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22/09/2020 | FRANCE | N°18BX02604

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 22 septembre 2020, 18BX02604


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Agence aquitaine de promotion agroalimentaire (AAPRA) a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'une part, d'annuler la décision du 17 septembre 2015, valant titre exécutoire, par laquelle le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (ci-après FranceAgriMer) lui a demandé de reverser la somme de 210 385,45 euros correspondant à une aide indûment perçue, et la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur son recours graci

eux réceptionné le 12 novembre 2015, d'autre part, de la décharger de l'obli...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Agence aquitaine de promotion agroalimentaire (AAPRA) a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'une part, d'annuler la décision du 17 septembre 2015, valant titre exécutoire, par laquelle le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (ci-après FranceAgriMer) lui a demandé de reverser la somme de 210 385,45 euros correspondant à une aide indûment perçue, et la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur son recours gracieux réceptionné le 12 novembre 2015, d'autre part, de la décharger de l'obligation de payer la somme de 210 385,45 euros.

Par un jugement n° 1601038 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces décisions et déchargé l'AAPRA de l'obligation de payer la somme de 210 385,45 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2018, et un mémoire enregistré le 22 janvier 2020, FranceAgriMer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 mai 2018 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de rejeter la demande l'AAPRA ;

3) subsidiairement, pour le cas où la cour viendrait à confirmer les motifs retenus par le jugement, subordonner la décharge définitive de la somme litigieuse à la condition qu'il n'ait pas émis dans le délai qu'elle lui aura imparti un nouveau titre purgé du vice tenant à l'absence de motivation relevée par le jugement ;

4°) de mettre à la charge de l'AAPRA la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, il ne vise ni n'analyse les moyens des parties ;

- le tribunal a considéré à tort que la décision du 17 septembre 2015 était insuffisamment motivée en droit ;

- dès lors qu'il est de jurisprudence constante que les décisions conditionnelles ne créent de droits au profit de leur bénéficiaire que dans la seule mesure où celui-ci respecte les conditions posées par les textes et qu'il est apparu que les conditions posée pour le bénéfice de l'aide communautaire en cause n'ont pas été respectée, la décision en litige ne saurait être regardée comme retirant une décision créatrice de droits ;

- la décision n'avait pas à être motivée mais seulement à indiquer les bases de la liquidation de la dette en application des dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012, anciennement article 81 du décret du 29 décembre 1962 ;

- en tout état de cause, la décision en litige est suffisamment motivée en droit alors d'ailleurs que de nombreux échanges ont eu lieu durant la phase contradictoire, dès la notification du procès-verbal de constat à l'AAPRA, exposant les éléments de fait et droit justifiant la demande de reversement.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 23 décembre 2019 et 2 septembre 2020, l'AAPRA devenue l'agence de l'alimentation Nouvelle Aquitaine (ci-après l'AANA), représentée par Me E... conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer et subsidiairement au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de France AgriMer la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que, la prescription lui étant acquise, la cour administrative d'appel de Bordeaux doit prononcer un non-lieu à statuer et que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 23 décembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 23 janvier 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 ;

- le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 ;

- le règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- l'arrêté ministériel du 17 avril 2009 définissant les conditions de mise en oeuvre de la mesure de soutien aux investissements éligibles au financement par les enveloppes nationales en application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole ;

- les décisions du directeur général de FranceAgriMer INTERNATIONAL/SAITL/C 2009-43 du 14 décembre 2009 et INTERNATIONAL/SAITL/D 2010-52 du 4 août 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G... H...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- les observations de Me F..., représentant FranceAgriMer,

- et les observations de Me E..., représentant l'AAPRA.

