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07/07/2020 | FRANCE | N°18BX03031

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 07 juillet 2020, 18BX03031


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2016 par lequel le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Limoges

a prononcé sa révocation à compter du 18 juillet 2016.

Par un jugement n° 1601097 du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Limoges

a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er août 2018, M. F..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°)

d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du directeur du CHU de Limoges du 4 juillet 2016 ;

3°) d'enjo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2016 par lequel le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Limoges

a prononcé sa révocation à compter du 18 juillet 2016.

Par un jugement n° 1601097 du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Limoges

a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er août 2018, M. F..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du directeur du CHU de Limoges du 4 juillet 2016 ;

3°) d'enjoindre au directeur du CHU de Limoges de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge du CHU de Limoges une somme de 2 000 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'absence de communication de l'avis du conseil de discipline préalablement à la décision de révocation ne l'avait privé d'aucune garantie ;

- la notification de la décision, lors de l'entretien irrégulier qui a eu lieu le 6 juillet 2016, alors qu'il n'avait pas à se trouver dans les locaux du CHU, a eu pour effet de vicier la procédure ;

- la sanction de révocation est entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'il n'avait jamais fait l'objet de poursuites disciplinaires, que les faits des années 2001, 2005 et 2006 évoqués dans le rapport du CHU de Limoges sont anciens et non établis, que ses appréciations ont toujours été positives, que ses changements d'affectation ne peuvent être regardés comme établissant l'existence de difficultés relationnelles, que les témoignages anonymes produits par le CHU ne pouvaient être pris en compte, que les faits reprochés du 14 janvier 2016 s'inscrivent dans un contexte de harcèlement moral, qu'il n'a exercé aucune violence physique et qu'il n'a pas proféré de menaces de mort.

Par des mémoires en défense enregistrés les 9 et 13 mai 2019, le CHU de Limoges, représenté par la SCP Dubois Dudognon Villette, conclut au rejet de la requête et demande

à la cour de mettre à la charge de M. F... une somme de 2 000 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- M. F... a reçu communication du sens de l'avis du conseil de discipline verbalement lors de son entretien du 6 juillet 2016 avec le directeur du CHU, puis par une lettre du 20 juillet 2016 ;

- l'entretien du 6 juillet 2016, qui a eu lieu à la demande de M. F..., avait pour objet l'examen de sa situation individuelle ; il a été l'occasion de communiquer à l'intéressé l'avis du conseil de discipline et de lui indiquer qu'une décision de révocation avait été prise ;

- les témoignages anonymisés en raison de la protection fonctionnelle accordée à leurs auteurs sont recevables ; trois autres témoins, dont la victime, décrivent précisément les faits dont la matérialité n'est pas contestée ; les séquelles psychologiques ont été importantes pour certains agents ; eu égard à la gravité de la faute, la sanction n'est pas disproportionnée.

Par ordonnance du 9 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. F....

Considérant ce qui suit :

1. Le 14 janvier 2016, M. F..., ouvrier professionnel qualifié affecté au service biomédical du CHU de Limoges, a violemment agressé un collègue et proféré des menaces de mort. A la suite de cet incident, il a été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire, puis révoqué par un arrêté du 4 juillet 2016. Il relève appel du jugement du 14 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 84 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions relatives à la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " Les fonctionnaires qui ont fait l'objet d'une sanction des deuxième, troisième et quatrième groupes peuvent introduire un recours auprès du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière lorsque l'autorité investie du pouvoir disciplinaire a prononcé une sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline. / L'autorité investie du pouvoir de nomination ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le conseil supérieur de la fonction publique hospitalière. " Aux termes de l'article 11 du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière : " L'avis émis par le conseil de discipline est communiqué sans délai au fonctionnaire intéressé ainsi qu'à l'autorité qui exerce le pouvoir disciplinaire. Celle-ci statue par décision motivée. " Ces dernières dispositions n'impliquent nullement que soit communiqué à l'intéressé, avant que soit édictée une sanction, le procès-verbal du conseil de discipline. Une notification du sens de l'avis est suffisante. Elle doit cependant intervenir le plus tôt possible après la tenue du conseil de discipline, et avant que l'autorité administrative ne statue.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. F... a été informé oralement du sens de l'avis du conseil de discipline du 20 juin 2016 lors d'un entretien avec le directeur général du CHU le 6 juillet suivant, puis par une lettre de ce dernier à son conseil du 20 juillet 2016, soit postérieurement à l'édiction de la sanction le 4 juillet 2016, en méconnaissance des dispositions de l'article 11 du décret du 7 novembre 1989.

