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07/07/2020 | FRANCE | N°18BX02762

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 07 juillet 2020, 18BX02762


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) BAP LAD 33140 a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner Bordeaux Métropole à lui verser la somme

de 25 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des travaux préalables à l'extension de la ligne C du tramway entre les communes de Bègles et de Villenave-d'Ornon de novembre 2015 à avril 2016.

Par un jugement n° 1604009 du 4 mai 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) BAP LAD 33140 a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner Bordeaux Métropole à lui verser la somme

de 25 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des travaux préalables à l'extension de la ligne C du tramway entre les communes de Bègles et de Villenave-d'Ornon de novembre 2015 à avril 2016.

Par un jugement n° 1604009 du 4 mai 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet 2018

et 17 octobre 2019, la SARL BAP LAD 33140, représentée par Me C..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner Bordeaux Métropole à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des travaux préalables à l'extension de la ligne C du tramway de novembre 2015 à avril 2016 ;

3°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête enregistrée le 13 juillet 2018 est recevable dès lors qu'elle a retiré

le 14 mai 2018 le pli recommandé avec accusé de réception contenant le jugement ;

- les travaux ont affecté directement les conditions de circulation de ses clients puisque l'emprise du chantier était située devant ses locaux ; l'accès à ceux-ci et le stationnement ont été excessivement difficiles voire impossibles pendant la durée des travaux, en raison soit de la fermeture totale de la voie à la circulation, soit de la présence sur celle-ci d'engins et de grilles de chantiers cachant sa devanture et restreignant l'accès ; l'activité de vente de pizzas sur place et par un service de livraison a été sérieusement affectée en raison des nuisances inhérentes au chantier ; les piétons pouvaient difficilement circuler et le stationnement à proximité était impossible ; ainsi, elle a subi un préjudice anormal et spécial en lien avec les travaux publics en cause ;

- les travaux ont entraîné une baisse de fréquentation de son établissement depuis leur début, et par la suite une baisse très importante de son chiffre d'affaires, ainsi que l'atteste son expert-comptable ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, l'attestation comptable produite démontre que cette baisse est concomitante au début des travaux ;

- son chiffre d'affaires mensuel moyen est passé de 21 594 euros entre mai et septembre 2015 à 18 550 euros entre novembre 2015 et avril 2016 ; avant les travaux, le chiffre d'affaires mensuel moyen constaté par le précédent exploitant s'élevait à 24 141 euros ; la baisse imputable aux travaux d'extension du tramway s'élève à 5 000 euros par mois et représente environ 25 % de son chiffre d'affaires habituel ; elle est dès lors fondée à solliciter le versement de la somme

de 25 000 euros en réparation de son préjudice pour une durée de cinq mois.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 octobre 2018, Bordeaux Métropole, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société requérante le paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable pour tardiveté ;

- l'accessibilité au commerce de la SARL BAP LAD 33140 a été maintenue pendant toute la période en litige de novembre 2015 à avril 2016, durant laquelle il n'y a pas eu de travaux devant ni même à proximité du local commercial, ainsi qu'il ressort du document d'information sur l'extension de la ligne C ; si la SARL BAP LAD 33140 soutient que des engins et des grilles de chantier occultaient son enseigne, la photographie produite à l'appui de cette allégation n'est pas datée ; un double sens de circulation a toujours été maintenu sur la route de Toulouse au droit du local de la société appelante pendant la durée des travaux de déplacement de réseaux ; le cheminement piéton a toujours été possible, ainsi que le stationnement de véhicules à proximité de l'établissement ; au demeurant, une éventuelle difficulté de stationnement n'aurait pas eu d'incidence dès lors que la clientèle du restaurant exploité par la société appelante est à 90 % une clientèle de proximité ; ainsi, aucune gêne ni perturbation grave ne peut être retenue, et les modifications temporaires apportées à la circulation générale n'ouvrent pas droit à indemnisation;