Une note en délibéré présentée par Me E... représentant l'AAPRA a été enregistrée le 10 septembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Par convention signée le 27 septembre et le 12 octobre 2010 relative au soutien d'un programme pour la promotion hors de l'Union européenne de vins bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée, ou de vins dont le cépage est indiqué, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a attribué à l'association Agence aquitaine de promotion agroalimentaire (AAPRA) qui a pour objet la promotion des produits agricoles et agro-alimentaires de la région Aquitaine, ainsi que des entreprises de cette même région intervenant dans ce secteur, une aide de l'Union européenne d'un montant maximal de 640 350 euros, représentant 50 % du montant des dépenses éligibles. La période d'exécution du programme s'étendait du 4 mai 2010 au 1er mai 2013. L'AAPRA a perçu la somme totale de 544 143,93 euros, en trois versements des 6 octobre 2010, 7 décembre 2012 et 5 avril 2013. Toutefois, à la suite d'un contrôle sur place ayant eu lieu du 14 au 16 octobre 2013 suivi d'une procédure contradictoire, le directeur général de FranceAgriMer, par une décision du 17 septembre 2015 valant titre exécutoire, a demandé à l'AAPRA de reverser la somme de 210 385,45 euros correspondant au montant de l'aide indûment perçue de 168 308,36 euros, et au montant des pénalités de 42 077,09 euros. FranceAgriMer relève appel du jugement du 2 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a d'une part, annulé la décision du 17 septembre 2015 et la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur son recours gracieux réceptionné le 12 novembre 2015, d'autre part, déchargé l'AAPRA de l'obligation de payer la somme de 210 385,45 euros.

Sur la prescription du reversement de l'aide :

2. Aux termes de l'article 1er du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes : " 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue ". Aux termes de l'article 3 du même règlement : " 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1. Toutefois, les réglementations sectorielles peuvent prévoir un délai inférieur qui ne saurait aller en deçà de trois ans. / Pour les irrégularités continues ou répétées, le délai de prescription court à compter du jour où l'irrégularité a pris fin. Pour les programmes pluriannuels, le délai de prescription s'étend en tout cas jusqu'à la clôture définitive du programme. / La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif. / (...) / 3. Les États membres conservent la possibilité d'appliquer un délai plus long que celui prévu respectivement au paragraphe 1 et au paragraphe 2 ".

3. En l'absence d'un texte spécial fixant, dans le respect du principe de proportionnalité, un délai de prescription plus long pour le reversement des aides accordées, dans le cadre de l'organisation commune du marché vitivinicole, en vue de la promotion de la vente des vins sur les marchés tiers, seul le délai de prescription de quatre années prévu au premier alinéa du 1 de l'article 3 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 cité ci-dessus est applicable.

4. Il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que le titre de recettes en litige du 17 septembre 2015 a interrompu le délai de prescription de 4 ans dont disposait l'établissement FranceAgriMer pour demander le reversement de la somme de 210 385,45 euros correspondant à une aide indûment perçue. Contrairement à ce que soutient l'intimée, l'annulation par le tribunal administratif de Bordeaux, le 2 mai 2018, du titre de recettes émis le 17 septembre 2015 n'a pas pour conséquence que ce dernier est réputé n'avoir jamais existé et que cette situation ferait obstacle à ce que lui soit attaché un effet interruptif de prescription dès lors que ce jugement, frappé d'appel devant la cour administrative d'appel de Bordeaux, ne présente pas un caractère définitif. Ainsi, la poursuite du reversement de la subvention par FranceAgriMer n'est pas prescrite depuis le 17 septembre 2019.

Sur la régularité du jugement irrégulier :

5. Aux termes des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administration : " La décision [...] contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ".

6. Il résulte de l'examen de la minute du jugement que celui-ci comporte l'analyse des moyens des mémoires échangés entre les parties. La circonstance que cette analyse ne figurait pas dans l'expédition de ce jugement adressée à France AgriMer est sans effet sur la régularité du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

7. Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, alors applicable : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) - (...) imposent des sujétions ; / - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

8. La décision par laquelle l'autorité administrative compétente notifie au bénéficiaire d'une décision créatrice de droits au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, telle que celle accordant une aide, qu'elle retire cette dernière, même si elle est accompagnée ou suivie de l'émission d'un titre exécutoire, est susceptible d'un recours contentieux et doit être motivée selon les modalités prévues par ces mêmes dispositions. Le titre exécutoire pris pour le remboursement de l'aide, qui n'entre dans aucune des catégories de décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, doit être motivé selon les modalités prévues par les dispositions spécifiques du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. Il peut être contesté selon les règles fixées par les articles 117 et 118 de ce décret.

