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06/07/2020 | FRANCE | N°19BX04280

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 06 juillet 2020, 19BX04280


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 4 octobre 2018 par laquelle le président de la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques lui a infligé la sanction de révocation et de condamner cet établissement public à lui verser une indemnité de 198 035,37 euros correspondant à 39 mois de salaires au titre de la période du 21avril 2016 au 3l juillet 2019.

Par un jugement n° 1802504 du 9 octobre 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demand

e.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 novembre 2019, M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 4 octobre 2018 par laquelle le président de la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques lui a infligé la sanction de révocation et de condamner cet établissement public à lui verser une indemnité de 198 035,37 euros correspondant à 39 mois de salaires au titre de la période du 21avril 2016 au 3l juillet 2019.

Par un jugement n° 1802504 du 9 octobre 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 novembre 2019, Mme D... A..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 9 octobre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 4 octobre 2018 par laquelle le président de la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques lui a infligé la sanction de révocation ;

3°) de condamner la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques à lui verser une indemnité de 198 035,37 euros correspondant à 39 mois de salaires au titre de la période du 21 avril 2016 au 3l juillet 2019.

4°) de mettre à la charge de la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques une somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'en méconnaissance des nouvelles dispositions applicables au personnel administratif des chambres d'agricultures dès le 10 octobre 2018, la commission régionale paritaire doit donner son avis avant toute mesure de licenciement à l'exception du licenciement pour inaptitude ;

- elle est entachée d'erreur de droit dans la mesure où son inaptitude avait été reconnue de façon définitive ;

- elle est entachée d'erreur de fait dans la mesure où l'absence qui lui est reprochée n'était pas fautive mais résultait de son inaptitude constatée à occuper ses fonctions ;

- l'annulation contentieuse étant rétroactive, la chambre d'agriculture devra être condamnée à lui verser la somme de 198 035,37 euros correspondant à 39 mois de salaires au titre de la période du 21 avril 2016 au 31 juillet 2019.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 décembre 2019, la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques, représentée par Me E..., conclut à l'irrecevabilité partielle de la requête et à défaut à son rejet et sollicite la mise à la charge de Mme A... de la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables pour défaut de liaison du contentieux, absence de production de pièces et caractère nouveau en appel ;

- les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 décembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 4 février 2020 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... B... ;

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public ;

- les observations de Me E..., représentant la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques.

Considérant ce qui suit :

1. Engagée le 1er mai 2002 en qualité d'assistante de direction administratif et financier de la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques, Mme A... a été titularisée dans cette fonction le 1er novembre 2002 puis, à la suite de diverses promotions, est devenue directrice adjointe de cet établissement public le 1er novembre 2010. En 2015, elle a été nommée chef de projet de la régionalisation des fonctions supports. Entre le 10 janvier et le 21 avril 2016, elle a été placée en congé de maladie en raison d'une asthénie qu'elle imputait à son milieu professionnel. Le 6 avril 2016, Mme A... a été déclarée apte à reprendre ses fonctions par le médecin du travail qui, le 21 avril suivant, a établi un nouveau certificat attestant au contraire de son inaptitude. La chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques a alors engagé une procédure de licenciement pour inaptitude physique qui n'a pas été menée à son terme. Par un jugement du 29 janvier 2018, le tribunal administratif de Pau a estimé que le retard à procéder au licenciement de Mme A... était constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques à son égard et a notamment enjoint à cet établissement de réexaminer la situation administrative de l'intéressée. Le 28 février 2018, la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques a fait savoir à Mme A... que, compte tenu de son absence injustifiée depuis avril 2016, une procédure disciplinaire était engagée à son encontre. Par une décision du 4 octobre 2018, le président de la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques a infligé à Mme A... la sanction de révocation. Cette dernière relève appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 9 octobre 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 octobre 2018 et à la condamnation de la chambre d'agriculture à lui verser une indemnité de 198 035,37 euros.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers : " La situation du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers est déterminée par un statut établi par des commissions paritaires nommées, pour chacune de ces institutions, par le ministre de tutelle ". Selon l'article 24 du statut des personnels administratifs des chambres d'agriculture : " Les mesures disciplinaires applicables aux agents titulaires peuvent être : a) l'avertissement par écrit, b) le blâme avec inscription au dossier, c) la révocation / Ces sanctions sont prononcées par le président de l'organisme employeur (...) ". Aux termes de l'article 40 du même statut : " Il est créé une commission paritaire spécifique siégeant à l'échelon national chargée de veiller à l'application des dispositions spéciales concernant les directeurs de chambres d'agriculture et d'élaborer toutes dispositions complémentaires afférentes à cette application. / Cette commission doit notamment (...) donner un avis préalable à un blâme, à une révocation ou à un licenciement de directeur de chambre départementale ou régionale d'agriculture ". Aux termes de l'article 32 du décret du 28 mai 1982, applicable aux commissions instituées au sein des établissements publics de l'Etat employant des agents de droit public : " En cas de partage des voix l'avis est réputé avoir été donné ". L'avis de la commission est également réputé donné lorsque le vote effectué ne dégage une majorité ni dans le sens d'un avis favorable ni dans le sens d'un avis défavorable. Tel est le cas, notamment, lorsque les membres de la commission s'abstiennent à l'unanimité.

