La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2020 | FRANCE | N°19BX01918

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 10 juillet 2020, 19BX01918


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'article 3 de l'arrêté du 25 avril 2017 par lequel le maire de la commune de Peyzac-Le-Moustier lui a délivré un permis de construire pour la réhabilitation et l'extension d'une maison d'habitation.

Par un jugement n° 1702410 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet article.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2019, et un mémoire complément

aire, enregistré le 9 juin 2020, la commune de Peyzac-Le-Moustier, représentée par Me E..., de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'article 3 de l'arrêté du 25 avril 2017 par lequel le maire de la commune de Peyzac-Le-Moustier lui a délivré un permis de construire pour la réhabilitation et l'extension d'une maison d'habitation.

Par un jugement n° 1702410 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet article.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 9 juin 2020, la commune de Peyzac-Le-Moustier, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 mars 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme G... devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) de mettre à la charge de Mme G... une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maire a été habilité par le conseil municipal pour la représenter devant la cour ;

- le tribunal n'a pas examiné la fin de non-recevoir, qu'elle a soulevée dans un mémoire qui n'est pas mentionné dans le jugement, tirée de l'indivisibilité du permis en litige ;

- l'article 3 du permis en litige, dont l'intimée a seulement demandé l'annulation, n'était pas divisible du reste de l'acte ;

- l'intimée n'a pas satisfait aux obligations que lui imposait l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- la prescription en litige a pour but de s'assurer que la rampe d'accès privée illégalement construite en 2015 entre les parcelles cadastrées AC n° 301 et 316, qui est dangereuse, ne soit pas utilisée pour accéder au projet ;

- la prescription en litige permet d'assurer un passage aisé des véhicules ainsi que la tranquillité du voisinage direct ;

- le chemin rural que la prescription en litige impose d'emprunter est parfaitement praticable ;

- les autres moyens soulevés dans la demande de première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 24 janvier 2020, Mme C... épouse G..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Peyzac-Le-Moustier une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le maire n'a pas été habilité pour faire appel ;

- les moyens soulevés par la commune requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant la commune de Peyzac-Le-Moustier.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... a déposé, le 27 janvier 2017, une demande de permis de construire pour la réhabilitation et l'extension d'une maison d'habitation sur un terrain situé à Peyzac-Le-Moustier (Dordogne). Par un arrêté du 25 avril 2017, le maire lui a délivré ce permis en l'assortissant de deux prescriptions. La commune de Peyzac-Le-Moustier relève appel du jugement du 12 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé, à la demande de Mme G..., la prescription prévue à l'article 3, relative à l'accès au projet.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. Par délibération du 5 avril 2019, le conseil municipal de Peyzac-Le-Moustier a régulièrement habilité le maire à faire appel du jugement attaqué. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée en défense doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Dans son mémoire, enregistré au greffe du tribunal le 12 février 2019, dont le visa par le jugement attaqué est au demeurant affecté d'une erreur de plume quant à cette date d'enregistrement, la commune soutenait que la demande de Mme G... devait être rejetée au motif qu'elle tendait à l'annulation du seul article 3 du permis de construire alors que cette disposition était indivisible de l'autorisation. Les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme G... devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Sur la recevabilité de la demande de Mme G... :

5. D'une part, le titulaire d'une autorisation d'urbanisme est recevable à demander l'annulation d'une ou de plusieurs prescriptions dont celle-ci est assortie. Dès lors, Mme G... est recevable à demander l'annulation du seul article 3 du permis de construire qui lui a été accordé, lui imposant une prescription quant à l'accès du projet.

6. D'autre part, aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d'aménager ou de démolir (...) ".

7. Ces dispositions visent, dans un but de sécurité juridique, à permettre au bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme, ainsi qu'à l'auteur de cette décision, d'être informés à bref délai de l'existence d'un recours contentieux dirigé contre elle. En revanche, elles n'exigent pas que le bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme notifie à l'auteur de cette décision le recours contentieux qu'il forme pour la contester lorsqu'elle est assortie de prescriptions ou pour contester ces prescriptions elles-mêmes. Dès lors, Mme G... n'était pas tenue de notifier à la commune sa demande tendant à l'annulation de l'article 3 du permis de construire qui lui a été accordé.

