Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1600055 du 9 avril 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 juin 2018, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 avril 2018 ;
2°) de prononcer décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration ne pouvait mettre en oeuvre la procédure de taxation d'office sans l'avoir préalablement mis en demeure de déposer une déclaration ; il ne rentrait pas dans l'exception prévue par le 3° de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales dès lors que les sommes détournées étaient en lien avec l'exercice de son activité professionnelle et que l'activité occulte n'était donc pas caractérisée ; il a donc été privé de la garantie d'une procédure contradictoire ;
- l'administration a porté atteinte au secret professionnel en faisant usage de son droit de communication ;
- le redressement opéré par l'administration résulte d'un contrôle sur pièces et l'a privé des garanties offertes par la procédure de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ;
- l'administration a méconnu les dispositions des articles L. 47 et suivants du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle a procédé aux redressements afférents à son activité professionnelle en dehors de la procédure de vérification de comptabilité ; elle a également méconnu sa doctrine issue du BOI-CF-IOR-60-10 n°150 et n°160 ;
- l'administration a refusé de lui communiquer les documents obtenus dans le cadre de l'exercice de communication ;
- les sommes considérées par l'administration comme issues de détournements de fonds sont excessives et non justifiées dès lors qu'elles résultent de la simple addition de celles figurant au crédit du compte procédure.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 30 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 11 décembre 2019 à 12h00.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... B...,
- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., exerçait la profession d'avocat au barreau de Castres (Tarn) dont il a été radié le 24 janvier 2014 à la suite d'une procédure disciplinaire engagée à son encontre à raison de détournements de fonds opérés au préjudice de ses clients. Puis, à la suite d'un contrôle sur pièces obtenues dans le cadre du droit de communication exercé auprès de l'autorité judiciaire, l'administration fiscale a procédé à l'évaluation d'office des revenus de M. D... générés par ces détournements de fonds, conformément au 2° de l'article L. 73, du livre des procédures fiscales. M. D... relève appel du jugement n°1600055 du 9 avril 2018 par lequel le tribunal de Toulouse a rejeté sa demande en décharge des rectifications d'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013.
Sur les conclusions à fins de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, " Peuvent être évalués d'office : (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; (...) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° ". Par ailleurs aux termes de l'article L. 68 du même code, " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) 3° Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 ; (...) ". Enfin, le troisième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales dispose que " (...) L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ". Il résulte de ces dispositions que l'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et s'est livré à une activité illicite.
3. M. D... soutient que l'administration ne pouvait mettre en oeuvre la procédure de taxation d'office dont il a fait l'objet sans l'avoir préalablement mis en demeure de déposer une déclaration, le privant ainsi de la garantie d'une procédure contradictoire. A cet égard, il fait valoir que sa situation ne rentrait pas dans l'exception prévue par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales dès lors que les sommes qu'il aurait détournées étaient en lien avec l'exercice de son activité professionnelle et qu'ainsi l'activité occulte reprochée n'était pas caractérisée.
4. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration a, dans le cadre du droit de communication prévu par les articles L. 81 et L. 82 C du livre des procédures fiscales, recueilli auprès de l'autorité judiciaire des éléments permettant de considérer qu'à l'occasion de l'exercice de son activité d'avocat, M. D... a détourné, sur un compte personnel intitulé " Procédure ", des sommes au préjudice de ses clients. Il résulte en effet du procès-verbal de l'audition de M. D... réalisée le 12 février 2014 par le service régional de police judiciaire de Toulouse ainsi que du procès-verbal de son audition effectué dans le cadre de sa première comparution devant le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Castres le 13 février 2014, que l'intéressé a reconnu s'être livré à une activité de détournement de fonds afin de pouvoir financer son train de vie qui était beaucoup plus élevé que ce qu'il pouvait se permettre. Ces faits pouvant être qualifiés d'abus de confiance, infraction réprimée à l'article 314-1 du code pénal, ils ont le caractère d'une activité illicite et cette activité illicite de détournement de fonds, qui ne peut être regardée comme relevant de l'activité d'avocat du requérant, constitue une source de revenus imposables au titre des bénéfices non commerciaux en application de l'article 92 du code général des impôts. Or, il est constant que M. D... n'a pas déclaré les sommes procédant de cette activité illicite. Dès lors, compte tenu du caractère illicite de cette activité, l'administration n'avait pas à lui adresser de mise en demeure avant de procéder à l'évaluation d'office de ses revenus à l'issue d'une procédure de taxation d'office. Le requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la procédure d'évaluation d'office serait irrégulière pour ce motif et qu'il aurait été irrégulièrement privé de la garantie d'une procédure contradictoire.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts peuvent demander toutes informations relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes de toute nature perçues par les personnes dépositaires du secret professionnel en vertu des dispositions de l'article 226-13 du code pénal. Ils ne peuvent demander de renseignements sur la nature des prestations fournies par ces personnes ". Aux termes de l'article L. 82 C du même livre : " A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances. (...) ". Aux termes de l'article 226-13 du code pénal : " La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende " et aux termes de l'article 226-14 du même code : " L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret (...) ".
