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02/07/2020 | FRANCE | N°18BX04266

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 02 juillet 2020, 18BX04266


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 décembre 2018 et 22 janvier 2020, la société civile immobilière Cognac Invest, représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2018 par lequel le maire de Châteaubernard (Charente) a délivré à la SCI Bordeaux Espace Aquitaine un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'un magasin à l'enseigne Décathlon d'une surface de vente de 1 835 m² et d'une cellule non alimentaire d'une surface de 642 m² situé

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 décembre 2018 et 22 janvier 2020, la société civile immobilière Cognac Invest, représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2018 par lequel le maire de Châteaubernard (Charente) a délivré à la SCI Bordeaux Espace Aquitaine un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'un magasin à l'enseigne Décathlon d'une surface de vente de 1 835 m² et d'une cellule non alimentaire d'une surface de 642 m² situés au 9464 chemin Samuel de Champlain, portant ainsi l'extension de l'ensemble commercial existant à une surface de vente de 38 182 m² ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Châteaubernard et de la SCI Bordeaux Espace Aquitaine une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce que soutient la commune, le recours a bien été introduit, pour son compte, par un avocat ayant reçu mandat de son gérant, nonobstant la mention de son président contenue dans la requête ;

- son intérêt à agir est incontestable car elle est propriétaire depuis 2014 d'un ensemble commercial en cours d'achèvement comprenant notamment 17 cellules non alimentaires et une alimentaire dans la ZAC Mas de la Cour-Bellevue sur le territoire de la commune de Chateaurenard, située dans la zone de chalandise du magasin en cause ;

- les formalités prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme de notification de la présente demande ont bien été effectuées auprès du maire de la commune et au pétitionnaire, alors qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou règlementaire qu'une telle notification doive être adressée à la Commission nationale d'aménagement commercial ;

- la commune ne démontre pas que le signataire de l'arrêté en litige, maire adjoint en charge de la culture, disposait d'une délégation régulière du maire pour signer les autorisations en matière d'urbanisme ; la seule circonstance que le maire était absent à la date de la signature du permis attaqué n'apparaît pas de nature à justifier que le permis de construire litigieux a pu être régulièrement signé par son premier adjoint ;

- si les convocations semblent avoir été adressées aux membres de la commission nationale le 29 août 2018, rien n'indique qu'un dossier leur ait été communiqué ou que celui-ci comportait l'ensemble des pièces imposées par les dispositions de l'article R. 752-35 du code de commerce ;

- les éléments initiaux mais également complémentaires, produits à l'appui de la demande d'autorisation, étaient insuffisants pour permettre à la Commission nationale d'aménagement commercial de se prononcer en toute connaissance de cause sur le projet, notamment en ce qui concerne la liste des magasins constituant l'ensemble commercial existant, les incidences du projet sur le flux de circulation de l'ensemble commercial, en l'absence d'une véritable étude sur les flux de circulation, la localisation des commerces de proximité situés sur le territoire de la commune de Châteaubernard, la différenciation des différentes catégories d'immeubles sur les vues aériennes ou encore la description des dessertes actuelle et future du projet ;

- le projet méconnait les objectifs définis à l'article L. 752-6 du code de commerce.

Par des mémoires enregistrés les 8 juillet 2019, 10 février 2020 et 12 mars 2020, la société civile immobilière Bordeaux Espace Aquitaine, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à l'application des articles L. 600-5 ou

L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et à la mise à la charge de la SCI Cognac Invest de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- seuls les professionnels concurrents ou les associations les représentant, peuvent agir pour contester une autorisation d'exploitation commerciale, ce qui exclut de droit, les sociétés civiles, qui par définition, ne peuvent pas avoir d'activité commerciale et ne peuvent donc pas voir leur activité affectée par un nouveau projet, de même que le titulaire d'une simple autorisation commerciale ou le propriétaire non-exploitant de locaux commerciaux ; la demande apparaît ainsi irrecevable faute d'un intérêt à agir suffisant ;