9. La décision du directeur général de FranceAgriMer du 17 septembre 2015 qui a pour objet de tirer les conséquences du contrôle de l'aide versée à l'AAPRA sur la période du 4 mai 2010 au 31 décembre 2011 mentionne quatre anomalies intitulées respectivement " Conservation d'une partie de l'aide versée sans production de justificatifs probants quant à la réalisation d'actions de promotion et reversement partiel des subventions à des opérateurs participants ayant présenté individuellement les mêmes aides ", " Cumul de financement sur les dépenses Ubifrance ", " Remises octroyées par la SOPEX non déduites des dépenses présentées à l'aide " et " Erreur de conversion monétaire ". Ces anomalies sont suffisamment motivées en fait en ce qu'elles indiquent les phases du programme d'action de promotion qui sont concernées, les raisons pour lesquelles les dépenses sont inéligibles et le montant total des sommes à restituer, soit en principal 168 308,36 euros. En outre, la décision en litige vise le procès-verbal de notification du rapport de contrôle ex-post du 12 février 2014, adressé à l'AAPRA dans le cadre de la procédure contradictoire de contrôle préalable, qui justifie les manquements en cause par référence au cadre juridique complet de l'octroi et du contrôle de l'aide décliné en son annexe 1 et notamment les règlements CE n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008, CE n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008, le décret n° 2009-178 du 16 février 2009, le décret n° 2010-1327 du 5 novembre 2010, plusieurs décisions et notes de l'organisme payeur aux opérateurs ainsi que la convention signée les 27 septembre et 12 octobre 2010 entre les deux parties qui met en oeuvre le programme de promotion des vins dont les modalités de soutien ont été définies par une décision du directeur de FranceAgriMer du 4 août 2010 mentionnée dans les visas de la convention. Ce rapport de contrôle mentionne aussi expressément en son point 1.2.3, comme fondement juridique du contrôle, les articles R. 622-46, R. 622-47, R. 622-49 et R. 671-1 du code rural et de la pêche maritime précisant les dispositions du règlement n° 485/2008 du Conseil. L'ensemble de ces dispositions communautaires, réglementaires et conventionnelles comporte un énoncé suffisant des considérations de droit susceptibles de fonder la décision en litige intervenue à l'issue d'une procédure contradictoire ayant permis à l'association bénéficiaire de l'aide de comprendre tous les motifs de droit comme de fait justifiant le retrait partiel de cette subvention. Dès lors, la décision du 17 septembre 2015 est suffisamment motivée au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979. C'est ainsi à tort que, pour annuler cette décision et la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur son recours gracieux réceptionné le 12 novembre 2015 et, de plus, pour décharger l'AAPRA de l'obligation de payer la somme de 210 385,45 euros " sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ", le tribunal administratif s'est fondé sur le seul motif tiré du défaut de motivation de la décision du 17 septembre 2015 du directeur général de FranceAgriMer.

10. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens par lesquels l'AAPRA devenue l'AANA a contesté la décision du 17 septembre 2015.

En ce qui concerne la légalité externe de la décision attaquée :

11. En application des dispositions de l'article D. 62127 du code rural et de la pêche maritime, le directeur général de FranceAgriMer, ordonnateur principal des recettes et des dépenses de l'établissement, peut déléguer sa signature aux agents placés sous son autorité. Par une décision du 27 février 2015 publiée au bulletin officiel du ministère de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt n° 13 du 26 mars 2015, le directeur de FranceAgriMer a donné délégation à Mme J... A..., chef de l'unité Suites de contrôles et auteur de la décision querellée, à l'effet de signer les actes relevant des attributions de son unité, laquelle a notamment en charge le suivi des contrôles réalisés après paiement des aides aux bénéficiaires au titre du règlement (CE) n° 485/2008. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée, qui manque en fait, doit être écarté.

12. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable public : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de liquidation ". Ainsi, tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

13. Il résulte de l'instruction, que le titre de recettes litigieux qui correspond à la récupération d'aides versées sur les phases I et II du programme d'action de promotion en Chine, au Brésil et aux Etats-Unis, dans le cadre de la convention signée les 27 septembre et 12 octobre 2010 désigne l'ordonnateur et le redevable, indique le montant global à percevoir, mentionne comme objet " Demande de reversement " et indique enfin, pour chacune des anomalies, tant le montant de la somme à restituer que les motifs justifiant cette décision. En outre, le détail précis de l'assiette de liquidation figure dans les annexes jointes au titre de recettes et notamment l'annexe 3 de synthèse qui précise pour chaque salon international en cause et chacune des anomalies relevées, les montants devant être restitués au titre des années en litige. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des bases de liquidation de cette décision doit dès lors être écarté.

14. Aux termes de l'article R. 622-50 alors en vigueur du code rural et de la pêche maritime : " Les agents de l'établissement mentionné à l'article L. 313-1, ceux de l'établissement mentionné à l'article L. 621-1, y compris ceux relevant de ses services régionaux en application de l'article L. 621-6, et ceux de l'établissement mentionné à l'article R. 684-1 peuvent réaliser auprès des exploitants, des entreprises et de tout organisme ayant un lien direct ou indirect avec les missions relevant de la compétence de l'établissement, tout contrôle portant, d'une part, sur les missions relevant de la compétence de celui-ci en vertu de la réglementation communautaire ou nationale et, d'autre part, sur les missions qui lui ont été déléguées. / Cette mission leur est confiée par une décision du directeur général de l'établissement, qui précise leur compétence territoriale. A l'exception des agents non titulaires affectés à des activités saisonnières ou occasionnelles, ils sont assermentés dans les conditions prévues à l'article R. 622-47 (...) " ; l'article R. 622-47 du même code prévoit : " Avant d'entrer en fonctions, les agents mentionnés à l'article R. 622-46 présentent au tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils sont domiciliés leur acte de désignation et prêtent devant lui le serment ci-après : "Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions et de ne rien révéler ou utiliser, directement ou indirectement même après la cessation de mes fonctions, de ce qui aura été porté à ma connaissance à l'occasion de leur exercice". / La prestation de serment n'est pas renouvelée en cas de changement de grade, d'emploi ou de résidence de l'agent ".

15. Il résulte de l'instruction que Madame I... B... et Monsieur C... D..., contrôleurs d'opérations affectés à la mission de contrôle des opérations dans le secteur du Contrôle général économique et financier, qui ont procédé à la vérification de l'emploi des aides perçues par l'AAPRA ont été dûment assermentés respectivement les 6 novembre 2009 et 25 mai 2007 devant le tribunal de grand instance de Paris. Par suite, le moyen tiré de ce que ces deux agents n'auraient pas été habilités à procéder au contrôle manque en fait.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision attaquée :

S'agissant de l'exception d'illégalité des décisions du directeur général de FranceAgriMer INTERNATIONAL/SAITL/C 2009-43 du 14 décembre 2009 et INTERNATIONAL/SAITL/D 2010-52 du 4 août 2010 :

16. Si la méconnaissance du cadre juridique de la demande de répétition des aides rappelé au point 10 du présent arrêt est de nature à elle seule à justifier, au titre de l'anomalie n° 1 la totalité des rappels en cause, les anomalies n° 2 et 4 dont l'assiette se confond avec celle de l'anomalie n° 1 ont également pour fondement respectif les décisions du directeur général de FranceAgriMer INTERNATIONAL/SAITL/C 2009-43 du 14 décembre 2009 et INTERNATIONAL/SAITL/D 2010-52 du 4 août 2010.

17. Si, dans le cadre de la contestation de ces circulaires à caractère réglementaire par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre la décision administrative ultérieure prise pour son application ou dont il constitue la base légale, la légalité des règles fixées par ces actes réglementaires, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont ils seraient entachés ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.