- l'attestation comptable présentant le chiffre d'affaires de la société entre septembre 2014 et avril 2015 d'une part, et entre mai 2015 et janvier 2016 d'autre part, ne suffit pas à démontrer un lien de causalité entre la diminution du chiffre d'affaires et l'exécution de travaux ; en outre, cette baisse peut s'expliquer par la présence de nombreux concurrents à proximité.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL BAP LAD 33140 exploite au 564 route de Toulouse, sur le territoire de la commune de Villenave-d'Ornon, un commerce de vente de pizzas et de hamburgers à consommer sur place, à emporter ou à livrer, sous l'enseigne " La Boîte à Pizza ". Des travaux de déviation des réseaux, préalables aux travaux de construction de l'extension de la ligne C du tramway entre les communes de Bègles et de Villenave-d'Ornon, ont été réalisés de juillet 2015 à décembre 2016. Estimant avoir subi des préjudices du fait de ces travaux, la SARL BAP LAD 33140 a formé le 16 juin 2016 une demande d'indemnisation préalable auprès de Bordeaux Métropole, qui l'a rejetée par une décision du 12 juillet 2016. La SARL BAP LAD 33140 relève appel du jugement du 4 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de Bordeaux Métropole à lui verser une indemnité

de 25 000 euros en réparation des préjudices qu'elle allègue avoir subis du fait des travaux réalisés entre les mois de novembre 2015 et avril 2016.

Sur la responsabilité :

2. La responsabilité du maître de l'ouvrage est engagée, même sans faute, à raison des dommages que l'ouvrage public dont il a la garde peut causer aux tiers. Le riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics, à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers, doit établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages allégués et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général.

Si en principe, les modifications apportées à la circulation générale et résultant soit de changements effectués dans l'assiette, la direction ou l'aménagement des voies publiques, soit de la création de voies nouvelles, ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité, il en va autrement dans le cas où ces modifications ont pour conséquence d'interdire ou de rendre excessivement difficile l'accès des riverains à la voie publique.

3. Les travaux de rénovation et de déplacement de réseaux préalables à la réalisation de la ligne C du tramway entre les communes de Bègles et de Villenave-d'Ornon, effectués pour le compte de Bordeaux Métropole, maître d'ouvrage, ont le caractère de travaux publics, à l'égard desquels la SARL BAP LAD 33140 a la qualité de tiers. Cette dernière soutient que l'accès à son établissement a été rendu extrêmement difficile du fait de la fermeture à la circulation de la route de Toulouse et de la présence d'engins et de grilles de chantier devant son commerce. Toutefois, les pièces produites par Bordeaux Métropole établissent qu'alors même qu'il était moins aisé d'y circuler, la route de Toulouse est restée ouverte à la circulation automobile dans les deux sens pendant toute la durée des travaux de dévoiement des réseaux, lesquels ont été réalisés à distance de l'établissement " La Boîte à Pizza ". L'invocation de difficultés d'accès pour les piétons ne repose sur aucun commencement de preuve, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la circonstance que des engins auraient stationné et que des grilles de chantier auraient été posées ponctuellement devant la devanture de l'établissement durant les travaux, à la supposer établie par la photographie non datée produite par la SARL BAP LAD 33140, ne constitue pas une gêne excédant les sujétions normales imposées aux riverains de la voie publique. Par suite, l'existence de modifications de la circulation de nature à ouvrir droit à une indemnisation n'est pas démontrée.

4. Au surplus, les données chiffrées relatives au chiffre d'affaires annuel hors taxes de " La Boîte à Pizza " produites à l'appui de la demande préalable font apparaître que celui-ci a régulièrement diminué antérieurement aux travaux en litige, passant de 354 126,37 euros en 2012 à 348 305,17 euros en 2013, à 343 035,27 euros en 2014 et à 286 126,26 euros en 2015. De surcroît, il ressort tant du détail mensuel des ventes produit en première instance que des attestations de l'expert-comptable relatives aux chiffres d'affaires mensuels nets réalisés entre septembre 2014 et janvier 2016 que dans le cadre de cette tendance générale à la baisse, l'activité était fluctuante d'un mois à l'autre, y compris au cours de la période en litige de novembre 2015 à avril 2016, laquelle est caractérisée, comme les périodes antérieures, par des variations à la hausse et à la baisse. Par suite, l'existence d'un lien de causalité entre une baisse de l'activité commerciale et les travaux en litige n'est pas établie.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par Bordeaux Métropole, que la société BAP LAD 33140 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Bordeaux Métropole, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société BAP LAD 33140 de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société BAP LAD 33140 le versement à Bordeaux Métropole de la somme qu'elle demande au titre des mêmes dispositions.

DECIDE

Article 1er : La requête de la SARL BAP LAD 33140 est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Bordeaux Métropole présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL BAP LAD 33140 et à Bordeaux Métropole.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme A... B..., président-assesseur

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller

Lu en audience publique, le 7 juillet 2020.

Le président de la 2ème chambre,

Catherine Girault

La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 18BX02762


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02762
Date de la décision : 07/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics. Victimes autres que les usagers de l'ouvrage public. Tiers.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : CROELS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-07;18bx02762 ?
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