- les moyens soulevés par la SCI Cognac Invest ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 4 décembre 2019 et 11 février 2020, la commune de Châteaubernard, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SCI Cognac Invest de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- la demande de la SCI Cognac Invest est irrecevable à plusieurs titres, faute d'une part d'avoir respecté les obligations de notification du recours prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, s'agissant de la notification de son recours à la Commission nationale d'aménagement commercial et d'autre part de justifier d'un intérêt pour agir ;

- la société demanderesse ne peut régulièrement avoir agi par la voix de son président en exercice alors qu'une société civile immobilière est dirigée par son seul gérant ;

- les moyens soulevés par la SCI Cognac Invest sont infondés, comme l'énonce à bon droit le pétitionnaire dont elle s'en remet à l'argumentation.

L'instruction a été close au 12 février 2020, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Me H..., représentant la SCI Cognac Invest, les observations de Me D..., représentant la SCI Bordeaux Espace Aquitaine, et les observations de Me B..., représentant la commune de Châteaubernard.

Considérant ce qui suit :

1. Le 21 février 2018, la SCI Bordeaux Espace Aquitaine a déposé auprès du maire de Châteaubernard une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale afin de procéder, après réhabilitation d'une friche industrielle, à l'extension de l'ensemble commercial du Fief du Roy d'une surface de vente de 35 705 m² par la création d'un magasin de sport à l'enseigne Décathlon de 1 835 m² et d'une cellule commerciale non alimentaire de 642 m², pour atteindre une surface de vente totale de 38 182 m² sur un terrain cadastré section AO n° 160 situé au niveau du 9464 chemin Samuel de Champlain. La commission départementale d'aménagement commercial de la Charente a émis, le

3 mai 2018, un avis favorable à cette demande. Par un recours conjoint enregistré le

12 juin 2018, les sociétés Cognac Invest et Cognac Développement, ont demandé à la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) d'annuler cet avis favorable. Le 13 septembre 2018, la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté ce recours et émis un avis favorable sur ce projet. Par un arrêté du 10 octobre 2018, le maire de Châteaubernard a délivré le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale sollicité. La société Cognac Invest demande à la cour d'annuler ce permis de construire.

Sur la légalité du permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale :

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :

2. Aux termes de l'article L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales : " En cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le maire est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint, dans l'ordre des nominations et, à défaut d'adjoint, par un conseiller municipal désigné par le conseil ou, à défaut, pris dans l'ordre du tableau. ". Il résulte de ces dispositions qu'en cas d'absence ou d'empêchement, le maire est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint dans l'ordre des nominations sans que l'exercice de cette suppléance soit subordonné à une délégation donnée à cet effet par le maire. Il appartient alors à l'adjoint de prendre tous les actes nécessaires à la bonne marche de l'administration municipale dont l'intervention, au moment où elle s'impose normalement, serait rendue impossible par cette absence ou cet empêchement.

3. L'arrêté litigieux a été signé le 10 octobre 2018 par Mme G... A..., première adjointe au maire, en l'absence de ce dernier qui établit avoir séjourné à l'étranger entre le 4 et le 18 octobre 2018. Dès lors, il résulte des dispositions précitées que, même en l'absence de délégation expresse, Mme A... était compétente pour exercer l'ensemble des fonctions du maire, au nombre desquelles figure la délivrance des autorisations d'urbanisme valant autorisation d'exploitation commerciale en vertu des dispositions combinées du a) de l'article L. 422-1 et de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de ce que l'adjoint au maire en charge de la culture n'était pas compétent pour signer le permis de construire attaqué doit être écarté. Au demeurant, le maire de Châteaubernard a signé, le 3 mars 2020, un permis de construire modificatif concernant l'aménagement paysager du site et reprenant les autres prescriptions du permis initial.