18. L'arrêté interministériel du 17 avril 2009 définit, ainsi que le précise son article 1er, les conditions et les modalités de mises en oeuvre de la mesure communautaire de soutien financier aux investissements dans les entreprises viticoles et prévoit, à son article 4, que : " Peuvent faire l'objet d'une aide les dépenses admissibles visées aux articles 17 et 18 du règlement (CE) n° 555/2008 et correspondant à des dépenses relatives : / - aux étapes dites "amont" de la production, destinées au conditionnement et au stockage de petits contenants ; / - à la construction de bâtiments correspondant à la fois aux étapes "amont" et "aval" / La liste des investissements éligibles est fixée par la circulaire du directeur de FranceAgriMer ". L'article 6 de l'arrêté prévoit que " la mesure visée à l'article 1er du présent arrêté est mise en oeuvre dans les conditions ci-après : (...) 2. L'aide est attribuée sur décision du directeur de l'établissement désigné à l'article 2, après avis de la commission composée d'experts. (...) 3° L'aide est accordée sous forme de subvention. Le bénéficiaire de l'aide aux investissements peut demander le versement d'une avance (...) 4° Les modalités de versement de l'aide sont fixées soit par une convention établie entre l'établissement désigné à l'article 2 et le bénéficiaire de l'aide, soit par une décision du directeur de cet établissement. (...) L'ensemble des dispositions du présent article sont précisées par la circulaire du directeur de l'établissement désigné à l'article 2 ". Dès lors que ces dispositions autorisent le directeur de FranceAgriMer à préciser les conditions et modalités d'attribution des aides aux investissements, les deux décisions invoquées par le requérant présentent un caractère règlementaire. Le délai de recours contentieux contre ces décisions règlementaires ayant expiré, l'AANA ne peut utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 17 septembre 2015 le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du comité spécialisé des filières de vins et des produits de la vigne. En tout état de cause, contrairement à ce que prétend l'AANA, chacune de ces deux décisions à caractère règlementaire a été soumise au comité spécialisé des filières de vins et des produits de la vigne qui a rendu ses avis respectivement le 14 octobre 2009 et le 21 juillet 2010.

S'agissant de l'éligibilité aux aides à la promotion des dépenses en litige :

19. Il appartient au bénéficiaire des aides en cause de justifier, en application notamment de l'article 5 de la convention bipartite précitée, de la réalisation effective des actions de promotion au titre desquelles il perçoit celles-ci ainsi que de l'éligibilité des dépenses exposées, notamment au regard de leur nature et du lieu où elles ont été engagées.

Sur l'absence de justificatifs probants quant à la réalisation d'actions de promotion et le reversement partiel des subventions à des opérateurs participants ayant présenté individuellement les mêmes aides :

20. Il résulte, d'une part, de l'instruction que les résultats du contrôle entrepris ont conduit au constat que 6 factures d'un montant total de 138 798,36 euros ayant pour objet de promouvoir la vente de vin disposant d'une appellation d'origine contrôlée dans des salons qui se sont tenus en Chine, au Brésil et aux Etats-Unis étaient assorties de pièces justificatives révélant que le montant alloué par l'AAPRA aux destinataires finaux des aides ne correspondait pas à l'aide qu'elle a reçue de FranceAgriMer, car l'association déduisait de l'assiette de l'aide reversée à ses clients les frais de déplacement supportés par ces derniers. L'aide nette allouée à l'AAPRA n'aurait donc pas dû prendre en compte les frais de déplacements supportés par ces clients. L'AAPRA ne justifie pas davantage, par les pièces qu'elle produit, et notamment des tableaux, des factures et des relevés bancaires ne permettant aucun recoupement, avoir pris en charge les frais de déplacement supportés par sa clientèle et notamment la société Aquitaine Wine Cie.

21 Il résulte, d'autre part, de l'instruction que les résultats du contrôle entrepris ont conduit au constat que certaines entreprises ont été identifiées comme bénéficiaires d'aides ayant le même objet que celles versées à l'AAPRA à raison de factures établies par cette dernière ou de frais de déplacement et d'hébergement sur les salons dont il résultait un double financement d'un montant de 29 510 €. Contrairement à ce que soutient l'AAPRA, l'établissement FranceAgriMer n'a pas fondé sa décision sur le risque de double financement mais sur un double financement effectif. Et la circonstance que les sociétés à qui l'AAPRA a reversé les aides pour leur action sur les salons, auraient méconnu leur engagement contractuel envers l'AAPRA de ne pas déposer de demandes de subventions identiques ne fait pas obstacle à la répétition de la part indue de l'aide.

