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24/09/2020 | FRANCE | N°20BX01335

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 24 septembre 2020, 20BX01335


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif D... d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter sans délai le territoire, a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné, et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1906282 du 6 novembre 2019 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif D... a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête, enregistrée le 11 avril 2020, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif D... d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter sans délai le territoire, a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné, et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1906282 du 6 novembre 2019 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif D... a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 avril 2020, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif D... du 6 novembre 2019 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de la Haute-Garonne du 2 novembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

3°) de condamner le préfet de la Haute-Garonne à verser à son conseil la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il faisait l'objet, à la date de son édiction, d'une décision de mise sous protection judiciaire pour une durée de deux ans et d'une décision de placement provisoire, ce qui faisait obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement ;

- le préfet a également commis une erreur de droit en ne statuant pas sur la demande d'admission exceptionnelle qu'il avait présentée en avril 2018 ;

- la mesure d'éloignement est de nature à comporter pour sa situation personnelle et familiale des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- cette mesure a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision refusant un délai de départ volontaire est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée pour prendre cette décision ;

- ladite décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation tant dans son principe que dans sa durée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen né en 2000, relève appel du jugement du 6 novembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif D... a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 2 novembre 2019 l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays à destination duquel il serait reconduit et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. La décision attaquée vise les textes dont il est fait application, mentionne les faits relatifs à la situation personnelle et administrative de M. B... et indique avec précision les raisons pour lesquelles le préfet de la Haute-Garonne a décidé de l'obliger à quitter sans délai le territoire français. Ces indications, qui ont permis à M. B... de comprendre et de contester les mesures prises à son encontre, étaient suffisantes alors même que cette décision ne fait pas état de la présence en France de son frère et de sa concubine, de ses liens avec son pays d'origine, de son parcours scolaire en France et de la demande d'admission exceptionnelle au séjour qu'il avait formulée en 2018. Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante de la décision contestée doit être écarté.

3. Contrairement à ce que soutient M. B..., qui a fait l'objet d'une audition par les services de police le 1er novembre 2019 au cours de laquelle il a pu exposer tous les éléments relatifs à sa situation, et notamment les conditions de sa venue en France et les liens existant avec son pays d'origine, la motivation de la décision contestée ne peut être regardée comme révélant un défaut d'examen particulier de sa situation et il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un tel examen avant de prendre la décision contestée.

4. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ".

5. Contrairement à ce que soutient M. B..., la mise sous protection judiciaire pour une durée de deux ans, prise à son égard le 27 avril 2018 par le tribunal pour enfants D..., et l'ordonnance aux fins de placement dans un lieu de vie pour une durée de quatre mois, prise par ce même tribunal le 12 octobre 2018, qui constituent des mesures d'accompagnement à visée éducative, ne font pas obstacle à son éloignement du territoire français. Par suite, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit en l'obligeant à quitter le territoire malgré ces mesures judiciaires.

6. Par ailleurs, si M. B... a présenté, au mois d'avril 2018, une demande d'admission exceptionnelle au séjour, le silence gardé par le préfet sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet qu'il n'a pas contestée. Par suite, le préfet a pu, sans entacher sa décision d'une erreur de droit, se fonder sur l'irrégularité du séjour de M. B... sur le territoire français pour édicter la mesure d'éloignement attaquée.

7. Si M. B... fait valoir qu'il est entré en France à l'âge de 12 ans, aucune pièce du dossier ne permet de corroborer cette allégation et il ne peut donc se prévaloir d'une présence de près de sept ans en France comme il le prétend. Par ailleurs, s'il a été confié à son frère aîné, qui réside à Toulouse, en vertu d'une décision d'une juridiction guinéenne du 16 juillet 2015, il ressort des pièces du dossier que M. B... a quitté très rapidement le domicile de son frère en raison de relations dégradées entre eux et qu'ils n'ont plus de contacts. En outre M. B..., qui a fait l'objet, en 2018, d'une condamnation à huit mois d'emprisonnement pour outrage et violence en récidive sur personne dépositaire de l'autorité publique et qui a été interpellé, encore pour des faits d'outrage sur personne dépositaire de l'autorité publique, le 1er novembre 2019, ne peut être regardé comme justifiant d'une volonté particulière d'insertion en France. Il ressort également des pièces du dossier qu'il n'est pas dépourvu d'attaches en Guinée où réside sa mère et une partie de sa fratrie. Enfin, si M. B... se prévaut d'une relation avec une jeune femme chez la mère de laquelle il serait hébergé, il se borne à produire une attestation de sa compagne rédigée en termes très généraux qui ne suffit pas à établir l'ancienneté et la stabilité de cette relation. Dans ces conditions, la mesure d'éloignement contestée ne peut être regardée comme portant au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise alors même que M. B... a été scolarisé pendant deux années en France et qu'il y a effectué quelques stages de courte durée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le préfet de la Haute-Garonne ne peut être regardé comme ayant fait une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....

En ce qui concerne la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire :

9. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

10. Pour décider de ne pas accorder de délai de départ volontaire à M. B..., le préfet s'est fondé sur la circonstance qu'il s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement. Ce motif était de nature à justifier cette décision alors même que M. B... disposait d'une copie de son passeport et d'une adresse déclarée. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier de la motivation de la décision contestée, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de l'intéressé ni qu'il se serait estimé en situation de compétence liée pour prendre une telle décision.

11. Les circonstances que M. B... aurait effectué des démarches pour régulariser sa situation et qu'il justifierait de garanties de représentation, notamment par la production d'une copie de son passeport, d'une attestation de son ambassade et d'une attestation d'hébergement, ne sont pas suffisantes pour considérer que le préfet aurait entaché sa décision de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

12. Ainsi qu'il a été dit précédemment, M. B..., dont la présence en France était, contrairement à ce qu'il soutient, relativement récente à la date de la décision contestée, ne justifie d'aucune attache suffisamment intense, stable et ancienne sur le territoire. Par suite, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif D... a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 2 novembre 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 27 août 2020 à laquelle siégeaient :

Mme C... A..., président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.

Le président-rapporteur,

Marianne A... Le président-assesseur,

Didier Salvi Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 20BX01335


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01335
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : BARBOT - LAFITTE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-24;20bx01335 ?
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