4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les droits de la défense de M. F... ont été respectés dès lors qu'il a pu prendre connaissance de son dossier individuel et de son dossier disciplinaire, et qu'il a été en mesure de présenter ses observations devant le conseil de discipline, assisté par son conseil. Le conseil de discipline a proposé la révocation, sanction la plus sévère, de sorte que l'intéressé ne pouvait se trouver dans la situation, prévue à l'article 84 de la loi du 9 janvier 1986, dans laquelle le fonctionnaire peut introduire un recours auprès du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, de sorte que M. F... n'a pas été privé de la garantie de la communication " sans délai " de l'avis afin de lui permettre de se préparer à la présentation d'un tel recours. Ainsi, le retard de la notification de l'avis du conseil de discipline n'a pas privé l'intéressé d'une garantie. Ce retard n'a pas davantage eu d'influence sur le sens de la décision prise par l'autorité administrative. Par suite, l'erreur de procédure relevée au point 3 n'affecte pas la régularité de la décision.

6. Les conditions de notification d'une décision sont sans incidence sur sa légalité.

Par suite, M. F... ne peut utilement faire valoir que la sanction lui aurait été irrégulièrement notifiée oralement lors d'un entretien sur sa situation personnelle qui s'est tenu à sa demande

le 6 juillet 2016, alors au demeurant qu'il a bien reçu la lettre recommandée qui lui a été adressée le même jour.

7. Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / L'avertissement, le blâme ; / Deuxième groupe : / La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / Troisième groupe : / La rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans ; / Quatrième groupe : / La mise à la retraite d'office, la révocation. / (...). "

8. Il ressort des témoignages concordants de cinq personnes ayant assisté à l'incident, autres que la victime, que le 14 janvier 2016, alors que M. A..., l'un de ses collègues envers lequel il ressentait de longue date une vive animosité, lui faisait une observation anodine d'ordre professionnel, M. F... a menacé celui-ci avec un tournevis qu'il avait à la main, a fait preuve d'une telle violence physique que l'intervention de trois autres collègues a été nécessaire pour le maîtriser, et a ensuite affirmé qu'il aurait " fait un carnage " s'il avait été présent le 18 décembre précédent, jour du départ en retraite de l'ancien responsable du service. La circonstance que trois de ces témoignages ont été rendus anonymes en raison de craintes de représailles exprimées par les agents concernés, lesquels ont sollicité la protection fonctionnelle, n'est pas de nature à faire douter de la matérialité des faits, au demeurant décrits de manière détaillée par l'un des témoins devant le conseil de discipline, en présence de M. F... et de son conseil. Si les paroles prononcées à l'encontre de M. A... ne sont pas identiques selon les différents témoins, tous n'ayant au demeurant pas assisté au début de l'altercation, la matérialité des menaces de mort exprimées physiquement et verbalement est établie. Les faits de " violences volontaires sans ITT commises avec usage ou menace d'une arme " ont été reconnus par M. F... dans le cadre de la composition pénale validée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Limoges du 18 juin 2016. Contrairement à ce que soutient le requérant, ses " difficultés professionnelles récurrentes et exponentielles ", sur lesquelles la sanction est également fondée, ont été relevées dès la notation de l'année 2000 avec le commentaire " doit être plus compréhensif ", puis en 2005 par le constat d'une intolérance à toute observation de son chef d'atelier, et n'ont pu être résolues malgré plusieurs changements d'affectation. Elles se sont aggravées au cours de l'année 2015, l'extrême susceptibilité de l'intéressé l'ayant conduit à tenir des propos de plus en plus violents, allant jusqu'à faire état d'une " liste noire " de personnes qu'il souhaiterait tuer avec une kalachnikov. En revanche, les allégations de M. F... selon lesquelles il aurait été victime de harcèlement moral ne reposent sur aucun commencement de preuve. Eu égard à la gravité de la faute commise le 14 janvier 2016 et à l'incapacité de M. F... à contrôler ses réactions d'hostilité envers ses collègues, la sanction de révocation n'est pas entachée d'erreur d'appréciation.

9. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

10. M. F..., qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par le CHU de Limoges à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le CHU de Limoges au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F... et au centre hospitalier universitaire de Limoges.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme B... D..., présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juillet 2020.

Le président de la 2ème chambre,

Catherine Girault

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX03031


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03031
Date de la décision : 07/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : CABINET HENRY - CHARTIER-PREVOST - PLAS - GUILLOUT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-07;18bx03031 ?
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