Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association pour la défense et la mise en valeur des chemins, M. D... G... et M. E... H... ont demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la délibération du 5 mars 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Oradoux-près-Crocq a décidé la cession de chemins ruraux au profit de M. J... F... et d'enjoindre à l'administration de prendre toutes les mesures nécessaires à l'exécution du jugement à intervenir au besoin sous astreinte.
Par un jugement n° 1600588 du 21 juin 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 août 2018 et 21 décembre 2018, l'association pour la défense et la mise en valeur des chemins, M. G... et M. H..., représentés par Me I..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler la délibération du 5 mars 2016 du conseil municipal de Saint-Oradoux-près-Crocq ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Oradoux-près-Crocq la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la délibération est entachée de différents vices de procédure, dès lors que :
- la convocation à la séance du conseil municipal du 26 septembre 2015 indiquait, dans son ordre du jour, que le conseil était saisi d'une " demande d'échange de terrains " ;
- le commissaire enquêteur n'a pas été désigné sur la liste d'aptitude départementale des commissaires enquêteurs et a fait preuve de partialité ;
- l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique ne comportait pas l'ensemble des mentions requises ;
- l'affichage de l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique n'a pas été effectué aux extrémités des deux chemins ruraux en litige ;
- la vente n'a pas été précédée d'un avis du service des domaines ;
- la délibération est entachée d'un détournement de pouvoir ;
- la délibération est entachée d'erreur de droit dès lors que le chemin rural en cause est toujours affecté à l'usage du public ;
- la délibération est entachée d'erreur de droit dès lors que la commune avait précédemment refusé de faire droit à une demande d'aliénation de ce même chemin par une délibération du 4 mars 2011 ;
- la délibération est entachée d'erreur d'appréciation dès lors que le prix de cession est insuffisamment élevé.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 novembre 2018, la commune de Saint-Oradoux-près-Crocq, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens tirés de l'irrégularité de la délibération du 26 septembre 2015 sont irrecevables, s'agissant d'un acte préparatoire devenu définitif ;
- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par lettre du 3 juin 2020, la cour a informé les parties à l'instance, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de relever d'office le moyen tiré de la méconnaissance, par la délibération attaquée du 5 mars 2016, de l'article L. 161-10 du code rural et de la pêche maritime, dont il résulte que les communes ne peuvent, pour l'aliénation des chemins ruraux, avoir recours à une autre procédure que celle de la vente, dès lors que cette délibération prend en compte, pour fixer à 500 euros le prix de vente du chemin rural, une délibération du même jour qui prévoit l'acceptation, par la commune, du don d'un lavoir en pierre de taille et de la parcelle cadastrée section C n° 363.
La commune de Saint-Oradoux-près-Crocq a produit des observations en réponse à ce moyen par un mémoire enregistré le 4 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... B...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération n° 1/05-03-2016 du 5 mars 2016, le conseil municipal de Saint-Oradoux-près-Crocq (Creuse) a décidé l'aliénation, au profit de M. F..., de deux chemins situés à proximité de son exploitation et reliant les lieux-dits " Tatardes " et " Le Mont du Haut ". L'association pour la défense et la mise en valeur des chemins, M. D... G... et M. E... H... relèvent appel du jugement du 21 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Par sa délibération du 26 septembre 2015, le conseil municipal de Saint-Oradoux-près-Crocq, saisi d'une demande d'acquisition des chemins ruraux litigieux émanant de M. F..., a donné son accord de principe à cette proposition d'achat, formellement désaffecté ces chemins en vue de leur aliénation et chargé le maire d'organiser l'enquête publique préalable à cette opération. La délibération attaquée n° 1/05-03-2016 du 5 mars 2016, qui décide, après réalisation de cette enquête publique, l'aliénation de ces deux chemins au profit de M. F..., fixe le prix de vente et autorise le maire à signer tous actes en vue de l'exécution de cette délibération, ne peut être regardée, eu égard à sa portée, comme purement confirmative de celle du 26 septembre 2015. Dès lors, la fin de non-recevoir invoquée en première instance par la commune, tirée de la tardiveté de la demande, doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 161-10 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsqu'un chemin rural cesse d'être affecté à l'usage du public, la vente peut être décidée après enquête par le conseil municipal, à moins que les intéressés groupés en association syndicale conformément à l'article L. 161-11 n'aient demandé à se charger de l'entretien dans les deux mois qui suivent l'ouverture de l'enquête. / Lorsque l'aliénation est ordonnée, les propriétaires riverains sont mis en demeure d'acquérir les terrains attenant à leurs propriétés. / Si, dans le délai d'un mois à dater de l'avertissement, les propriétaires riverains n'ont pas déposé leur soumission ou si leurs offres sont insuffisantes, il est procédé à l'aliénation des terrains selon les règles suivies pour la vente des propriétés communales ". Il résulte de ces dispositions que les communes ne peuvent, pour l'aliénation des chemins ruraux, avoir recours à une autre procédure que celle de la vente dans les conditions mentionnées ci-dessus.
4. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 17 septembre 2015, M. F... a proposé à la commune de Saint-Oradoux-près-Crocq d'acheter les chemins ruraux en litige en contrepartie du versement de la somme de 500 euros ainsi que du don d'une parcelle cadastrée section C n° 363. Cette demande a été soumise au conseil municipal lors de sa séance du 26 septembre 2015, à l'issue de laquelle a été prescrite l'ouverture d'une l'enquête publique préalable, ainsi qu'en atteste l'ordre du jour accompagnant la convocation, qui mentionne " demande d'échange de terrains ". Il ressort également des pièces du dossier que le conseil municipal a pris, le même jour que la délibération attaquée, une délibération n° 7/05-03-2016 aux termes de laquelle il acceptait le don, par M. F..., d'un lavoir en pierre de taille ainsi que de la parcelle cadastrée section C n° 363. Cette dernière délibération fait référence au courrier du 17 septembre 2015 et indique que " ce don est estimé à 400 euros et sera inclus dans la vente du chemin ". Enfin, l'ordre du jour annexé à la convocation du conseil municipal en vue de sa séance du 5 mars 2016 ne mentionne pas le don de M. F... et indique seulement " décision concernant la vente du chemin rural après enquête publique ". Il résulte de l'ensemble de ces éléments, alors même que la délibération attaquée se borne à approuver l'aliénation des chemins en litige au prix de 500 euros à l'issue de l'enquête publique et que M. F... aurait en définitive conservé la propriété de la parcelle cadastrée section C n° 363, circonstance alléguée par la commune mais d'ailleurs non établie par les pièces du dossier, que la cession des chemins en litige résulte pour partie d'un don de terrains qui en constituait une contrepartie et un élément déterminant du prix de cession. Par suite, la délibération du 5 mars 2016 est intervenue en méconnaissance des dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens invoqués, que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, la somme que demande la commune de Saint-Oradoux-près-Crocq au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros au bénéfice des requérants à ce titre.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1600588 du 21 juin 2018 du tribunal administratif de Limoges est annulé.
Article 2 : La délibération n° 1/05-03-2016 du 5 mars 2016 du conseil municipal de Saint-Oradoux-près-Crocq est annulée.
Article 3 : La commune de Saint-Oradoux-près-Crocq versera à l'association pour la défense et la mise en valeur des chemins, à M. G... et à M. H... une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la défense et la mise en valeur des chemins, à M. D... G..., à M. E... H..., à M. J... F... et à la commune de Saint-Oradoux-près-Crocq.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. A... B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.
Le président,
Marianne Hardy
La République mande et ordonne au préfet de la Creuse, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
4
N° 18BX03173