Sur le cumul de financement sur les dépenses Ubifrance :

22. Il résulte, d'une part, de l'instruction que la décision précitée du 14 décembre 2009 prévoit en son point IV que " L'aide accordée aux entreprises ne pourra pas être cumulée avec, ou complétée, par une aide nationale (Etat, Région, et autre collectivités territoriales publiques) ni par l'aide accordée dans le cadre de dossiers relevant de la catégorie de bénéficiaires organisations professionnelles et interprofessions. Elle est donc exclusive de ces aides concernant les dépenses retenues dans l'assiette de l'aide. En tout état de cause la participation de l'entreprise doit être égale à 50 % du programme des dépenses retenues ". Ainsi qu'il a été dit au point 18 ci-dessus, FranceAgriMer justifie d'une base règlementaire l'autorisant à demander le remboursement de la somme de 81 128 euros portant sur des factures Ubifrance relatives à l'organisation des salons " TOP WINE Pékin " de 2010 à 2011, " WORLD WINE MEETING " Chicago 2011 et " EXPOVINS Sao Paulo " 2011 qui ont fait l'objet d'un financement national et bénéficié, par suite, d'un cumul irrégulier de financement.

23. Il résulte, d'autre part, de l'instruction que la facture de 16 200 euros émise par la société Ubifrance pour des " rencontres industrielles dans le cadre européen " n'est pas de nature, compte tenu de son imprécision, à justifier la réalisation effective d'une action de promotion lors du salon de Chicago de 2010. Contrairement à ce que soutient la requérante, la répétition de l'aide à hauteur 8 100 euros est donc justifiée.

Sur les remises octroyées par la SOPEXA non déduites des dépenses présentées à l'aide :

24. Il résulte de l'instruction que le reversement de la somme de 138 798,36 euros est également dûment justifié, à hauteur de 15 557,81 euros correspondant à l'anomalie n° 3, par la prise en compte des remises octroyées, en vertu de convention permanentes, par la SOPEXA et non déduites des dépenses de l'AAPRA présentées à l'aide. En effet, ces remises ont réduit la part des dépenses effectivement supportées par l'AAPRA et, par suite, elles ne devaient pas être incluses dans l'assiette de l'aide, quel qu'ait été leurs modalités retenues dans ces conventions permanentes.

En ce qui concerne l'application de la sanction :

25. Aux termes de l'article 98 du règlement (CE) n° 555/2008 du 27 juin 2008 : " Sans préjudice des sanctions décrites dans le règlement (CE) no 479/2008 ou dans le présent règlement, les États membres prévoient l'application de sanctions, au niveau national, pour les irrégularités commises à l'égard des exigences énoncées dans le règlement (CE)

