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09/07/2020 | FRANCE | N°18BX03985

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 09 juillet 2020, 18BX03985


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 2 juin 2017 par lequel le président de l'université Toulouse II Jean Jaurès l'a informé que le comité de sélection l'avait classé en deuxième position du concours de recrutement à un poste de maître de conférences en psychologie de la santé ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre à l'université Toulouse II Jean Jaurès de procéder au réexamen de s

a situation et de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 2 juin 2017 par lequel le président de l'université Toulouse II Jean Jaurès l'a informé que le comité de sélection l'avait classé en deuxième position du concours de recrutement à un poste de maître de conférences en psychologie de la santé ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre à l'université Toulouse II Jean Jaurès de procéder au réexamen de sa situation et de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1704669 du 19 septembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 2 juin 2017 du président de l'université Toulouse II Jean Jaurès ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux de M. A... et a enjoint à l'université de procéder, dans les meilleurs délais, au réexamen des candidatures au poste de maître de conférences en psychologie de la santé pour la campagne de recrutement des enseignements chercheurs 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 novembre 2018 et des mémoires enregistrés le 17 septembre 2019 et le 16 mars 2020, l'université Toulouse II Jean Jaurès, représentée par la SELARL Montazeau et Cara, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 septembre 2018 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter la demande de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une méconnaissance du principe du contradictoire ;

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors qu'il ne vise pas le mémoire en réplique de M. A... ;

- le jugement attaqué est également entaché d'irrégularité au regard des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative dès lors qu'il ne vise pas le décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences et n'indique ni son NOR ni son numéro ;

- l'adéquation d'un candidat au profil du poste recherché est soumise à un contrôle restreint ;

- la composition d'un jury, à supposer qu'elle puisse donner l'apparence d'une méconnaissance du principe d'impartialité, ne peut en elle-même révéler une méconnaissance du principe d'égalité entre les candidats dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle a eu une influence sur le sens de la décision prise ;

- l'existence de relations professionnelles antérieures entre certains membres du comité de sélection et la candidate classée en première position ne suffit pas à considérer qu'il y a eu méconnaissance du principe d'impartialité, compte tenu en particulier de la nature hautement spécialisée du recrutement en cause ;

- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 permet que la moitié au plus des membres du jury de recrutement soient originaires de l'établissement organisateur du concours ;

- l'appréciation des mérites des candidats n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le tribunal ne pouvait lui enjoindre de procéder au réexamen des candidatures dès lors que la nomination de la lauréate était devenue définitive.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er avril 2019 et le 20 février 2020, M. A..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'université Toulouse II Jean Jaurès une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle est insuffisamment motivée ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- le jury de sélection était irrégulièrement composé ;

- l'appréciation portée sur l'adéquation de son profil au poste est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision attaquée est entachée d'un détournement de procédure.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret du n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... C...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. E... A..., docteur en psychologie et chercheur à l'université de Lyon, a candidaté pour un poste de maître de conférences dans le domaine de la psychologie de la santé à l'Université Toulouse II Jean Jaurès. Par un courrier du 2 juin 2017, le président de cette université a informé l'intéressé de ce qu'il avait été classé en deuxième position par le comité de sélection. Le 4 juillet 2017 M. A... a formé un recours préalable à l'encontre de ce courrier. Ce recours ayant été implicitement rejeté, l'intéressé a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation du courrier du 2 juin 2017 ainsi que de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le président de l'université Toulouse II Jean Jaurès sur son recours gracieux et qu'il soit enjoint à l'université de statuer de nouveau. L'université Toulouse II Jean Jaurès relève appel du jugement du 19 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à cette demande.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 4111 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

3. La requête d'appel de l'université Toulouse II Jean Jaurès, qui était défenderesse en première instance, contient l'exposé précis des moyens de nature à permettre au juge d'exercer son office. Elle satisfait ainsi aux prescriptions de l'article R. 4111 précité.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. La seule circonstance qu'un membre du jury d'un concours connaisse un candidat ne suffit pas à justifier qu'il s'abstienne de participer aux délibérations de ce concours. En revanche, le respect du principe d'impartialité exige que, lorsqu'un membre du jury d'un concours a avec l'un des candidats des liens, tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles, qui seraient de nature à influer sur son appréciation, ce membre doit s'abstenir de participer aux interrogations et aux délibérations concernant non seulement ce candidat mais encore l'ensemble des candidats au concours.

