Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté n° PC 033 146 11 S0023 du 26 juillet 2016 par lequel le maire de Cussac-Fort-Médoc a refusé de lui délivrer le permis de construire qu'elle avait sollicité pour la réalisation d'une maison d'habitation sur le lot C de la parcelle ZX 115p située au lieu-dit " Neurin Sud ", ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1604900 du 5 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et a enjoint au maire de Cussac-Fort-Médoc, sous réserve que Mme D... ne dépose pas une demande d'autorisation portant sur un nouveau projet, de réexaminer la demande initiale de celle-ci sur le fondement des dispositions d'urbanisme applicables à la date de la décision annulée, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2016 sera devenue définitive.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 juin 2018, la commune de Cussac-Fort-Médoc, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 avril 2018 ;
2°) de rejeter la demande de Mme D... ;
3°) de mettre à la charge de Mme D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a sous-estimé les éléments qu'elle avait apportés pour attester l'existence d'un risque sanitaire lié à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques en matière viticole ;
- les moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2018, M. et Mme D..., représentés par Me A..., concluent, à titre principal, au rejet de la requête et demandent à la cour, à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2016 du maire de Cussac-Fort-Médoc ainsi que la décision de rejet du recours gracieux, d'enjoindre au maire de leur délivrer le permis de construire dans un délai de deux mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, en tout état de cause, de condamner la commune de Cussac-Fort-Médoc à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête de la commune est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reprendre les arguments développés devant le tribunal administratif sans critiquer le jugement ;
- le refus de permis de construire est entaché d'une erreur de droit dès lors que le principe de précaution n'est pas applicable en l'espèce dans la mesure où il ne concerne que les risques de dommages causés à l'environnement et non pas ceux causés à la santé humaine et où les connaissances scientifiques en matière de dérives atmosphériques des produits phytopharmaceutiques ne permettent pas de justifier l'application du principe de précaution ;
- le refus est entaché d'une erreur de fait ;
- la commune a fait une mauvaise interprétation des dispositions du plan local d'urbanisme applicables ;
- la commune n'a pas répondu à sa proposition d'édifier un mur de protection au droit de sa propriété.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment la Charte de l'environnement ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public ;
- et les observations de Me C..., représentant la commune de Cussac-Fort-Médoc, et celles de Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté n° PC 033 146 11 S0023 du 26 juillet 2016 le maire de Cussac-Fort-Médoc a refusé de délivrer à Mme D... le permis de construire qu'elle avait sollicité pour la réalisation d'une maison d'habitation sur le lot C de la parcelle ZX 115p située au lieu-dit " Neurin Sud ". La commune de Cussac-Fort-Médoc demande à la cour d'annuler le jugement n° 1604900 du 5 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 26 juillet 2016 et lui a enjoint de réexaminer la demande de Mme D....
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité, le maire de Cussac-Fort-Médoc a considéré " que la trop forte proximité entre la limite de la parcelle viticole et la construction projetée engendre des risques sanitaires pour les futurs occupants de la dite construction, que nul ne peut ignorer, et qu'au nom du principe de précaution, la présente demande d'autorisation d'urbanisme ne peut faire l'objet d'une acceptation, sans que le pétitionnaire n'ait modifié substantiellement l'implantation de la dite construction ".
3. Aux termes de l'article 1er de la Charte de l'environnement : " Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ". Aux termes de son article 5 : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ". Aux termes de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme applicable en l'espèce : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement ". L'article L. 110-1 du code de l'environnement définit le principe de précaution comme le principe " selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ". S'il appartient à l'autorité administrative compétente de prendre en compte ce principe lorsqu'elle se prononce sur l'octroi d'une autorisation délivrée en application de la législation sur l'urbanisme, ces dispositions ne permettent pas, indépendamment des procédures d'évaluation des risques et des mesures provisoires et proportionnées susceptibles, le cas échéant, d'être mises en oeuvre par les autres autorités publiques dans leur domaine de compétence, de refuser légalement la délivrance d'une autorisation d'urbanisme en l'absence d'éléments circonstanciés faisant apparaître, en l'état des connaissances scientifiques, des risques, même incertains, de nature à justifier un tel refus.
4. En l'espèce, s'il est constant que les produits phytosanitaires ou phytopharmaceutiques utilisés pour le traitement de la vigne présentent, par eux-mêmes, un risque pour la santé, la circonstance que le terrain d'implantation de la construction envisagée, situé en zone UB du plan d'occupation des sols de la commune, soit contigu à une parcelle viticole, dont il n'est d'ailleurs ni allégué, ni au demeurant établi qu'elle ferait l'objet de traitements phytopharmaceutiques en dépit des mentions du jugement du tribunal, ne caractérise pas, à elle seule, un risque de nature à justifier légalement le refus, au titre du principe de précaution, de délivrer l'autorisation d'urbanisme sollicitée dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'était pas légalement possible de subordonner la délivrance de cette autorisation à la réalisation, par la pétitionnaire, d'aménagements ou de travaux limités permettant d'assurer la protection de la santé des occupants futurs au regard du risque lié à l'activité agricole exercée à proximité, notamment, comme le suggérait Mme D..., par l'édification d'un mur en limite des parcelles agricoles et le " renforcement " de la haie arbustive déjà existante. Par suite, c'est à tort que, pour refuser d'accorder le permis de construire sollicité, le maire s'est fondé sur le seul motif tiré de l'application du principe de précaution.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que la commune de Cussac-Fort-Médoc n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté pris par le maire le 26 juillet 2016 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de Mme D....
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Cussac-Fort-Médoc demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune la somme de 800 euros au bénéfice de Mme D... sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Cussac-Fort-Médoc est rejetée.
Article 2 : La commune de Cussac-Fort-Médoc versera à Mme D... la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et à la commune de Cussac-Fort-Médoc.
Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Gay-Sabourdy, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 29 juillet 2020.
Le rapporteur,
F...
Le président,
Marianne Hardy
Le greffier,
Stéphan Triquet
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX02247