3. Il ressort des pièces du dossier que la commission paritaire compétente pour examiner le projet de révocation de Mme A... s'est réunie le 26 septembre 2018. S'il est vrai que les quatre membres de cette commission se sont abstenus et n'ont ainsi émis aucun avis favorable ou défavorable au projet, l'avis de la commission doit néanmoins être réputé avoir été donné. Par suite, doit être écarté le moyen tiré du vice de la procédure de consultation dont la régularité s'apprécie au regard des textes en vigueur à la date à laquelle intervient la décision devant être précédée de cette consultation, soit au cas d'espèce au 4 octobre 2018.

En ce qui concerne la légalité interne :

4. En premier lieu, s'il ressort de la fiche d'aptitude médicale du 21 avril 2016 que Mme A... a été déclarée inapte à la reprise de ses fonctions par le médecin du travail, cet avis médical n'a pas le caractère d'une décision créatrice de droits. De même, le fait pour l'autorité administrative d'engager une procédure de licenciement pour inaptitude physique sans la mener à son terme n'a pas pour effet de conférer, à l'agent intéressé, un droit à être licencié pour ce motif. Par suite, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait acquis un droit à être licenciée pour inaptitude physique. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'erreur de droit doit donc être écarté.

5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... n'a fourni aucun certificat médical justifiant de ses absences entre, d'une part, le 22 avril et le 30 août 2016 et, d'autre part, le 1er octobre 2016 et le 4 octobre 2018. Par ailleurs, à la date de la révocation litigieuse, le seul avis médical la déclarant inapte avait une ancienneté de vingt-neuf mois et n'a été corroboré par aucun autre certificat médical, ni devant l'administration ni en première instance ni en appel. Il n'est d'ailleurs pas contesté que Mme A..., qui a refusé de se soumettre à des expertises médicales de nature à établir la réalité de l'affection dont elle allègue être atteinte, n'est de ce fait pas indemnisée par l'assurance maladie et n'a pas davantage revendiqué le bénéfice de l'article 29 de son statut, qui permet aux agents atteints de longue maladie reconnue par la mutualité sociale agricole de percevoir pendant trois ans l'intégralité de leur traitement. En outre, il est constant que Mme A... avait annoncé à sa hiérarchie, en septembre 2015, qu'elle souhaitait quitter l'établissement qui l'employait pour se réorienter professionnellement. Si elle fait valoir que c'est le harcèlement moral que lui aurait fait subir le directeur de la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques qui serait à l'origine de son inaptitude et de son refus d'envisager toute possibilité de reclassement au sein de l'établissement, elle n'apporte aucun élément nouveau à l'appui de ses dires lesquels ne corroborent pas l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral.

6. Contrairement à ce que soutient Mme A..., de tels faits, dont la matérialité des établie, étaient de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire dont il n'est pas allégué qu'elle serait disproportionnée.

Sur les conclusions indemnitaires :

7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme A... n'est pas fondée à invoquer l'illégalité de la décision de révocation prise à son encontre par le président de la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques. Il s'ensuit qu'elle ne saurait prétendre au versement de l'indemnité de 198 035,37 euros qu'elle réclame au titre des salaires non perçus sur la période du 21 avril 2016 au 31 juillet 2019. Les conclusions qu'elle présente à cette fin ne peuvent par suite qu'être rejetées sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense.

Sur les frais liés au litige :

8. D'une part, aucun dépens n'ayant été exposé dans la présente instance, les conclusions de Mme A... tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies.

9. D'autre part, la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à sa charge sur leur fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme de 750 euros au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera à la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques une somme de 750 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et à la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme C... B..., présidente-assesseure,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX04280 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04280
Date de la décision : 06/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : TERQUEM-ADOUE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-06;19bx04280 ?
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