La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2020 | FRANCE | N°20BX00981

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 22 septembre 2020, 20BX00981


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 15 octobre 2019 par laquelle le préfet des Deux-Sèvres l'a obligée à quitter le territoire sans délai en fixant le pays de destination et l'a interdite de retour pour une durée de 1 an sur le territoire français.

Par un jugement n° 1902788 du 11 février 2019, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet des Deux-Sèvres de délivrer un titre de séjour " vie privée et

familiale à Mme A... B... dans le délai de 2 mois et a mis à la charge de l'Etat la som...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 15 octobre 2019 par laquelle le préfet des Deux-Sèvres l'a obligée à quitter le territoire sans délai en fixant le pays de destination et l'a interdite de retour pour une durée de 1 an sur le territoire français.

Par un jugement n° 1902788 du 11 février 2019, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet des Deux-Sèvres de délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale à Mme A... B... dans le délai de 2 mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2020, le préfet des Deux-Sèvres demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de rejeter les demandes de première instance présentées par Mme A... B... ;

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté du 15 octobre 2019 en estimant qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 8 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 25 août 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants des pays tiers résidents de longue durée ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... D...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante marocaine née le 7 mars 1996, est entrée en France en janvier 2013. Elle a obtenu un titre de séjour " étranger malade " valable à compter du 22 septembre 2015 et renouvelé jusqu'au 21 mars 2017. Le 19 janvier 2018, elle a sollicité une admission exceptionnelle au séjour. Par arrêté du 27 septembre 2018, le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et l'a obligée à quitter le territoire. Par arrêté du 15 octobre 2019, le préfet des Deux-Sèvres l'a obligée à quitter le territoire sans délai et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée d'un an avec signalement au fichier SIS. Le préfet des Deux-Sèvres relève appel du jugement du 11 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé ce dernier arrêté.

Sur le moyen retenu par les premiers juges :

2. Il résulte de l'instruction qu'à la date de l'arrêté attaqué, Mme A... B..., mère d'une jeune enfant née en 2017, résidait en France depuis presque 7 ans. Initialement placée le 12 septembre 2018 sous sauvegarde de justice, elle bénéficie depuis le 7 février 2019, sur la base d'un certificat médical délivré le 19 juillet 2018 par un médecin agréé, d'une mesure judiciaire de tutelle en vertu de laquelle elle est représentée de manière continue pour tous ses actes patrimoniaux et assistée pour les décisions relatives à sa personne. Son droit de vote a également été supprimé. Par ailleurs, le 27 septembre 2018, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées lui a reconnu un taux d'incapacité entre 50 et 75 % à raison de difficultés motrices dans la partie gauche de son corps. Toutefois, alors qu'elle réside dans un appartement mitoyen de son père, titulaire d'une carte de résident français, ce dernier n'est pas son tuteur légal et la requérante n'apporte aucun élément de nature à démontrer le soutien que celui-ci pourrait lui apporter. L'intéressée n'établit pas que la prise en charge de son handicap ne pourrait être effective qu'en France En outre, la communauté de vie de Mme A... B... avec son mari, titulaire d'un titre de séjour italien, n'est pas établie, la mère de la requérante a fait l'objet d'une mesure d'éloignement par arrêté du 27 septembre 2018 et la requérante est elle-même titulaire d'une carte de résident de longue durée-CE accordée par l'Italie. Dans ces circonstances, la décision obligeant la requérante à quitter le territoire français ne peut pas être regardée comme ayant porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. C'est ainsi à tort que tribunal administratif a considéré que l'arrêté du préfet des Deux-Sèvres du 15 octobre 2019 était intervenu en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens par lesquels Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 15 octobre 2019 par laquelle le préfet des Deux-Sèvres l'a obligée à quitter le territoire sans délai en fixant le pays de destination et l'a interdite de retour pour une durée d'un an sur le territoire français.

Sur les autres moyens :

4. En premier lieu, l'arrêté litigieux a été signé, pour le préfet des Deux-Sèvres, par Mme Anne Baretaud, secrétaire générale de la préfecture. Cette dernière a reçu délégation du préfet par un arrêté du 2 septembre 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, pour signer tous arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département des Deux-Sèvres. La police des étrangers ne figure pas au nombre des attributions exceptées de cette délégation de signature. Le moyen tiré de l'incompétence, qui manque en fait, doit donc être écarté.

5. En deuxième lieu, l'arrêté contesté vise notamment les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il mentionne les circonstances de fait relatives à la situation administrative et personnelle de Mme A... B.... Ainsi, la décision comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui la fondent de sorte que le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

6. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur la situation de Mme A... B... doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2 du présent arrêt.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-CE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée : 1° Une carte de séjour temporaire portant la mention "visiteur" s'il remplit les conditions définies à l'article L. 313-6 ; 2° Une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" s'il remplit les conditions définies au I et aux 2°, 3° ou 5° du II de l'article L. 313-7 ; 3° Une carte de séjour temporaire portant la mention "scientifique-chercheur" s'il remplit les conditions définies à l'article L. 313-8 ; 4° Une carte de séjour temporaire portant la mention "profession artistique et culturelle" s'il remplit les conditions définies à l'article L. 313-9 ; 5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 313-10. ". Si Mme A... B... fait valoir qu'elle aurait dû bénéficier d'un titre de séjour de plein droit faisant obstacle à une mesure d'éloignement et à une interdiction de retour sur le territoire français dès lors qu'elle était en possession d'une carte de résident italienne, il est constant qu'elle n'a pas présenté une telle demande dans les trois mois qui ont suivi son entrée en France. Par suite, la détention par Mme A... B... d'une carte de résident italienne ne faisait pas obstacle à la décision en litige portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II) " et aux termes de l'article 25 de la convention d'application de l'accord Schengen " 2. Lorsqu'il apparaît qu'un étranger titulaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par l'une des Parties Contractantes est signalé aux fins de non-admission, la Partie Contractante signalante consulte la Partie qui a délivré le titre de séjour afin de déterminer s'il y a des motifs suffisants pour retirer le titre de séjour. Si le titre de séjour n'est pas retiré, la Partie Contractante signalante procède au retrait du signalement, mais peut cependant inscrire cet étranger sur sa liste nationale de signalement. ".

9. L'interdiction de retour sur le territoire français assignée à Mme A... B... dont résulte un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen expose celle-ci au retrait de son titre de séjour délivré par les autorités italiennes. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que la délivrance d'une carte de séjour italienne fait obstacle à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Deux-Sèvres est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 15 octobre 2019.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par Mme A... B... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 février 2019 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par Mme A... B... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme E... A... B... F... en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. C... D..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 septembre 2020.

Le rapporteur,

Nicolas D...Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00981


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00981
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-22;20bx00981 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award