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22/09/2020 | FRANCE | N°20BX00621

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 22 septembre 2020, 20BX00621


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 août 2019 par lequel la préfète de la Gironde a décidé son transfert aux autorités portugaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile et d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer une attestation de demande d'asile et un formulaire de demande d'asile destiné à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette at

tente une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 72 heures à compter de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 août 2019 par lequel la préfète de la Gironde a décidé son transfert aux autorités portugaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile et d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer une attestation de demande d'asile et un formulaire de demande d'asile destiné à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 72 heures à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1904262 du 9 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 février 2020, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 9 septembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 août 2019 par lequel la préfète de la Gironde a décidé son transfert aux autorités portugaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile ;

3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer une attestation de demande d'asile et un formulaire de demande d'asile destiné à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 72 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Il soutient que :

- à défaut de preuve de la présence physique d'un interprète au moment de la notification de l'arrêté en cause, les articles L. 111-8 et L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- cet acte est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- l'arrêté comporte une erreur de fait dès lors qu'il comporte l'indication d'une entrée irrégulière en France le 22 janvier 2019 tout en faisant état d'un visa portugais valable du 10 janvier 2019 au 23 février 2019 ;

- il connaît des problèmes de santé et se trouve en état de vulnérabilité ; sa situation justifie donc l'application de la clause dérogatoire prévue par l'article 17-1 du règlement n° 604/2013 ; l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle puisqu'il ne comprend pas le portugais et ne peut subsister au Portugal.

Par un mémoire, enregistré le 10 mars 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés et produit notamment des pièces indiquant que M. C... a été déclaré comme étant en fuite et que le délai de transfert a été en conséquence prolongé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2020.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... D..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant angolais, a déclaré être entré en France le 22 janvier 2019 et a déposé une demande d'asile le 27 mars 2019 à la préfecture de la Gironde. Le relevé de ses empreintes décadactylaires ayant mis en évidence qu'il était titulaire d'un visa périmé délivré par les autorités portugaises valable du 10 janvier 2019 au 23 février 2019, le préfet de la Gironde, par un arrêté du 21 août 2019 a décidé de son transfert aux autorités portugaises. Le 10 mars 2020, le préfet a informé ces dernières que l'intéressé ne s'était pas présenté aux convocations dont il a fait l'objet et devait être regardé comme ayant pris la fuite. Le préfet a prorogé au 11 mars 2021 le délai du transfert. M. C... relève appel du jugement en date du 9 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de transfert.

2. En premier lieu, au soutien du moyen tiré de l'insuffisante motivation et de l'absence d'examen particulier de sa situation le requérant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas la réponse apportée par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend en faire application doit se voir communiquer les principaux éléments de la décision dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. L'exigence de traduction éventuellement nécessaire constitue non une simple mesure d'exécution mais une garantie essentielle de la procédure conduisant à lui donner tous ses effets. Par suite, le défaut de cette garantie est de nature à affecter la légalité de la décision de transfert.

4. L'article L. 111-8 du même code dispose : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ".

5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux a été notifié en main propre à l'intéressé le 21 août 2019 et a bénéficié à cette occasion de l'assistance téléphonique d'un interprète mandaté par l'association " ISM interprétariat ". La seule circonstance qu'il n'a pas été justifié de la nécessité d'utiliser un service d'interprétariat par téléphone est sans influence sur la légalité de la décision en litige dès lors que le requérant ne soutient ni n'allègue avoir été privé d'une garantie. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière.

6. En troisième lieu, la circonstance que M. C... doive faire l'objet d'un suivi médical pour des troubles psychiatriques et une insuffisance veineuse ne fait pas obstacle à son transfert vers le Portugal, pays disposant d'une offre de soins permettant au requérant d'être pris en charge, et n'est pas de nature, à elle-seule, à établir que le préfet de la Gironde aurait méconnu les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ou aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que l'intéressé serait dans l'incapacité de voyager. Le fait que M. C..., qui ne parle pas français, ne parle pas non plus portugais est sans incidence.

7. En quatrième et dernier lieu, ainsi que le soutient le requérant, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté critiqué indique que l'intéressé disposait d'un visa portugais valable du 10 janvier 2019 au 23 février 2019 et qu'il a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 22 janvier 2019. A supposer que le préfet de la Gironde ait retenu, à tort, que M. C... était en situation irrégulière lors de son entrée en France le 22 janvier 2019, il ressort des pièces du dossier que la décision contestée a été adoptée aux seuls motifs que M. C... étant titulaire d'un visa portugais périmé depuis moins de six mois, le Portugal était l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile que M. C... a déposée en application des dispositions de l'article 12-4 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé et qu'aucun élément de fait et de droit caractérisant la situation de l'intéressé ne relevait des dérogations prévues aux articles 17-1 et 17-2 du même règlement. Dans ces circonstances, il résulte de l'instruction que le préfet de la Gironde aurait régulièrement adopté la même décision s'il n'avait pas retenu que M. C... était entré de manière irrégulière en France.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. E... D..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 septembre 2020.

Le rapporteur,

Stéphane D... Le président,

Philippe PouzouletLe greffier,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 20BX00621


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00621
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : LAMPE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-22;20bx00621 ?
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