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07/07/2020 | FRANCE | N°19BX04742

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 07 juillet 2020, 19BX04742


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 février 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation, et de mettre à la charge de l'

tat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 février 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation, et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1902617 du 9 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 décembre 2019 et 31 mars 2020,

Mme F..., représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 octobre 2019 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 février 2019 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour mention

" vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi

du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ; il ne mentionne notamment pas le fait qu'elle était enceinte, élément porté à la connaissance du préfet par un courrier du 3 décembre 2018, reçu

le 4 décembre 2018, auquel était joint un certificat de grossesse daté du 23 novembre 2018 ;

- son état de grossesse était un élément déterminant dans l'appréciation de sa situation, qui n'a ainsi pas été prise en compte par le préfet ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne

de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ses principaux liens privés et familiaux se situent en France ; elle est mère de deux enfants nés en France ; ses frères

et soeurs, avec lesquels elle entretient des relations étroites, sont de nationalité française ; elle

a elle-même vécu en France, où elle a été scolarisée de 1992 à 1996 ; son époux exerce le métier de chauffeur routier à l'international et vit une grande partie de l'année en France ; elle dispose d'une promesse d'embauche comme secrétaire sous couvert d'une contrat à durée indéterminée ;

- le préfet aurait dû, compte tenu de son état de grossesse, lui accorder un délai

de départ volontaire d'une durée supérieure à trente jours.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 avril 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête d'appel est tardive et que la requérante n'apporte pas d'élément nouveau en appel.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I... B...,

- et les observations de Me Lanne, avocat, représentant Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., de nationalité marocaine, est entrée en France en juin 2017 selon ses déclarations. Par un courrier du 25 juillet 2017, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 février 2019, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme F... relève appel du jugement

du 9 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, s'il est exact que l'arrêté en litige ne mentionne pas l'état de grossesse de Mme F..., état dont elle avait informé le préfet par un courrier

du 3 décembre 2018, cet arrêté comporte cependant une description détaillée de sa situation personnelle et familiale en France. Il est dès lors suffisamment motivé en fait.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le certificat médical établi

le 23 novembre 2018 par un médecin généraliste que Mme F... a adressé au préfet de la Gironde avant l'édiction de l'arrêté litigieux se borne à indiquer que l'intéressée est enceinte, sans aucune précision, notamment sur la date de début de grossesse. Dans ces conditions, la circonstance que le préfet n'ait pas mentionné cet élément de fait dans sa décision ne révèle pas, au regard de la motivation de l'arrêté, qu'il ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de la requérante.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne

de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. Mme F... fait valoir que ses deux enfants sont nés en France les 13 août 2017

et 3 mai 2019, et que son époux, chauffeur routier à l'international, réside une grande partie

de l'année sur le territoire français. Elle ajoute qu'elle dispose de l'essentiel de ses attaches privées et familiales en France, où résident ses frères et soeurs, de nationalité française, avec lesquels elle entretient des relations étroites, qu'elle a elle-même vécu en France où elle a été scolarisée de 1992 à 1996 et qu'elle dispose d'une promesse d'embauche comme secrétaire sous couvert d'un contrat à durée indéterminée. Il ressort cependant des pièces du dossier que son époux est également de nationalité marocaine, et il n'est pas fait état d'obstacle à une reconstitution de la cellule familiale dans son pays d'origine. De plus, elle n'est pas démunie de liens privés et familiaux au Maroc où résident, a minima, sa mère et son époux, et où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Enfin, la promesse d'embauche dont elle se prévaut a été établie

le 18 mars 2020, plus d'un an après l'édiction de l'arrêté à la date duquel il convient de se placer pour en examiner la légalité. Dans ces conditions, et malgré les liens dont Mme F... dispose en France, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français.

6. En dernier lieu, aux termes du II l'article L 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ".

7. Il ressort du certificat médical établi le 31 janvier 2019 par un gynécologue-obstétricien que la requérante était enceinte depuis le 2 août 2018, soit depuis six mois à la date d'édiction de l'arrêté du 21 février 2019. Dans ces conditions, et alors que ce certificat

ne fait état d'aucune particularité s'agissant de la grossesse alors en cours ni de contre-indication à voyager, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant d'accorder à la requérante un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en première instance et en appel par le préfet de la Gironde, que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre

des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme H... E..., présidente,

Mme A... C..., présidente-assesseur,

Mme I... B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juillet 2020.

Le président de la 2ème chambre,

Catherine E...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04742


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04742
Date de la décision : 07/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : LANDETE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-07;19bx04742 ?
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