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06/07/2020 | FRANCE | N°20BX00575

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 06 juillet 2020, 20BX00575


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2020 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a interdit son retour sur le territoire pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2000248 du 31 janvier 2020 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 fév

rier 2020, M. F..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en date ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2020 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a interdit son retour sur le territoire pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2000248 du 31 janvier 2020 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 février 2020, M. F..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en date du 31 janvier 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2020 du préfet de Lot-et-Garonne ;

3°) d'enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les articles 16, 20 et 28 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 transposés par les dispositions du 11° de l'article L. 511-4 et celles de l'article L. 511-3-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il démontre une présence sur le territoire français continue depuis 2003, que les condamnations pénales motivant la décision du préfet datent de 2016 et sont par conséquent anciennes, qu'il est père de deux enfants, qu'il est propriétaire d'un bien immobilier où il réside et d'un bâtiment à usage locatif, et qu'il n'a pas été condamné pour des crimes mais uniquement pour des délits ; il a subi un grave accident de la route entraînant notamment un ralentissement intellectuel, des conduites aberrantes comme en témoigne l'expertise psychiatrique du 25 janvier 2019 ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation en estimant qu'il n'était pas en mesure de subvenir à ses besoins dès lors qu'il bénéficie d'indemnité journalière maladie ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de deux ans insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet ne se prononce pas sur l'ensemble des critères mentionnés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que s'il a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales qui résulte d'une atteinte grave à l'ordre public il n'en découle pas automatiquement que l'appelant doit être considéré comme représentant une menace à l'ordre public à sa sortie de prison.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er juin 2020, le préfet de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant portugais, née le 22 mai 1984 à Mogadouro (Portugal), entré en France, selon ses déclarations, au cours de l'année 2003, relève appel du jugement en date du 31 janvier 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2020 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a interdit son retour sur le territoire pendant une durée de deux ans.

2. En premier lieu, La directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres a été intégralement transposée en droit français sous les articles L. 121-1 et suivants et R. 121-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par l'article 23 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration et par le décret n° 2007-371 du 21 mars 2007. M. F..., qui n'invoque pas une incompatibilité entre ces dispositions et les objectifs de la directive, ne saurait dès lors utilement se prévaloir de l'effet direct de ladite directive.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 51131 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 du code de 1'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) Le ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...) ainsi que les membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l'article L. 122-1 ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant visé à l'article L. 121-1 qui a résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes acquiert un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français. ".

4. Il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et notamment du bulletin n° 2 de son casier judiciaire, qu'il a été condamné le 14 février 2017 à 3 mois d'emprisonnement avec sursis pour violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, à 3 mois d'emprisonnement avec sursis pour conduite d'un véhicule avec un permis d'une catégorie n'autorisant pas sa conduite, circulation avec un véhicule terrestre sans assurance, conduite de véhicule sous l'emprise d'un état alcoolique. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment des mentions du fichier de traitement des antécédents judiciaires, des faits de vol simple de véhicule le 5 septembre 2017, de dégradation ou détérioration volontaire du bien d'autrui causant un dommage léger le 11 octobre 2017, des faits de conduite d'un véhicule à moteur malgré l'annulation judiciaire du permis de conduire, conduite de véhicule sous l'emprise d'un état alcoolique, port sans motif légitime d'arme blanche ou incapacitante de catégorie D le 28 septembre 2019 pour lesquels il a été condamné à une peine d'emprisonnement de 6 mois, des faits de privation de soins ou d'aliments compromettant la santé d'un mineur de 15 ans par ascendant ou personne ayant l'autorité le 10 février 2018, récidive de conduite d'un véhicule en état d'ivresse manifeste le 30 novembre 2018, récidive conduite d'un véhicule en état d'ivresse, récidive de vol, détention d'arme de catégorie C le 8 décembre 2018. Si M. F... soutient qu'il n'a pas fait l'objet de condamnation pénale pour certains de ces faits, il n'en conteste nullement la réalité. Dans ces conditions, eu égard à la nature et à la gravité des faits commis par l'intéressé et au caractère répété de ses agissements, le comportement du requérant constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. D'autre part, si M. F... fait valoir qu'il est entré en France au cours de l'année 2003, il n'établit pas la continuité de son séjour sur le territoire depuis cette date. Il est célibataire et, il résulte d'un jugement du 8 août 2019 du juge aux affaires familiales que l'exercice exclusif de l'autorité parentale sur sa fille et son fils, âgés respectivement de 13 ans et de 7 ans, a été confié à leur mère et que son droit de visite a été supprimé, ce jugement ayant notamment été pris au motif que lors de leurs visites chez leur père ses enfants étaient témoins de sa consommation de drogue et d'alcool et qu'ils étaient exposés à des images pornographiques. M. F... soutient qu'il a été victime d'un grave accident de la route l'ayant traumatisé, entraîné un ralentissement intellectuel, des conduites aberrantes ainsi que le certifie un médecin psychiatre dans une expertise en date du 25 janvier 2019, toutefois, cette même expertise met également en avant qu'il présente une addiction à l'alcool " qu'il semble utiliser aujourd'hui comme anxiolytique et anti-dépresseur " et que " sa responsabilité reste entière en ce qui concerne les risques qu'il a pris et qu'il prend toujours en matière de consommation d'alcool ". Enfin, les circonstances tenant à ce que M. F..., qui n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment ses parents et son frère, ait travaillé dans la maçonnerie de manière régulière en France entre 2003 et 2015 et qu'il soit propriétaire de biens immobilier sur le territoire, ne suffisent pas à démontrer son intégration sociale et culturelle en France. Par suite, l'intéressé, qui au demeurant ne justifie pas avoir résidé en France de manière légale et ininterrompue les cinq dernières années précédant la décision contestée, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Lot-et-Garonne a commis une erreur de droit ou d'erreur d'appréciation en édictant la décision contestée.

6. En troisième lieu, et pour les mêmes motifs que ceux exposées au point 5 ci-dessus, l'obligation de quitter le territoire français en contestée n'a pas davantage méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est pas non plus entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

7. Aux termes de l'article L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l'article L. 511-3-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans (...) Les quatre derniers alinéas de l'article L. 511-3-1 sont applicables. ".

8. Il résulte de la lecture de l'arrêté contesté que le préfet, pour prendre la mesure d'interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de deux ans, a visé l'article L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet mentionne également la date à laquelle M. F... a déclaré être entré en France, qu'il est célibataire, qu'il n'exerce plus l'autorité parentale sur ses enfants en application d'une décision de justice, qu'il est actuellement incarcéré et qu'il représente une menace pour l'ordre public. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait insuffisamment motivée, et en tout état de cause, celui tiré d'une erreur de droit qu'aurait commise le préfet à cet égard, ne peuvent qu'être rejetés.

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 du présent arrêt, le préfet n'a pas davantage commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2020 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a interdit son retour sur le territoire pendant une durée de deux ans. Par voie de conséquence il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre E..., président,

Mme C... A..., présidente assesseure

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juillet 2020

Le président,

Pierre E...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00575


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00575
Date de la décision : 06/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre LARROUMEC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : MOLDOVAN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-06;20bx00575 ?
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