En ce qui concerne la composition de la commission :

4. Aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".

5. La Commission nationale d'aménagement commercial a produit des attestations montrant que les convocations ont été adressées aux membres titulaires le 29 août 2018 pour la séance du 13 septembre suivant. Cette convocation indique que les documents relatifs aux dossiers examinés seront disponibles sur la plateforme de téléchargement cinq jours au moins avant la tenue de la séance et invite les membres titulaires à faire part de leur éventuelle indisponibilité à leurs suppléants. La société requérante n'apporte aucun commencement de preuve contredisant ces éléments. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. E... F..., présent lors de la réunion du 13 septembre 2018 n'a pas été régulièrement convoqué et n'a pas reçu les pièces nécessaires à l'examen du projet. La convocation des membres de la Commission nationale d'aménagement commercial a ainsi été entachée d'irrégularité au regard de l'article R. 75235 précité du code de commerce.

6. Cependant, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et les règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

7. Il résulte du procès-verbal de la séance, ainsi que des autres pièces du dossier, que sept membres de la Commission nationale d'aménagement commercial, tous régulièrement convoqués, ont participé à la réunion du 13 septembre 2018. Ce nombre étant supérieur au quorum de six membres fixé par l'article R. 75237 du code de commerce, la commission a pu valablement délibérer. L'avis favorable à l'autorisation du projet de la SCI Bordeaux Espace Aquitaine a été adopté avec sept votes favorables et un vote défavorable. Dans ces conditions, il ne ressort d'aucun des éléments du dossier soumis à la cour que l'absence de convocation régulière à la séance, assortie des documents nécessaires à l'examen du projet, de l'un des membres de la commission aurait été susceptible d'avoir exercé, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise. Cette irrégularité n'a pas non plus été de nature à priver la société requérante de la garantie que constitue l'examen par la commission de son recours administratif en application de l'article L. 5217 du code de commerce. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure entachant l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial doit être écarté.

En ce qui concerne la composition du dossier :

8. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : 1° informations relatives au projet : (...) g) Autres renseignements : /- si le projet s'intègre dans un ensemble commercial existant : une liste des magasins de cet ensemble commercial exploités sur plus de 300 mètres carrés de surface de vente, ainsi qu'à titre facultatif, la mention des enseignes de ces magasins ; / 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / a) Contribution à l'animation des principaux secteurs existants ; / c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; / (...) e) Indication de la distance du projet par rapport aux arrêts des moyens de transports collectifs, de la fréquence et de l'amplitude horaire de la desserte de ces arrêts ; / f) Analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, tous modes de transport confondus, selon les catégories de clients ; g) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial ; (...) II.- L'analyse d'impact comprend, après un rappel des éléments mentionnés au 1° du I, les éléments et informations suivants :/ 1° Informations relatives à la zone de chalandise et à l'environnement proche du projet : (...) b) Une carte ou un plan de l'environnement du projet, accompagné d'une description faisant apparaître, dans le périmètre des communes limitrophes de la commune d'implantation incluses dans la zone de chalandise définie pour le projet, le cas échéant : / - la localisation des activités commerciales (pôles commerciaux et rues commerçantes, halles et marchés) et, le cas échéant, des locaux commerciaux vacants ; / - la localisation des autres activités (agricoles, industrielles, tertiaires) et des équipements publics ;(...) - la localisation des zones d'habitat (en précisant leur nature : collectif, individuel, social) (...) ".

9. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

10. D'une part, contrairement à ce que soutient la société requérante, le dossier de demande comprend la liste des activités commerciales situées dans un rayon d'un kilomètre autour du projet et précise les enseignes présentes sur la zone. En outre, le dossier de demande contient une présentation des commerces présents en centre-ville de Châteaubernard ainsi que des cartes représentant les différentes activités agricoles et localisant les activités industrielles et tertiaires ainsi que les zones d'habitat. La circonstance que le dossier ne précise pas la nature des zones d'habitat, alors que figuraient au dossier une carte localisant les zones d'habitats et un tableau décrivant les catégories et types de logements, n'est pas suffisante pour caractériser une incomplétude du dossier de nature à elle seule à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

11. D'autre part, le dossier de la demande, complété devant la commission nationale, décrit les voies de desserte routière et les accès existants et futurs du projet, les flux actuels globaux de circulation et ceux générés par le projet, estimés à 405 véhicules par jour représentant un flux supplémentaire réel de 122 véhicules/jour en prenant en compte les déplacements pendulaires à concurrence de 70 %. Le dossier indique qu'" actuellement, la D941 et la N141 sont presque saturées avec un flux jusqu'à 14 000 véhicules par jour, pour un seuil de saturation à 15 000 v/j ". Par suite, le dossier de demande répond aux exigences de l'article R. 752-6 du code de commerce qui n'impose pas la production d'une étude des flux de circulation. Contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission nationale d'aménagement commercial a disposé d'éléments suffisants pour apprécier les effets du projet sur les flux de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site.