8. Dans ces conditions, les deux fins de non-recevoir opposées par la commune doivent être écartées.

Sur la légalité de l'article 3 de l'arrêté du 25 avril 2017 :

9. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

10. L'article 3 de l'arrêté du 25 avril 2017 accordant à Mme G... le permis de construire qu'elle a sollicité dispose que " pour des raisons de sécurité publique (notamment accès des engins de secours et de défense contre l'incendie), l'accès au terrain se fera par le biais du chemin rural longeant les parcelles AC 301, 320, 173 et nécessitera une demande de permission de voirie à déposer en mairie ".

11. D'une part, l'administration ne peut assortir une autorisation d'urbanisme de prescriptions qu'à la condition que celles-ci, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d'un nouveau projet, aient pour effet d'assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect. D'autre part, le juge ne peut annuler ces prescriptions, lorsqu'elles sont illégales, que s'il résulte de l'instruction qu'une telle annulation n'est pas susceptible de remettre en cause la légalité de l'autorisation d'urbanisme et qu'ainsi ces prescriptions ne forment pas avec elle un ensemble indivisible.

12. Le projet en litige, qui consiste en la réhabilitation et l'extension d'une maison existante implantée sur la parcelle cadastrée AC n° 301, dans le hameau du Maine, est desservi par un chemin rural selon un axe nord-sud. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du plan de masse joint à la demande de permis de construire et des photographies produites à l'instance, que l'accès au projet, existant, se situe sur la parcelle cadastrée AC n° 301, au droit du croisement entre les chemins ruraux nord-sud et ouest-est. Le stationnement des véhicules est prévu de l'autre côté du chemin rural nord-sud, sur la parcelle cadastrée AC n° 343. Ainsi, contrairement à ce que soutient la commune, l'accès du projet n'est pas prévu entre les parcelles cadastrées n° 301 et 316. Il ressort encore des pièces du dossier que les engins de secours et de défense contre l'incendie pourront intervenir sur le terrain d'assiette du projet depuis le chemin rural nord-sud. Dans ces conditions, l'accès du projet tel que prévu dans la demande respecte les exigences de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et le permis de construire délivré à Mme G... ne nécessitait donc pas d'être assorti d'une prescription sur ce point. L'existence d'un différend au niveau de la rampe d'accès réalisée entre les parcelles cadastrées n° 301 et 316 pour permettre l'accès à la maison implantée sur la parcelle cadastrée AC n° 320 est sans lien avec le projet faisant l'objet du permis de construire en cause.

13. Si la commune demande une substitution de motifs pour justifier le bien-fondé de la prescription en litige, en faisant valoir que la rampe d'accès réalisée entre les parcelles cadastrées n° 301 et 316 est à l'origine des désordres constatés sur la maison implantée sur la parcelle cadastrée AC n° 316, ainsi qu'il a été dit le projet est sans rapport avec l'utilisation de cette rampe.

14. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible d'entraîner l'annulation de l'arrêté en litige.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme G... est fondée à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêté du maire de Peyzac-Le-Moustier du 25 avril 2017, lequel est divisible des autres dispositions de l'arrêté.

Sur les conclusions tendant au prononcé d'une amende pour recours abusif :

16. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".

17. La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de la commune de Peyzac-Le-Moustier tendant à ce que Mme G... soit condamnée à une telle amende ne sont pas recevables et sont au demeurant manifestement mal fondées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme G..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Peyzac-Le-Moustier au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Peyzac-Le-Moustier une somme de 1 500 euros à verser à Mme G... en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 mars 2019 est annulé.

Article 2 : L'article 3 de l'arrêté du maire de Peyzac-Le-Moustier du 25 avril 2017 est annulé.

Article 3 : La commune de Peyzac-Le-Moustier versera à Mme G... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Peyzac-Le-Moustier tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 741-12 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Peyzac-Le-Moustier et à Mme A... C... épouse G....

Délibéré après l'audience du 16 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... F..., présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Romain Roussel, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2020.

La présidente,

Brigitte F...

La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX01918


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01918
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : ALJOUBAHI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-10;19bx01918 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award