5. Il n'est pas contesté que parmi les six membres du comité de sélection appartenant à l'université Toulouse II Jean Jaurès, quatre appartenaient au même laboratoire de recherche que la candidate classée en première position, que parmi les six membres extérieurs à cette université, deux avaient été rapporteurs de la thèse soutenue par celle-ci en décembre 2012, soit un peu plus de quatre ans avant son audition, et que deux autres ont enseigné dans cette même université de 2001 à 2012 pour l'un et de 2008 à 2015 pour l'autre, périodes pendant lesquelles la candidate retenue était, en qualité d'étudiante ou de chercheur, inscrite à l'université Toulouse II Jean Jaurès. Toutefois, ces circonstances ne permettent pas, en elles-mêmes, ensemble ou séparément, de caractériser un défaut d'impartialité du comité de sélection, dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ces différentes personnes auraient entretenu avec la candidate retenue des liens personnels ou professionnels de nature à influer sur leur appréciation de la valeur de sa candidature. Au demeurant, il ressort également des pièces du dossier que l'un des rapporteurs de la thèse de la candidate retenue avait cosigné trois articles avec M. A... et que la décision du comité de sélection a été acquise à l'unanimité des voix. Par ailleurs, les circonstances que l'un des membres du comité de sélection a eu la même directrice de thèse que la candidate retenue, que plusieurs membres extérieurs du comité ont été membres de différents jurys de thèse dirigées par celle-ci et que la thèse d'un autre des membres extérieurs du comité ait été dirigée par le mari de celle-ci ne permettent pas de caractériser des liens avec la candidate retenue qui seraient de nature à influer sur leur appréciation ni à caractériser une méconnaissance du principe d'impartialité. Il en va de même des éléments de portée générale dont se prévaut M. A... selon lesquels les candidats ayant effectué leurs études à l'université Toulouse II Jean Jaurès seraient statistiquement plus susceptibles que les autres d'y être recrutés. Dès lors, l'université Toulouse II Jean Jaurès est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la seule existence de ces liens entachait la délibération du comité de sélection d'une méconnaissance du principe d'impartialité.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A....

7. Le moyen tiré de ce que le comité de sélection aurait été irrégulièrement composé n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

8. Pour classer M. A... en deuxième position, le comité de sélection s'est notamment fondé sur la circonstance qu'en dépit de " l'excellence " du dossier scientifique de l'intéressé, son profil " [manquait] de l'aspect interculturel de la psychologie de la santé " et qu'il ne disposait pas d'une pratique clinique de celle-ci. Il a donc notamment fondé sa décision sur des motifs tirés de l'adéquation de la candidature de M. A... au profil recherché. Il ressort des pièces du dossier que la fiche de poste publiée indiquait que le candidat devait être en mesure de diriger des travaux de recherche en psychologie de la santé " à caractère culturel et/ou interculturel ", devait être en mesure d'initier des recherches appliquées, et qu'une expérience professionnelle de " psychologue praticien (...) serait donc appréciée ". S'il résulte de ces mentions, ainsi que le fait valoir M. A..., que la capacité de diriger des travaux de recherche en psychologie de la santé " à caractère interculturel " et l'expérience pratique ne pouvaient être primordiales dans l'appréciation des candidatures, il n'en résulte cependant pas que ces compétences ne pouvaient être prises en considération par le comité de sélection pour évaluer l'adéquation des candidats au profil recherché. Par ailleurs, si M. A... fait valoir que les développements introductifs de sa thèse évoquent certains aspects interculturels de la psychologie de la santé et qu'il a conclu deux contrats à durée déterminée avec le centre hospitalier universitaire de Bordeaux du 1er septembre 2015 au 31 décembre 2015 puis du 1er janvier 2016 au 30 septembre 2016, ce qui témoignerait à la fois de ses compétences en psychologie de la santé interculturelle et de son expérience pratique en la matière, ces circonstances ne permettent pas de regarder l'appréciation portée par le comité de sélection sur ces points comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, eu égard notamment à la durée de ces contrats et à l'absence de précision sur les missions effectuées, et alors que le comité de sélection s'est référé à l'absence d'expérience de " pratique clinique " de la psychologie et non à l'absence d'expérience de " psychologue praticien ".

9. L'appréciation portée par le comité de sélection, lequel a la qualité de jury, sur les mérites des candidats n'étant pas susceptible d'être discutée au contentieux, les moyens tirés de ce que la candidature de M. A... serait de meilleure qualité que celle de la candidate retenue doivent être écartés comme inopérants.

10. La seule circonstance qu'un professeur ait adressé un courrier électronique, notamment au président de l'université Toulouse II Jean Jaurès, dans lequel il indique que selon lui la candidate retenue par le comité de sélection ne présente pas les mérites scientifiques justifiant son classement et fait part de son opposition au " localisme " ne suffit pas à regarder la délibération attaquée comme entachée d'un détournement de pouvoir ou d'une erreur de droit.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de la régularité du jugement attaqué, que l'université Toulouse II Jean Jaurès est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de M. A....

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'université Toulouse II Jean Jaurès, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme que demande M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 1 500 euros au bénéfice de l'université Toulouse II Jean Jaurès à ce titre.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1704669 du 19 septembre 2018 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : M. A... versera à l'université Toulouse II Jean Jaurès une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'université Toulouse II Jean Jaurès et à M. E... A....

Délibéré après l'audience du 25 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. B... C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.

Le président,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18BX03985


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03985
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Enseignement et recherche - Questions générales - Examens et concours.

Fonctionnaires et agents publics - Entrée en service - Concours et examens professionnels.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SELARL MONTAZEAU et CARA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-09;18bx03985 ?
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