6. M. D... soutient qu'en faisant usage de son droit de communication, l'administration aurait porté atteinte au secret professionnel auquel il était soumis en sa qualité d'avocat et qu'elle aurait ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 13-0-A du livre des procédures fiscales. Toutefois, les impositions litigieuses ont été établies par l'administration sur la base des informations recueillies dans le cadre de l'exercice, auprès de l'autorité judiciaire, du droit de communication qu'elle tient de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales et non pas par application des dispositions de l'article L. 13- O A. Par ailleurs, si M. D... invoque la méconnaissance du secret professionnel, ce ne sont pas des opérations relatives à son activité professionnelle qui sont dévoilées mais les opérations de détournement de fonds qu'il a effectué et qui sont détachables de son activité professionnelle et donc non couvertes par le secret professionnel. Par suite, le moyen dans toutes ses branches sera écarté.
7. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que les rectifications en litige ont été effectuées dans le cadre d'un contrôle sur pièces réalisé sur la base des informations recueillies par l'administration dans le cadre de l'exercice, auprès de l'autorité judiciaire, du droit de communication qu'elle tient de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales. Dès lors, alors même que les détournements de fonds ont eu lieu dans le cadre de l'activité professionnelle de M. D... pour laquelle il tient une comptabilité et qu'ils lui ont permis de mener un train de vie important, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la procédure serait irrégulière au motif que l'administration n'aurait pas engagé une vérification de comptabilité ou un examen de sa situation fiscale personnelle.
8. En quatrième lieu, dès lors que M. D... n'a pas été taxé d'office à la suite d'un examen de sa situation fiscale personnelle, l'administration n'était pas tenue de l'inviter à présenter ses observations dans un délai de trente jours, ni, en conséquence, de lui faire connaître la persistance de son désaccord pour lui permettre, le cas échéant, de saisir la commission départementale des impôts. Sont également inopérants les moyens tirés de ce qu'il aurait été privé de la garantie de saisir l'interlocuteur départemental et le supérieur hiérarchique.
9. En cinquième lieu, M. D... ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de la doctrine issue du BOI-CF-IOR-60-10 n° 150 et n° 160, dès lors qu'elle concerne la seule procédure d'imposition.
10. Enfin, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.
11. En l'espèce, la proposition de rectification adressée à M. D... le 28 juillet 2014 précise que le droit de communication conféré à l'administration par les articles L. 81 et L. 82 C du livre des procédures fiscales a été exercé auprès du Procureur de la République du tribunal de grande instance de Toulouse le 12 décembre 2013 et le 20 mars 2014 et que les autorisations de consultation correspondantes ont été respectivement données le 12 décembre 2013 et le 21 mars 2014. La proposition mentionne ensuite les éléments exploités, tels qu'ils ressortent de l'enquête judiciaire et des auditions de M. D.... Ainsi, l'administration a dûment informé l'intéressé de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition et, en l'absence de demande de la part de M. D..., l'administration n'était pas tenue de lui communiquer les documents qu'elle a ainsi exploités aux fins de rectification.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
12. Les bénéfices non commerciaux tirés par M. D... de son activité occulte de détournement de fonds ayant été évalués d'office, le requérant supporte, en application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge.
13. Il résulte de l'instruction que l'administration s'est fondée, pour procéder aux rectifications litigieuses, sur l'exploitation du compte bancaire " Procédure " à partir duquel les détournements de fonds ont été opérés. Or, M. D... n'apporte pas la preuve qui lui incombe, en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, du caractère exagéré des impositions mises à sa charge en se bornant à soutenir sans l'établir qu'une partie des sommes prises en compte par l'administration ne résulterait pas de détournements mais correspondrait à des honoraires ou des frais engagés pour le compte de clients.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande en décharge.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2020 à laquelle siégeaient :
Mme C... F..., présidente,
M. E... B..., président-assesseur,
M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.
La présidente,
Brigitte F...La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 18BX02274 2