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07/07/2020 | FRANCE | N°18BX02181

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 07 juillet 2020, 18BX02181


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) Marmande-Tonneins à lui verser une indemnité de 124 158,12 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2016 et de leur capitalisation.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde a demandé au tribunal de condamner le même établissement à lui verser la somme de 42 661,48 euros en remboursement de ses débours.

Par un jugement n° 1602977 du 3

avril 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné le CHI Marmande-Tonneins à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) Marmande-Tonneins à lui verser une indemnité de 124 158,12 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2016 et de leur capitalisation.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde a demandé au tribunal de condamner le même établissement à lui verser la somme de 42 661,48 euros en remboursement de ses débours.

Par un jugement n° 1602977 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné le CHI Marmande-Tonneins à verser à Mme C... une indemnité de 5 019,77 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2016 et de leur capitalisation à compter du 7 mars 2017, et a fait droit à l'intégralité de la demande de la CPAM de la Gironde.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 mai 2018, Mme C..., représentée par la SELARL Ad-Lex, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande relative à sa perte de gains professionnels " futurs " et de condamner le CHI Marmande-Tonneins à lui verser une indemnité de 20 000 euros à ce titre ;

2°) de mettre à la charge du CHI Marmande-Tonneins une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les experts ont retenu que les séquelles en rapport avec l'infection nosocomiale l'ont rendue inapte à la profession qu'elle exerçait auparavant ; elle a été déclarée définitivement inapte à son poste de manoeuvre et licenciée le 27 mai 2010 ; c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande aux motifs qu'elle ne justifiait d'aucune recherche d'un emploi adapté et se trouvait en congé de maladie depuis le mois de juin 2007, dès lors qu'elle a justifié de ses recherches auprès de Pôle emploi et qu'elle avait vocation à reprendre le travail après ce congé ;

- compte-tenu des allocations qu'elle a perçues entre le 1er avril 2010 et

le 1er février 2016, elle est fondée à demander le versement d'une indemnité de 20 000 euros.

Par des mémoires enregistrés le 4 juillet 2018 et le 7 janvier 2020, la CPAM de la Gironde, représentée par la SELARL Barbet et Associés, demande à la cour de confirmer le jugement, de porter l'indemnité forfaitaire de gestion à 1 091 euros, et de mettre à la charge du CHI Marmande-Tonneins une somme de 1 300 euros au titre des frais qu'elle a exposés.

Elle précise que la somme de 42 661,48 euros allouée par le tribunal inclut le remboursement de 50 % des indemnités journalières versées du 18 janvier au 1er avril 2010 et de 50 % de la pension d'invalidité.

Par un mémoire enregistré le 6 juillet 2018, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par la SELARL Birot-Ravaut et Associés, demande à la cour de le mettre hors de cause et de mettre à la charge du CHI Marmande-Tonneins une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les conditions de la réparation par la solidarité nationale des conséquences de l'infection nosocomiale ne sont pas réunies dès lors que le taux d'incapacité permanente dont Mme C... reste atteinte a été évalué à 5 %.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 février 2019, le CHI Marmande-Tonneins, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et des demandes de la CPAM de la Gironde et de l'ONIAM.

Il fait valoir que :

- en l'absence de lien de causalité direct, certain et exclusif avec l'infection nosocomiale, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande relative aux pertes de gains professionnels futurs ;

- à titre subsidiaire, si la cour estime que l'infection a engendré une perte de gains professionnels futurs, la part mise à la charge de l'établissement ne saurait excéder 50 % de cette perte dès lors que l'infection a seulement contribué à l'incapacité de Mme C... ;

- le recours partiel de Mme C... étant sans incidence sur la somme que le jugement l'a condamné à verser à la CPAM de la Gironde, les conclusions présentées par cette dernière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

- aucune conclusion n'ayant été dirigée à son encontre, l'ONIAM n'est pas fondé à demander le versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., alors âgée de 53 ans, a subi le 16 décembre 2007 au

CHI de Marmande-Tonneins une intervention chirurgicale d'ostéosynthèse par plaques du tibia et du péroné pour le traitement d'une fracture spiroïde de la jambe droite. Une infection

