La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/09/2020 | FRANCE | N°20BX00924

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 24 septembre 2020, 20BX00924


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 mars 2019 par lequel la préfète de l'Aveyron a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai d'un mois, l'a assignée à résidence et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de 18 mois.

Par un jugement n° 1901328 du 10 février 2020 le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête, enregistrée le 6 mars 2020, et un mémoire, enregistré le 20 août 2020, Mme C..., repré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 mars 2019 par lequel la préfète de l'Aveyron a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai d'un mois, l'a assignée à résidence et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de 18 mois.

Par un jugement n° 1901328 du 10 février 2020 le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2020, et un mémoire, enregistré le 20 août 2020, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 février 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Aveyron du 8 mars 2019 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français, assignation à résidence et interdiction de retour sur le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aveyron, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêté à intervenir, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " activité non salarié " ou, à titre subsidiaire, d'examiner de nouveau sa demande de titre de séjour et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation lui permettant d'exercer son activité non salariée ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que c'est à tort que le tribunal a considéré que l'arrêté ne souffrait d'aucune insuffisance de motivation ni d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté litigieux méconnait les dispositions de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle séjourne en France de manière ininterrompue depuis près de 12 ans, qu'elle y a développé une activité professionnelle et qu'elle y est propriétaire d'une maison d'habitation ;

- l'arrêté méconnait également les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de sa situation personnelle et professionnelle et des graves dommages causés à sa propriété par l'écoulement de l'immeuble voisin.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2020, le préfet de l'Aveyron conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante ukrainienne née en 1969, relève appel du jugement du 10 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aveyron du 8 mars 2019 refusant de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " entrepreneur /profession libérale ".

Sur l'étendue du litige :

2. Par un jugement distinct n° 1901328 du 19 mars 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté les conclusions de Mme C... relatives, notamment, aux décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français, l'assignant à résidence et lui interdisant le retour sur le territoire français. Par la présente requête Mme C..., qui demande l'annulation du jugement du 10 février 2020, doit être regardée comme demandant également l'annulation de l'arrêté du 8 mars 2019 en tant qu'il porte refus de titre de séjour.

Sur la régularité du jugement :

3. A l'appui de son moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, Mme C... fait valoir que c'est à tort que le tribunal a considéré que l'arrêté ne souffrait d'aucune insuffisance de motivation ni d'erreur manifeste d'appréciation. Toutefois l'appréciation portée par les premiers juges sur ces éléments relève du bien-fondé du jugement et non de la régularité de celui-ci. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement ainsi soulevé par Mme C... doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

5. Si Mme C... est entrée régulièrement en France en octobre 2008 et a bénéficié de titres de séjour, pour y exercer une activité commerciale, jusqu'au 26 janvier 2011, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle s'y maintient de façon irrégulière depuis cette date en dépit de trois décisions portant refus de titre de séjour assorties de mesures d'éloignement prises à son encontre et du rejet des recours qu'elle avait formés contre ces décisions. Si Mme C... fait valoir également qu'elle séjourne en France de manière ininterrompue depuis près de douze ans et qu'elle est propriétaire d'une maison d'habitation qui a subi des désordres, toutefois, elle ne produit aucun document permettant de caractériser l'existence, en France, de liens personnels d'une intensité particulière, sa seule qualité de propriétaire n'étant pas suffisante pour caractériser de tels liens. Enfin, si Mme C... fait valoir qu'elle a développé une activité professionnelle de conseil en gestion en qualité d'auto-entrepreneur, toutefois ni les revenus que lui procure cette activité, dont les recettes déclarées se sont élevées à des montants de 10 820 euros pour l'année 2017 et d'environ 4 800 euros par trimestre pour l'année 2019, ni les quatre attestations peu circonstanciées qu'elle produit ne permettent de caractériser l'existence, en France, d'une activité professionnelle d'une nature telle qu'elle justifierait son maintien sur le territoire français. Dans ces conditions, la décision portant refus de séjour ne peut être regardée comme portant au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme C... une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ce refus. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ainsi que, en tout état de cause, celui tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, la préfète de l'Aveyron ne peut être regardée comme ayant fait une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision de refus de séjour sur la situation personnelle de M. C..., alors même que la procédure d'indemnisation des désordres subis par son habitation serait toujours en cours dès lors que ce refus ne fait pas obstacle à la poursuite de cette procédure.

7. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, les circonstances invoquées par Mme C... ne présentent pas le caractère de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Aveyron du 8 mars 2019 portant refus de séjour. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aveyron.

Délibéré après l'audience du 27 août 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... A..., président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.

Le président-rapporteur,

Marianne A... Le président-assesseur,

Didier Salvi

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 20BX00924


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00924
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : LAIFA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-24;20bx00924 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award