclavement d'une largueur de 10 mètres, a été déplacé, dans la version approuvée du plan local d'urbanisme, de plusieurs mètres vers le nord, de sorte que ce tracé se trouve longer par le sud des parcelles, dont celles de M. J..., alors que dans sa version issue du projet de plan arrêté, il était séparé de ces parcelles par les terrains contigus situés au sud de la propriété du requérant.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'enquête publique qui s'est déroulée du 7 novembre au 10 décembre 2016, des observations ont signalé une " anomalie " consistant en l'absence, sur le plan de zonage à l'échelle 1/5000, de la mention des numéros de plusieurs emplacements réservés, dont celui en litige, ainsi qu'un " ripage d'impression " ayant eu pour effet de décaler le tracé de cet emplacement réservé. Dans le courrier qu'il a adressé au maire le 19 décembre 2016, après la clôture de l'enquête, en application de l'article 6 de l'arrêté municipal du 6 septembre 2018 prescrivant l'enquête publique, le commissaire enquêteur a répercuté ces observations auprès du maire en ajoutant qu'il avait eu beaucoup de difficultés à repérer les terrains des pétitionnaires du fait des tracés peu visibles et des opérations non répertoriées sur le plan et qu'il souhaitait connaître le tracé exact de l'emplacement réservé en vue de la création de la voie de désenclavement projetée. Si dans sa réponse du 23 décembre 2016, le maire de Latresne s'est borné sur ce point à produire une vue aérienne sur laquelle était reporté le tracé de l'emplacement réservé concerné avec l'indication " je vous prie de bien vouloir trouver le tracé exact de l'emplacement réservé ci-dessous ", il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté par la commune, que ce tracé était non celui de l'emplacement réservé tel qu'il figurait dans le projet de plan local d'urbanisme arrêté et mis à l'enquête publique, mais un tracé différent, déplacé de plusieurs mètres vers le nord, qui a été finalement retenu dans la version approuvée du plan. Cette modification de tracé ne peut être regardée comme adoptée pour tenir compte des observations du public ou du rapport du commissaire enquêteur, lesquels, comme il a été dit, ne portaient pas sur le choix du tracé de l'emplacement réservé mais sur sa lisibilité. Par suite, M. J... est fondé à soutenir que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la délibération du 13 février 2017, en tant qu'elle approuve l'emplacement réservé n° 18, a méconnu les dispositions précitées. L'absence d'enquête publique ayant porté sur l'emplacement réservé tel qu'il a été retenu dans le plan local d'urbanisme approuvé sans que cette modification ne procède de l'enquête publique a eu pour effet de nuire à l'information complète du public et entache donc d'irrégularité la décision contestée.

5. Aux termes de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : 1° Des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics dont il précise la localisation et les caractéristiques (...) ".

6. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de présentation et du projet d'aménagement et de développement durables, que la création de l'emplacement réservé n° 18, destiné à la réalisation d'une voie de désenclavement, doit permettre la desserte d'un secteur enclavé compris entre la route de Brun, le chemin de Moulin de Rambal, le chemin de Pascot et le chemin de la Croix, en vue de renforcer les voies secondaires inter-quartiers et d'améliorer les liaisons intraurbaines. Comme l'a estimé le tribunal, la circonstance que la voie projetée empièterait sur certaines parcelles est par ellemême sans incidence sur la légalité de la décision de créer cet emplacement réservé, eu égard à l'objet et à la portée d'une telle décision. Par ailleurs, et alors même que le chemin existant desservant la propriété de M. J... et débouchant sur la route de Brun est actuellement peu emprunté au regard de la fréquentation attendue de la future voie et ne peut par lui-même, assurer de la sécurité du futur accès, il ne ressort d'aucun élément produit au dossier que le débouché de la voie de désenclavement sur la route de Brun présentera un danger pour les automobilistes, quand bien même il créera une nouvelle intersection environ 50 mètres au nord de celle de la route de Brun avec la rue Alphonse Daudet. Par suite, et en l'état du dossier, en retenant ce parti d'aménagement et en classant en emplacement réservé les parcelles retenues pour le tracé de cette future voie, la commune n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Si M. J... soutient que le tracé initialement retenu était préférable dès lors qu'il évitait la traversée de certaines parcelles et permettait un débouché au niveau de l'intersection avec la rue Alphonse Daudet, ce qui aurait évité la création d'un nouveau carrefour, il ressort des pièces du dossier que le tracé initial traversait pour partie des parcelles et la commune soutient quant à elle que le nouveau tracé est plus cohérent dès lors qu'il emprunte des chemins d'accès actuels au parcellaire. En tout état de cause, il n'appartient pas à la cour dans le présent litige d'apprécier l'opportunité du tracé choisi par rapport à d'autres tracés possibles.

Sur l'application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme :

7. Aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre (...) un plan local d'urbanisme (...), estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable (...) ". Eu égard à l'objet et à la portée de ces dispositions, il appartient à l'autorité compétente de régulariser le vice de forme ou de procédure affectant la décision attaquée en faisant application des dispositions en vigueur à la date à laquelle cette décision a été prise.

8. Le vice retenu au point 4 ci-dessus est susceptible d'être régularisé par l'organisation d'une enquête publique portant sur le tracé de l'emplacement réservé n° 18 et, ensuite, par une nouvelle délibération du conseil municipal confirmant la délibération attaquée en tant qu'elle approuve cet emplacement réservé. Il y a lieu, en l'espèce, de surseoir à statuer sur la requête d'appel de M. J... pendant un délai de quatre mois, en vue de la régularisation de la délibération contestée en tant qu'elle approuve l'emplacement réservé n° 18, en vue de permettre à la commune de Latresne de procéder à une nouvelle enquête publique sur ce point et de prendre une nouvelle délibération de son conseil municipal sur le classement des parcelles concernées par cet emplacement réservé telle qu'il avait été retenu par la délibération contestée.

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur l'appel de M. J... jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, imparti à la commune de Latresne pour notifier à la cour une délibération de son conseil municipal confirmant l'approbation de son plan local d'urbanisme en tant qu'il concerne l'emplacement réservé n° 18, après enquête publique sur ce point.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par la présente décision sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... J... et à la commune de Latresne.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme I... C..., président,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

Le président-assesseur,

Frédéric Faïck

Le président-rapporteur,

Elisabeth C... Le greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 19BX00490


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00490
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-02-02-16-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU). Application des règles fixées par les POS ou les PLU. Règles de fond. Règles applicables aux secteurs spéciaux. Emplacements réservés.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SCP KAPPELHOFF-LANCON THIBAUD VALDES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-29;19bx00490 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award