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02/07/2020 | FRANCE | N°18BX04336

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 02 juillet 2020, 18BX04336


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions des 15 mars et 26 avril 2016 par lesquelles, respectivement, le directeur général de l'établissement public du réseau de création et d'accompagnement pédagogiques (Réseau Canopé) et le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ont rejeté sa demande d'intégration dans le corps des ingénieurs techniques de recherche et de formation du ministère chargé de l'enseignement supér

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Par un jugement n° 1602760, 1602884 du 17 octobre 2018, le tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions des 15 mars et 26 avril 2016 par lesquelles, respectivement, le directeur général de l'établissement public du réseau de création et d'accompagnement pédagogiques (Réseau Canopé) et le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ont rejeté sa demande d'intégration dans le corps des ingénieurs techniques de recherche et de formation du ministère chargé de l'enseignement supérieur.

Par un jugement n° 1602760, 1602884 du 17 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 décembre 2018 et 13 septembre 2019, Mme D..., représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 octobre 2018 ;

2°) d'annuler les décisions des 15 mars et 26 avril 2016 par lesquelles sa demande d'intégration dans le corps des ingénieurs de recherche du ministère chargé de l'enseignement supérieur a été rejetée ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de procéder à son intégration dans son corps de détachement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas suffisamment motivé en ce qu'il s'est borné à constater que du simple fait qu'elle aurait été placée en position de détachement sur le fondement du 4 a) de l'article 14 du décret du 16 septembre 1985 précité dans un emploi de " professeur chargé d'études ", elle avait été placée dans une situation statutaire régulière ;

- le tribunal a jugé à tort qu'elle avait été placée dans une position régulière en étant détachée dans un établissement public de l'Etat, en vertu des dispositions du 4° a) de l'article 14 du décret du 16 septembre 1985 alors que le Réseau Canopé emploie des agents titulaires, qu'elle occupait un emploi permanent et qu'elle n'a jamais été titulaire d'aucun contrat dans le cadre de son détachement ;

- le tribunal a jugé à tort, d'une part, que son détachement sur un emploi de " professeur chargé d'études ", sans corps ni grade de référence, était légal, car cette position n'est possible, au sein d'un établissement public de l'Etat, que dans une catégorie ou un corps de niveau comparable au corps d'origine du fonctionnaire, d'autre part, qu'elle pouvait être détachée dans le même corps que celui auquel elle appartenait, car un tel détachement est par nature illégal, la position de détachement étant, par définition, celle où l'agent est placé " hors " de son corps d'origine et enfin qu'elle pouvait être détachée dans un emploi de " professeur chargé d'études ", alors même que ce corps n'existe pas et qu'au sein du Réseau Canopé, elle n'a jamais eu d'activité professorale ;

- sur son droit à intégration, le tribunal a jugé à tort qu'elle ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 13 bis de la loi du 11 juillet 1983 qui prévoit une intégration dans le corps dans lequel le fonctionnaire a été détaché, au motif qu'elle n'aurait pas été détachée dans un corps différent de celui auquel elle appartient.

Par mémoire enregistré le 26 août 2019, l'établissement public de création et d'accompagnement pédagogiques dénommé " Réseau Canopé ", représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'appelante d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des arrêtés prononçant les placements successifs, arrêtés devenus définitifs au jour de sa demande, est irrecevable ;

- il pourra être procédé à une substitution de motifs en indiquant que la décision refusant l'intégration de la requérante du 15 mars 2016 aurait pu être motivée par le fait que dès lors qu'elle avait été admise au détachement sur le fondement du a) du 4ème alinéa de l'article 14 du décret n° 85-986, les dispositions de l'article 13 bis de la loi du 13 juillet 1983 ne lui étaient pas applicables et qu'en conséquence, le Réseau Canopé n'était pas tenu de lui proposer une intégration dans le corps demandé ;