En ce qui concerne l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement commercial :

12. Aux termes de l'article L. 752-1 du code du commerce : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / 1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ; (...) / 4° La création d'un ensemble commercial tel que défini à l'article L. 752-3 et dont la surface de vente totale est supérieure à 1 000 mètres carrés ; / 5° L'extension de la surface de vente d'un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet (...) ". Selon l'article L. 752-6 du même code : " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ;/ b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés écoresponsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : /a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locale (...) ". Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs définis à l'article L. 752-6 du même code et au vu des critères d'évaluation mentionnés dans ce même article. L'autorisation ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs.

S'agissant de l'objectif d'aménagement du territoire :

13. En premier lieu, si le projet est situé à 2 km du centre-ville de Châteaubernard et à plus de 3 km de celui de Cognac, la loi n'implique pas que le critère de contribution à l'animation de la vie urbaine ne puisse être respecté que par une implantation en centre-ville. Le projet, qui consiste en la réhabilitation d'une friche commerciale vacante depuis 2016 pour créer un magasin de sport de taille modeste de 1 835 m² et une cellule non alimentaire de 642 m², est situé dans la zone UX du plan local d'urbanisme réservée aux activités économiques à vocation artisanale, commerciale, de service et de bureaux, au sein de la zone commerciale du Fief du Roy à proximité de plusieurs équipements sportifs et d'habitats pavillonnaires. Les circonstances que la commune de Cognac a bénéficié de fonds au titre du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce et qu'elle a été incluse dans le programme " Action Coeur de Ville " ne sauraient à elles seules révéler que le projet méconnaîtrait l'objectif de protection des consommateurs ou celui de l'aménagement du territoire pour ce qui concerne son impact sur l'animation de la vie urbaine. Il ressort au contraire des pièces du dossier que la création du magasin à l'enseigne Décathlon permettra de renforcer l'offre commerciale dans le domaine du sport et évitera l'évasion commerciale vers les pôles commerciaux de Saintes et d'Angoulême. La proximité de la zone commerciale en cours de réalisation, la ZAC Bellevue, qui offre des cellules qui auraient pu être occupées par les magasins projetés, ainsi que la déprise démographique de 0,72 % de la zone de chalandise et le taux de vacance de 7, 46 % ne sauraient, compte tenu de la nature des commerces envisagés, suffire à faire regarder cette opération comme ayant un effet négatif significatif sur l'animation de la vie urbaine des communes de Châteaubernard et de Cognac.

14. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet sera desservi par la RN141 et six routes départementales et sera accessible par la rue Samuel Champlin qui se termine en impasse à hauteur du projet. L'ensemble du projet génèrera un flux estimé à 405 véhicules/jour dont 70 % des futurs clients emprunteront la RD 941 et la RN 141 qui constituent des axes majeurs pour le déplacement pendulaire. Si avec un flux actuel de 14 000 véhicules par jour, la RD 941 est proche de la saturation fixée à 15 000 véhicules par jour, le seul flux supplémentaire réel estimé à 122 véhicules par jour n'est pas de nature à remettre en cause la réalisation du projet qui, au demeurant, réinvestit un magasin dont l'activité était génératrice de flux de livraison importants. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier du 1er août 2018 cosigné par le vice-président de la communauté d'agglomération du Grand Cognac et le maire de Châteaubernard, que si la réalisation d'un pont routier enjambant la nationale et reliant les zones d'activités commerciales est envisagée afin de limiter l'engorgement du rond-point de la Trache en entrée d'agglomération, ces travaux d'aménagement permettraient principalement le désenclavement de la zone de Bellevue et ne sont pas indispensables à la réalisation du projet envisagé. Si la société requérante soutient que les accès au site ne seront pas sécurisés, elle ne conteste pas sérieusement que la largeur de la chaussée de la rue Samuel Champlain mesure 6,5 mètres et l'emprise globale 10 mètres, ce qui est, en l'espèce, suffisant au regard des exigences de sécurité. Par ailleurs, l'accès des véhicules de livraison est dissocié des flux de véhicules de la clientèle, garantissant ainsi la sécurité des consommateurs. Enfin, le projet est desservi par trois lignes de bus dont l'arrêt se situe à 400 mètres du site. La circonstance, pour regrettable qu'elle soit, que la desserte par des modes de déplacement doux n'est pas satisfaisante n'est pas de nature à elle seule à justifier un refus du projet. Par suite, c'est sans erreur d'appréciation que la Commission nationale d'aménagement commercial a considéré que le projet ne porte pas atteinte à l'objectif d'aménagement du territoire tel que fixé au 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de l'objectif de développement durable :

15. Si la société requérante soutient que la commission aurait méconnu l'objectif fixé par le législateur en matière de développement durable notamment du fait de la surface imperméabilisée induite, il ressort des pièces du dossier que le projet consiste en une réhabilitation d'une friche commerciale existante, s'insérant dans l'environnement commercial du secteur et dont la surface déjà imperméabilisée a été réduite du fait de la réalisation de 105 places de stationnement traitées en evergreen sur les 123 emplacements prévus, avec dépollution des eaux de ruissellement. En outre, le site comptera 33 arbres supplémentaires, les espaces verts représentant près de 15 % du terrain d'assiette du projet. Il ressort des pièces du dossier que la construction du bâtiment est prévue dans le respect de la réglementation thermique 2012 et qu'il comporte plusieurs éléments de nature à améliorer son profil de consommation énergétique, tels que des panneaux solaires ou des pompes à chaleur réversibles. Dans ces conditions, le projet ne peut être regardé comme méconnaissant l'objectif fixé par le législateur en matière de développement durable.

S'agissant de l'objectif de protection des consommateurs :

16. L'insuffisance de la prise en compte du risque de sismicité, d'ailleurs faible, ne ressort pas des pièces du dossier. Par ailleurs, l'absence de partenariat avec des associations sportives, ce qui ne ressort au demeurant pas davantage des pièces du dossier, ou des commerces de centre-ville ne saurait à elle seule révéler une méconnaissance de l'objectif de protection des consommateurs visé à l'article L. 752-6 du code de commerce.

17. La société requérante ne peut utilement invoquer, dans un litige concernant l'appréciation d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale par la Commission nationale d'aménagement commercial, le moyen tiré de ce que des espaces verts et des places de stationnement seraient prévues dans le projet en cause au sein d'emplacements réservés par la commune pour la construction de l'ouvrage évoqué au point 14, en méconnaissance du plan local d'urbanisme de la commune de Châteaubernard.

18. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées, que la société Cognac Invest n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2018 par lequel le maire de Châteaubernard a délivré à la SCI Bordeaux Espace Aquitaine un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Châteaubernard et de la SCI Bordeaux Espace Aquitaine, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande la société Cognac Invest au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société Cognac Invest une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Châteaubernard, d'une part, et à la SCI Bordeaux Espace Aquitaine, titulaire du permis attaqué, d'autre part, au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Cognac Invest est rejetée.

Article 2 : La société Cognac Invest versera à la commune de Châteaubernard une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Cognac Invest versera à SCI Bordeaux Espace Aquitaine une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés civiles immobilières Cognac Invest et Bordeaux Espace Aquitaine, à la commune de Châteaubernard et au ministre de l'économie et des finances (Commission nationale d'aménagement commercial).

Délibéré après l'audience du 11 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme I..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.

Le président,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX04266 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04266
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05-02-02 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial. Procédure. Commission nationale d`aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SIMON ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-02;18bx04266 ?
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