no 479/2008 et dans le présent règlement, qui soient effectives, proportionnées et dissuasives de manière à assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés ". L'article 5 bis de l'arrêté du 16 février 2009, dans sa rédaction applicable, dispose en outre : " En application des dispositions de l'article 98 du règlement (CE) n° 555/2008, des sanctions sont appliquées par l'établissement créé en application de l'article L. 621-1 du code rural et de la pêche maritime selon les modalités décrites ci-après : / Lorsque le montant d'aide calculé sur la base d'un contrôle sur place, réalisé avant ou après le paiement de l'aide par tout organe de contrôle compétent, est inférieur au montant d'aide initialement retenu par FranceAgriMer sur la base de l'instruction des éléments recevables des demandes de paiement introduites par le bénéficiaire, le taux d'anomalie calculé à partir de l'écart ainsi constaté (montant écart/ montant initialement retenu × 100) conduit aux mesures suivantes : / - lorsque le taux d'anomalie est inférieur ou égal à 5 %, l'aide est arrêtée au montant calculé après contrôle sur place ; / - lorsque le taux d'anomalie est supérieur à 5 % et inférieur ou égal à 10 %, le montant d'aide calculé après contrôle sur place est diminué de 5 % du montant de l'écart constaté ; / - lorsque le taux d'anomalie est supérieur à 10 % et inférieur ou égal à 25 %, le montant d'aide calculé après contrôle sur place est diminué de 10 % du montant de l'écart constaté ; / - lorsque le taux d'anomalie est supérieur à 25 % et inférieur ou égal à 50 %, le montant d'aide calculé après contrôle sur place est diminué de 25 % du montant de l'écart constaté ; / - au-delà de 50 %, le montant d'aide calculé après contrôle sur place est diminué de 50 % du montant de l'écart constaté, le montant de la diminution est plafonné au montant de l'aide calculé après contrôle sur place ; / - lorsqu'il est établi que l'écart constaté résulte d'une fausse déclaration du bénéficiaire constituée par la fourniture intentionnelle de données erronées dans la demande de paiement, le montant d'aide calculé après contrôle sur place est diminué du montant total de l'écart constaté. Si cette diminution conduit à un montant d'aide positif, aucun paiement n'est dû. Si cette diminution conduit à un montant d'aide négatif, le bénéficiaire est tenu de verser ce montant négatif. (...) ".

26. Les dispositions précitées de l'arrêté du 16 février 2009, qui sont suffisamment claires et prévisibles, prévoient une modulation de la sanction en fonction du montant de l'anomalie constatée et du comportement du bénéficiaire. A ce titre, si l'application de cette sanction présente un caractère automatique, elle est nécessairement en rapport avec les faits imputables au bénéficiaire et constatés lors du contrôle. En outre, il ressort des termes mêmes des dispositions précitées que l'application de cette sanction fait l'objet d'une modulation, selon que la bonne foi du contrevenant est établie ou non. Enfin, le juge, en statuant sur le bien-fondé, en son principe et en son montant, des actions en recouvrement d'aides regardées comme indues par l'autorité chargée du contrôle de ce dispositif, et donc sur le taux d'anomalie au sens de l'article 5 bis de l'arrêté du 16 février 2009 précité, ainsi que, le cas échéant, sur la bonne foi du bénéficiaire mis en cause, peut ainsi adapter les pénalités à la gravité des agissements commis par le redevable.

27. L'AAPRA s'est vu appliquer une sanction de 42 077,09 euros correspondant à 25 % des sommes exclues des dépenses éligibles à la suite du contrôle ayant révélé des anomalies dont le montant de 168 308 euros représente 30,92 % de l'aide global de 544 193,33 euros. Dans ces conditions, alors même que la bonne foi de l'AAPRA n'a pas été remise en cause, la sanction litigieuse n'est pas, par elle-même, disproportionnée.

28. Il résulte de tout ce qui précède, que FranceAgriMer est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Bordeaux a d'une part, annulé la décision du 17 septembre 2015 et la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur son recours gracieux réceptionné le 12 novembre 2015, d'autre part, déchargé l'AAPRA de l'obligation de payer la somme de 210 385,45 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

29. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de FranceAgriMer qui n'est pas la partie perdante quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par l'AANA et non compris dans les dépens.

30. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AANA une somme de 1 500 euros à verser à FranceAgriMer en application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 mai 2018 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par l'association Agence aquitaine de promotion agroalimentaire devenue l'agence de l'alimentation Nouvelle Aquitaine sont rejetées et la somme de 210 385,45 euros est remise à la charge de l'agence de l'alimentation Nouvelle Aquitaine.

Article 3 : L'agence de l'alimentation Nouvelle Aquitaine versera la somme de 1 500 euros à l'établissement FranceAgriMer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer et à l'agence de l'alimentation Nouvelle Aquitaine.

Copie en sera adressée au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. G... H..., premier conseiller,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 septembre 2020.

Le rapporteur,

Nicolas H...Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02604


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02604
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation - Motivation suffisante - Existence.

Agriculture et forêts - Exploitations agricoles - Aides de l'Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET GOUTAL ALIBERT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-22;18bx02604 ?
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