- les autres moyens développés par Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Mme D... et les observations de Me B..., représentant le Réseau Canopé.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., professeur de lycée professionnel, a été placée en service détaché, par un arrêté du 26 septembre 2008, auprès du Centre national de documentation pédagogique dans un emploi de professeur chargé d'études au centre régional de documentation pédagogique de Midi-Pyrénées, pour la période du 1er octobre 2008 au 31 août 2009. Elle a été maintenue en service détaché pour la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2012, par un arrêté du 26 janvier 2009 puis, pour la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2015, par un arrêté du 6 janvier 2012. A la suite de la création, le 1er janvier 2015, de l'établissement de création et d'accompagnement pédagogiques dénommé " Réseau Canopé ", se substituant au Centre national de documentation pédagogique, Mme D... a été détachée auprès de cet établissement, pour la période du 1er septembre 2015 au 31 août 2017, par un arrêté du 12 mars 2015. Par un courrier du 3 mars 2016, Mme D... a sollicité son intégration dans le corps des ingénieurs et techniciens de recherche et de formation (ITRF). Par deux décisions du 15 mars et du 26 avril 2016 respectivement du directeur général du Réseau Canopé et du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sa demande a été rejetée. Mme D... relève appel du jugement du 17 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Pour justifier le caractère régulier de la situation de Mme D..., le tribunal administratif de Toulouse a indiqué, d'une part, qu'elle avait été placée en position de détachement dans un emploi de " professeur chargé d'études " sur le fondement du a) du 4) de l'article 14 du décret du 16 septembre 1985 et, d'autre part, qu'il ne ressortait d'aucun texte législatif ou règlementaire que l'administration était tenue de déterminer un corps et un grade d'emploi dans l'administration d'accueil du fonctionnaire détaché. Par suite, contrairement à ce que soutient l'appelante, le jugement est suffisamment motivé.

Sur la légalité des décisions refusant l'intégration de Mme D... dans le corps des ingénieurs et techniciens de recherche et de formation :

4 Aux termes de l'article 13 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Tous les corps et cadres d'emplois sont accessibles aux fonctionnaires civils régis par le présent titre par la voie du détachement suivi, le cas échéant, d'une intégration, ou par la voie de l'intégration directe, nonobstant l'absence de disposition ou toute disposition contraire prévue par leurs statuts particuliers. / Le détachement ou l'intégration directe s'effectue entre corps et cadres d'emplois appartenant à la même catégorie et de niveau comparable, apprécié au regard des conditions de recrutement ou du niveau des missions prévues par les statuts particuliers. Le présent alinéa s'applique sans préjudice des dispositions plus favorables prévues par les statuts particuliers. (...) Le fonctionnaire détaché dans un corps ou cadre d'emplois qui est admis à poursuivre son détachement au-delà d'une période de cinq ans se voit proposer une intégration dans ce corps ou cadre d'emplois ". L'article 45 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat dispose : " Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite. (...) A l'expiration de son détachement, le fonctionnaire est, sauf intégration dans le corps ou cadre d'emplois de détachement, réintégré dans son corps d'origine (...) ". Aux termes de l'article 14 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions : " Le détachement d'un fonctionnaire ne peut avoir lieu que dans l'un des cas suivants : / 1° Détachement auprès d'une administration ou d'un établissement public de l'Etat dans un emploi conduisant à pension du code des pensions civiles et militaires de retraite ; (...) 4° a) Détachement auprès d'une administration de l'Etat ou d'un établissement public de l'Etat dans un emploi ne conduisant pas à pension du code des pensions civiles et militaires de retraite (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, depuis le 1er septembre 2008, Mme D... appartient au corps des professeurs de lycée professionnel et n'a pas été détachée dans le corps des ingénieurs et techniciens de recherche et de formation. La circonstance, à la supposer établie, que les fonctions de " responsable éditorial " relèveraient du corps des ingénieurs de recherche n'a pas pour effet de la regarder comme ayant été détachée dans ce corps. Par suite, elle ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 13 bis de la loi du 13 juillet 1983 pour bénéficier de l'intégration dans ce corps.

6. A supposer même que Mme D... ait été placée en situation irrégulière au regard des dispositions du a) du 4° de l'article 14 du décret du 16 septembre 1985 précité, elle ne peut utilement se prévaloir, à l'appui des conclusions tendant à l'annulation des décisions refusant son intégration dans le corps des ingénieurs et techniciens de recherche et de formation, de l'illégalité, soulevée par voie d'exception, des arrêtés de détachement des 26 septembre 2008, 26 janvier 2009, 6 janvier 2012 et 12 mars 2015, dont au demeurant, il n'est pas contesté qu'ils étaient devenus définitifs à la date à laquelle Mme D... a demandé l'annulation des décisions refusant son intégration dans le corps des ingénieurs et techniciens de recherche et de formation, dès lors que ces décisions ne trouvent pas leur base légale dans les arrêtés de détachement et n'ont pas davantage été prises pour leur application.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions des 15 mars et 26 avril 2016.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du Réseau Canopé, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du Réseau Canopé tendant à l'application des dispositions de cet article.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le Réseau Canopé tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., à l'établissement public de création et d'accompagnement pédagogiques dénommé " Réseau Canopé " et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.

Le président,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX04336


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04336
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Détachement et mise hors cadre. Détachement.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET LYON-CAEN THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-02;18bx04336 ?
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