à staphylococcus aureus méti-sensible a nécessité la dépose du matériel d'ostéosynthèse

le 4 juin 2008, puis une greffe osseuse le 16 décembre 2008. Le 13 janvier 2011, Mme C... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI), laquelle a ordonné une expertise dont le rapport, rendu le 18 avril 2012, a conclu que l'infection était en lien avec l'intervention du 16 décembre 2007. L'assureur du CHI a versé à Mme C... une somme totale

de 33 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, hors incidence professionnelle, puis lui a proposé une somme de 8 146,65 euros au titre de ce dernier préjudice. Mme C..., estimant les propositions d'indemnisation insuffisantes, a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande de condamnation du CHI de Marmande-Tonneins à lui verser une somme totale de 124 158,12 euros. Par un jugement du 3 avril 2018, le tribunal a évalué les préjudices de Mme C... à 38 019,77 euros, incluant les pertes de gains professionnels jusqu'au 1er avril 2010, et condamné l'établissement hospitalier à verser à l'intéressée la somme de 5 019,77 euros compte tenu des provisions qu'elle avait perçues.

Mme C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de versement d'une somme de 55 509,48 euros au titre de ses pertes de gains professionnels " futurs ", c'est-à-dire postérieurs au 1er avril 2010. En appel, elle limite sa demande à 20 000 euros et à la période allant du 1er avril 2010 au 1er février 2016, date de son admission à la retraite.

Sur la demande de mise hors de cause de l'ONIAM :

2. Aux termes de l'article L. 142-1-1 du code de la santé publique : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; / (...). " Dès lors qu'il n'est pas contesté qu'une infection nosocomiale ayant entraîné un déficit fonctionnel permanent de 5 % est à l'origine des préjudices de Mme C..., l'ONIAM doit être mis hors de cause.

Sur les conclusions d'appel de Mme C... :

3. Il résulte de l'instruction que Mme C..., qui exerçait une activité salariée de manoeuvre et assurait le conditionnement de fruits et légumes, a été déclarée définitivement inapte à la reprise de son travail et " à reclasser dans une activité à temps partiel qui privilégie le travail assis avec possibilité de marche par intermittence, sans port de charges supérieures

à 5 kilos environ ". Son employeur n'étant pas en mesure de lui proposer un emploi adapté, elle a été licenciée à compter du 22 mai 2010, n'a pas retrouvé d'emploi et a été admise à la retraite à compter du 1er février 2016. Si les experts missionnés par la CRCI ont précisé que la marche avec boiterie et l'apparition de douleurs après un quart d'heure de marche ou de station debout prolongée n'étaient pas seulement l'évolution prévisible de la fracture de la jambe, mais étaient également en rapport avec l'infection, ils ont cependant conclu que le taux de déficit fonctionnel permanent de 5 % en lien exclusif avec l'infection correspondait à la limitation articulaire de la cheville entraînant une marche en rotation externe, et que les séquelles de l'événement causal auraient rendu le travail debout impossible. Il en résulte que les seules conséquences de la fracture suffisaient à rendre impossible un travail nécessitant une station debout prolongée, ce qui est à l'origine du licenciement pour inaptitude physique. Au demeurant, en se bornant à produire une unique décision de rejet de sa candidature à un emploi d'agent territorial spécialisé des écoles maternelles en 2011, Mme C... ne démontre pas avoir recherché un emploi adapté à son handicap avant son admission à la retraite en 2016. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande de réparation de pertes de gains professionnels entre le 22 mai 2010 et le 1er février 2016.

Sur la demande de la CPAM de la Gironde relative à l'indemnité forfaitaire de gestion :

4. La CPAM de la Gironde, qui se borne à demander la confirmation du jugement en tant qu'il lui a accordé satisfaction, n'obtient ni ne sollicite devant la cour aucune somme complémentaire au titre du remboursement de ses débours. Par suite, elle n'est pas

fondée à demander que l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par les dispositions de

l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, qui lui a été attribuée à hauteur de 1 066 euros en vertu de l'arrêté du 20 décembre 2017 des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget alors applicable, soit rehaussée pour tenir compte du montant revalorisé de cette indemnité à la date du présent arrêt.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, les conclusions présentées à cette fin par Mme C..., la CPAM de la Gironde et l'ONIAM doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ONIAM est mis hors de cause.

Article 2 : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C..., au centre hospitalier intercommunal de Marmande-Tonneins, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme A... B..., présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juillet 2020.

Le président de la 2ème chambre,

Catherine Girault

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02181


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02181
Date de la décision : 07/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01-03-01 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Préjudice. Caractère direct du préjudice. Absence.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : AD LEX AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-07;18bx02181 ?
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