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22/09/2020 | FRANCE | N°19BX04137

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 22 septembre 2020, 19BX04137


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 17 octobre 2017 par laquelle le directeur territorial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile.

Par un jugement n° 1705798 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 novembre 2019, M. C..., représenté pa

r Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 17 octobre 2017 par laquelle le directeur territorial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile.

Par un jugement n° 1705798 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 novembre 2019, M. C..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 juin 2019 ;

2°) d'annuler la décision du directeur territorial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 17 octobre 2017 ;

3°) d'enjoindre au directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile et de procéder rétroactivement au versement de l'allocation pour demandeur d'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision refusant le bénéfice des conditions matérielles d'accueil :

- elle est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnel ;

- le directeur territorial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) s'est estimé tenu de lui refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile ;

- cette décision est privée de base légale : l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est contraire aux objectifs de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale dès lors que cette dernière ne prévoit pas la possibilité de refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à un demandeur d'asile mais uniquement la possibilité de les limiter ; en outre, ce refus est contraire aux objectifs énoncés par la directive qui visent à garantir un niveau de vie digne aux demandeurs d'asile ;

- cette décision méconnaît l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur d'appréciation : il a eu de grandes difficultés à obtenir des informations sur le droit d'asile en France ; ce n'est que lors de sa présentation en préfecture en septembre 2017, soit 5 mois après son arrivée en France, qu'il a été informé de la possibilité qu'il avait de solliciter l'asile et il a ensuite été réorienté vers la plateforme d'accueil des demandeurs d'asile ; en outre, cette décision le place dans une extrême précarité ;

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mars 2020, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 9 mars 2020, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 avril 2020 à 12h00.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... B..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 26 janvier 1971, est entré en France le 9 avril 2017. Il a sollicité le bénéfice de l'asile le 25 septembre 2017. Par une décision du 17 octobre 2017, le directeur territorial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile. M. C... relève appel du jugement du 13 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. A l'appui de sa demande, M. C... soutenait notamment que la décision du 17 octobre 2017 par laquelle le directeur territorial de l'OFII lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile méconnaissait l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, son jugement doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Toulouse et en appel.

Sur la légalité de la décision attaquée :

4. Aux termes du préambule de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " (...). / (25) Il convient de limiter les possibilités d'abus du système d'accueil en précisant les circonstances dans lesquelles le bénéfice des conditions matérielles d'accueil pour les demandeurs peut être limité ou retiré, tout en garantissant un niveau de vie digne à tous les demandeurs. (...). ". L'article 20 de cette directive dispose : " (...). / 2. Les États membres peuvent aussi limiter les conditions matérielles d'accueil lorsqu'ils peuvent attester que le demandeur, sans raison valable, n'a pas introduit de demande de protection internationale dès qu'il pouvait raisonnablement le faire après son arrivée dans l'État membre. (...). / 5. Les décisions portant limitation ou retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil ou les sanctions visées aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 du présent article sont prises au cas par cas, objectivement et impartialement et sont motivées. Elles sont fondées sur la situation particulière de la personne concernée, en particulier dans le cas des personnes visées à l'article 21, compte tenu du principe de proportionnalité. Les États membres assurent en toutes circonstances l'accès aux soins médicaux conformément à l'article 19 et garantissent un niveau de vie digne à tous les demandeurs. (...). ".

5. Aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : (...) ; / 3° Refusé si le demandeur présente une demande de réexamen de sa demande d'asile ou s'il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2. / La décision de suspension, de retrait ou de refus des conditions matérielles d'accueil est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. / La décision est prise après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations écrites dans les délais impartis. (...). ". L'article L. 723-2 de ce code disposait, dans sa version applicable au litige : " (...). / III. - L'office statue également en procédure accélérée lorsque l'autorité administrative chargée de l'enregistrement de la demande d'asile constate que : (...) ; / 3° Sans motif légitime, le demandeur qui est entré irrégulièrement en France ou s'y est maintenu irrégulièrement n'a pas présenté sa demande d'asile dans le délai de cent vingt jours à compter de son entrée en France ; (...). ".

6. En premier lieu, il résulte de l'article 20 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 que s'il est possible dans des cas exceptionnels et dûment justifiés de refuser les conditions matérielles d'accueil à un demandeur d'asile, ce refus ne peut intervenir qu'après examen de la situation particulière de la personne et être motivé.

7. D'une part, la décision attaquée mentionne que M. C... est entré en France le 9 avril 2017 et qu'il s'y est maintenu irrégulièrement durant plus de cent vingt jours sans présenter de demande d'asile, sans motif légitime, et précise que, selon les dispositions des articles L. 744-8 et D. 744-37 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cela constitue un motif de refus du bénéfice des conditions matérielles d'accueil. Cette décision fait également état de ce que l'OFII a notifié à l'intéressé, par un courrier du 25 septembre 2017, son intention de lui refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil et lui a indiqué qu'il disposait d'un délai de 15 jours pour lui faire parvenir des observations. La décision attaquée comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.

8. D'autre part, il ressort de la motivation de la décision attaquée que le directeur territorial de l'OFII s'est livré à un examen particulier de la situation personnelle de M. C....

9. En deuxième lieu, les dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version issue de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015, prévoient que le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être refusé si le demandeur n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai de cent vingt jours à compter de son entrée en France. Cette hypothèse correspond à celle fixées par le 2. de l'article 20 de la directive 2013/33/UE. Par ailleurs, ces mêmes dispositions précisent que la décision de refus est écrite et motivée et prend en compte la vulnérabilité du demandeur. Dès lors, ces dispositions, applicables à la date de la décision en litige, sont compatibles avec les objectifs de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 en ce qui concerne le refus du bénéfice des conditions d'accueil qui peut être refusé au demandeur d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait privée de base légale ne peut qu'être écarté.

10. En troisième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le directeur territorial de l'OFII se serait estimé tenu de refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile à M. C....

11. En dernier lieu, M. C..., qui est entré en France le 9 avril 2017, déclare qu'il a obtenu les informations relatives au droit d'asile en France lors de sa présentation en préfecture en septembre 2017, soit au-delà du délai de 120 jours prévu par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées. Toutefois, si l'intéressé soutient ainsi qu'il a eu de grandes difficultés à obtenir des informations sur le droit d'asile en France, ces allégations ne sont corroborées par aucune des pièces du dossier. En outre, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la décision attaquée le placerait dans une situation d'extrême précarité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celui tiré de l'erreur d'appréciation doivent être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 17 octobre 2017 par laquelle le directeur territorial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1705798 du tribunal administratif de Toulouse du 13 juin 2019 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus des conclusions d'appel du requérant sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au directeur territorial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de Toulouse.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. D... B..., président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 septembre 2020.

Le rapporteur,

Dominique B...

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04137


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04137
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-06-02


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-22;19bx04137 ?
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