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29/07/2020 | FRANCE | N°19BX04812,19BX04813

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 29 juillet 2020, 19BX04812,19BX04813


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... H... B... et Mme M'A... D... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 2 juillet 2019 par lesquels le préfet du Tarn a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an.

Par des jugement n° 1903806 et n° 1903807 du 30 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tri

bunal administratif de Toulouse a rejeté ces requêtes.

Procédure devant la cour :

I....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... H... B... et Mme M'A... D... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 2 juillet 2019 par lesquels le préfet du Tarn a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an.

Par des jugement n° 1903806 et n° 1903807 du 30 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ces requêtes.

Procédure devant la cour :

I. - Par une requête enregistrée le 19 décembre 2019 sous le n° 19BX04812 et des pièces complémentaires enregistrées le 27 mai 2020, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 30 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étranger malade " ou tout autre titre qu'il plaira à la cour dans le délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la décision portant refus de séjour porte atteinte à son droit à mener une vie privée et familiale normale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il se trouve en situation régulière sur le territoire national et qu'il peut bénéficier de plein droit de l'attribution d'un titre de séjour ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par les critères fixés par les dispositions des a et e du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'un défaut de base légale ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2020, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions de la requête tendant à l'annulation des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont privées d'objet dès lors que le couple a quitté le territoire français ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

II. - Par une requête enregistrée le 19 décembre 2019 sous le n° 19BX04813 et des pièces complémentaires enregistrées le 27 mai 2020, Mme M'A... D... épouse B..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 30 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Tarn du 2 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'étranger malade ou tout autre titre de séjour dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle invoque les mêmes moyens que ceux soulevés dans la requête n° 19BX04812.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2020, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions de la requête tendant à l'annulation des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont privées d'objet ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme G... C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., ressortissants guinéens, ont sollicité le 27 novembre 2018 la délivrance d'un titre de séjour respectivement en qualité d'étranger malade et d'accompagnant d'étranger malade. Par deux arrêtés du 2 juillet 2019, le préfet du Tarn a refusé de leur délivrer les titres sollicités, les a obligés à quitter le territoire français sans délai, a fixé comme pays de renvoi la Guinée (Conakry) et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Sous les n° 19BX04812 et 19BX04813, M. et Mme B... relèvent respectivement appel des jugements n° 1903806 et n° 1903807 du 30 octobre 2019 par lesquels le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs requêtes tendant à l'annulation de ces arrêtés. Ces requêtes sont relatives à la situation d'un même couple et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur les exceptions de non-lieu :

2. La circonstance que M. et Mme B... auraient exécuté l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de chacun d'eux ne rend pas sans objet les conclusions de chacune de leur requête dirigées contre cette décision. Par suite, les conclusions aux fins de non-lieu à statuer présentées par le préfet doivent être rejetées.

Sur le bien-fondé des jugements :

3. Les arrêtés attaqués visent les textes dont il est fait application, mentionnent les faits relatifs à la situation personnelle et administrative de M. et Mme B... et indiquent avec précision les raisons pour lesquelles le préfet du Tarn a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter sans délai le territoire français et a pris à leur encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an. Ces indications, qui ont permis à M. et Mme B... de comprendre et de contester les mesures prises à leur encontre, étaient suffisantes alors même que les pièces médicales produites par M. B... ne sont pas mentionnées. Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante des arrêtés contestés doit être écarté.

S'agissant des décisions de refus de titre de séjour :

4. Il ne ressort ni des pièces du dossier ni des mentions portées sur les décisions portant refus de séjour, lesquelles exposent, ainsi qu'il a été dit, les éléments relatifs à la situation personnelle des requérants, qu'elles n'auraient pas été précédées d'un examen sérieux de leur situation.

5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, par son avis du 3 juin 2019, le collège de médecins de Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. B..., atteint d'hypertension artérielle, d'un diabète de type II non insulino-dépendant et ayant fait l'objet en France d'une prostatectomie radicale, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays. M. B... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les conclusions de cet avis dès lors que les certificats médicaux qu'il produit font seulement apparaître qu'à la suite de cette prostatectomie, son état ne nécessite plus qu'un suivi régulier et qu'il ne produit aucun élément démontrant que ce suivi ne pourrait pas être assuré en Guinée. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision refusant à M. B... un titre de séjour serait entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées doit être écarté.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'accompagnante de son époux, lequel sollicitait la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, et Mme B... ne soutient pas que son état de santé personnel nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, elle ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. et Mme B... ne se prévalent d'aucune attache familiale en France hormis la soeur de la requérante, sur la situation de laquelle ils ne fournissent aucun élément. Par ailleurs, ils ne sont pas isolés dans leur pays d'origine, où résident leurs enfants selon les indications portées dans la demande de titre de séjour de M. B... et selon les déclarations de Mme B... lors de son audition par les services de la police le 2 juillet 2019. Enfin, M. et Mme B..., qui sont entrés en France très récemment, ont passé la majeure partie de leur vie en Guinée où ils ont résidé, selon leurs déclarations, jusqu'à l'âge de 69 ans et de 53 ans. Par suite, les décisions portant refus de titre de séjour ne peuvent être regardées comme portant à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs des refus. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont seraient entachées ces décisions doivent être écartés.

10. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

11. A l'appui de leur moyen tiré de ce que les décisions portant refus de séjour seraient entachées d'erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées, M. et Mme B... ne font valoir aucune autre circonstance que leur situation familiale et l'état de santé de M. B.... Toutefois, pour les motifs exposés aux points précédents, ces circonstances ne caractérisent aucune considération humanitaire ni circonstance exceptionnelle. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen.

12. A l'appui de leur contestation de la légalité du refus de titre de séjour, M. et Mme B... ne peuvent utilement faire valoir qu'ils sont entrés régulièrement en France et que leur visa de séjour n'étaient pas expirés à la date des arrêtés attaqués dès lors que ces décisions ne sont pas fondées sur ce motif.

13. Enfin, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'appui de la contestation des décisions portant refus de titre de séjour.

S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

14. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français seraient privées de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour doit être écarté.

15. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que M. et Mme B... ne peuvent bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. B... ne peut non plus bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° du même article. Par suite, le moyen tiré de ce qu'ils ne pouvaient faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'ils entraient dans un des cas prévus de délivrance de plein droit d'un titre de séjour doit être écarté.

16. M. et Mme B..., qui ne justifient pas être entrés régulièrement en France faute d'avoir souscrit à la déclaration d'entrée prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen et dont les demandes de titre de séjour ont été rejetées, entrent dans les cas visés au 1° et 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans lequel le préfet peut obliger un étranger à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français seraient entachées d'erreur de droit eu égard à la régularité des conditions de leur entrée en France doit être écarté.

S'agissant des décisions de refus d'octroi d'un délai de départ :

17. Il résulte des mentions mêmes des décisions attaquées que le préfet ne s'est pas estimé tenu de refuser d'octroyer un délai de départ volontaire à M. et Mme B.... Par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait sur ce point entaché sa décision d'erreur de droit doit être écarté.

18. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que les décisions portant refus d'octroi d'un délai seraient privées de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

19. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou s'il a fait usage d'un tel titre ou document (...) ".

20. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport établi par la cellule de fraude documentaire de la police de l'air et des frontières et des déclarations faites le 2 juillet 2019 par les requérants et alors que les autorités guinéennes consultées via l'ambassade de France en Guinée n'ont pas authentifié les documents produits, que M. et Mme B... ont fait, à deux reprises, usage de documents d'identité et de voyage falsifiés ou indûment obtenus, ce qui autorisait le préfet à faire application des dispositions précitées. Ses décisions n'apparaissent pas disproportionnées eu égard aux buts poursuivis par ce texte qui vise à empêcher l'usage de faux documents aux fins d'obtention d'un titre de séjour et ne sont pas entachées d'erreur d'appréciation.

S'agissant des décisions fixant le pays de destination :

21. Si M. et Mme B... soutiennent que les décisions fixant la Guinée comme pays de destination des mesures d'éloignement auraient été prises en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ils ne font valoir aucun élément permettant de tenir pour établi qu'ils seraient personnellement exposés à des risques en cas de retour dans leur pays d'origine. Le moyen tiré de ce que M. B... ne pourrait y bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé, doit en tout état de cause, pour les motifs exposés au point 6, être écarté.

S'agissant des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :

22. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

23. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que les décisions seraient privées de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

24. Compte tenu de la situation de M. et Mme B... ainsi qu'elle a été exposée précédemment, notamment en l'absence de tout lien d'une intensité particulière en France, les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ne peuvent être regardées comme étant entachées d'erreur d'appréciation.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté chacune de leur requête. Il y a lieu de rejeter par voie de conséquence leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.

Sur les frais liés au litige :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie présente dans les présentes instances, les sommes que demandent M. et Mme B... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 19BX04812 et n° 19BX04813 sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... H... B..., à Mme M'A... D... épouse B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020 à laquelle siégeaient :

Mme G... C..., président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juillet 2020.

Le président-rapporteur,

Marianne C...Le président-assesseur,

Didier Salvi

Le greffier,

Stéphan Triquet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19BX04812, 19BX04813


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04812,19BX04813
Date de la décision : 29/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CANADAS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-29;19bx04812.19bx04813 ?
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